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Ce que les pays les plus heureux au monde ont en commun
©Flickr

La vérité est dans la statistique

Le festival 2018 de l'Aspen Institute a été consacré au " World Happiness Report", et à la question des villes les plus agréables à vivre dans le monde.

Pascal Neveu

Pascal Neveu

Pascal Neveu est directeur de l'Institut Français de la Psychanalyse Active (IFPA) et secrétaire général du Conseil Supérieur de la Psychanalyse Active (CSDPA). Il est responsable national de la cellule de soutien psychologique au sein de l’Œuvre des Pupilles Orphelins des Sapeurs-Pompiers de France (ODP).

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Atlantico : Premier constat : les villes où les gens sont les plus heureux privilégient la qualité de vie sur le développement économique. Et selon Dan Buettner, auteur de "Blue Zones of Happiness" , il existe six facteurs essentiels du bonheur humain : "une croissance économique forte, une espérance de vie en bonne santé, des relations sociales de qualité, la générosité, la confiance et la liberté de vivre la vie qui vous convient". Etes-vous d'accord avec ces critères ?

Pascal Neveu : Les études menées par Dan Buettner depuis une dizaine d’années s’inscrivent dans la continuité des recherches effectuées par le chercheur italien Gianni Pes et le démographe belge Michel Poulain qui décrivaient en 2000 ces fameuses zones bleues : des régions et des pays du monde où l’on observait une espérance de vie exceptionnelle et un risque de développer cancers ou maladies cardiovasculaires bien plus faible que partout ailleurs. Ils avaient notamment découvert dans la province de Nuoro, en Sardaigne, la plus forte concentration de centenaires jamais recensée !

Dan Buettner et son équipe ont par la suite identifié plusieurs communautés présentant ces mêmes caractéristiques de santé et de longévité. Il fait entre autre ressortir l’idée que le climat, l’environnement culturel et le régime alimentaire (comme une alimentation variée, riche en légumes et en fruits cultivés localement et comprenant très peu de viande et quasiment pas de produits transformés) ne sont pas les facteurs essentiels expliquant l’espérance de vie de leur population. 

Il décrit ces 6 critères, ainsi que le fort dynamisme de la population. En effet, même centenaires, les hommes et femmes de ces régions restent actifs, avec notamment une pratique quotidienne de la marche. Et beaucoup travaillent encore à plus de 80 ans. Leur philosophie de vie est par ailleurs basée sur des valeurs simples, comme la famille, et un lien social fort : la cohésion communautaire et le rapport à l’autre priment sur la quête de biens matériels ou la réussite professionnelle et sociale.

Ainsi, le stress est mieux géré que dans nos sociétés en agitation perpétuelle. Les études scientifiques ont démontré que même si nous avons moins de 1 % de chances de devenir centenaires, seulement 10 % de notre espérance de vie dépendent directement de nos gènes, les 90 % restants découlent de notre mode de vie et notre environnement.

Les trois pays où les gens déclarent le plus être heureux sont le Danemark, le Costa Rica et Singapour. Toutefois, comme le souligne Buettner, si les endroits les plus agréables à vivre partagent beaucoup de points communs, ils ont également leurs propres facteurs favorisant le bonheur. Au Costa Rica, le bonheur est attribué aux plaisirs de la vie quotidienne, comme les relations avec leurs voisins et amis par exemple. Au Danemark, c'est le fait que l'État prenne en charge les secteurs fondamentaux comme l'éducation qui constitue un facteur de bonheur, car c'est un élément majeur de la réussite personnelle et professionnelle. Au contraire, les États-Unis se classent à la 18è place. Le rôle de l'Etat dans ces domaines clés est-il un facteur de bonheur selon vous ?

L’île d’Icarie en Grèce, les montagnes de l’Ogliastra en Sardaigne, la péninsule de Nicoya au Costa Rica et l’archipel d’Okinawa au Japon font également partie des régions les mieux classées au sein de ce palmarès. Il ne faut pas oublier que Dan Buettner est un haut défenseur de la médecine intégrative, née en Arizona, qui prône la nécessité de tenir compte du patient sur tous les plans (psychique, biologique et spirituel).

Nos choix de vie auraient une grande influence et un fort impact sur notre longévité. Ralentir la cadence pour renouer avec son corps, apaiser son esprit et mieux profiter du monde qui nous entoure sont essentiels afin de ressentir un bien-être et de venir toucher le bonheur. En tout cas, même si le bonheur n’existe pas, ce sont tous les moments de plaisir qui vont participer à tendre vers un état de bonheur.

Il s’agit donc de vivre pleinement, et pour cela les Etats, via l’éducation, sous la forme d’une politique de prévention, prônent l’intérêt et les bénéfices d’interagir socialement, de réduire les échanges par mails, textos, tweets, likes… de laisser son smartphone au bureau le soir et le week-end… bref de se « déconnecter »… Certains groupes se sont créés, invitant à un style de vie renouant avec l’essentiel, en cessant de se disperser.

Une étude a par exemple démontrée que ce qui préoccupe d’abord les gens, c’est de manquer de temps”, engendrant du stress, limitant les relations avec ses voisins et sa propre famille. Et par cascade, nous coupant de nous-même, impactant notre santé et notre bien-être. C’est la raison pour laquelle au Danemark est apparu le « Hygge », une philosophie du bienêtre à mi-chemin entre la « slow life » et la méditation de pleine conscience adoptée avec succès par le peuple le plus heureux de la planète.

Les gens qui vivent dans des villes de taille moyenne sont plus susceptibles d'être heureux que ceux qui vivent dans l'anonymat des grandes villes, dit également l'étude. Pour quelles raisons selon vous ?

A force d’accélérer pour ne pas se laisser déborder par les impératifs de productivité et de croissance, on finit par ne plus être à l’écoute de son corps et le conduire à son point de rupture. Il n’est donc pas étonnant que les villes de petites tailles et l’anonymat agissent de manière positive sur l’état de bien-être et de bonheur. Cet éloge d’une autre façon de vivre, finalement plus au ralenti, davantage dans le lien social et affectif, est au cœur de la réflexion des philosophes et des médecins depuis toujours.

Notre émerveillement face aux nouvelles technologies,  leur consommation boulimique, depuis plus de vingt ans nous rendent frénétiques, voire aliénés. De fait, notre esprit et notre corps finissent par saturer, s’éparpiller, s’épuiser, jusqu’à rompre un équilibre intérieur. Notre homéostasie est mise à mal, engendrant une baisse du plaisir, un épuisement menant au burn-out.

On le voit très bien en France. Le style de vie, le rythme de vie, l’espérance de vie ne sont pas les mêmes à Paris que dans un petit village du sud de la France ! L’intérêt de cette étude est bien de nous rappeler que nous ne devons pas nous oublier ni nous perdre dans un rythme de vie où le temps n’est plus compté.

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