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Le FN commence à attirer des transfuges d'autres partis.
Le FN commence à attirer des transfuges d'autres partis.
©Reuters

Itinéraire d’enfants gâtés

Sébastien Chenu, Julien Odoul, Fatima Allaoui... ces jeunes militants et personnalités de l'UMP et de l'UDI ont récemment renforcé les rangs du Front National. Le parti de Marine Le Pen a désormais le statut de "tremplin" politique.

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud est professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble depuis 1999. Il est spécialiste à la fois de la vie politique italienne, et de la vie politique européenne, en particulier sous l’angle des partis.

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Atlantico : Plusieurs jeunes militants et personnalités politiques issues de l’UMP et de l’UDI comme Sébastien Chenu, Julien Odoul et Fatima Allaoui ont rejoint le FN très récemment. Comment expliquer que le FN soit aussi attractif pour des jeunes militants politiques aux dents longues venus d’autres partis ?

Christophe Bouillaud : La médiatisation de ces trois cas tendrait plutôt à indiquer que ces passages de la droite vers le FN restent finalement rares. De fait, l’attractivité du FN sur les jeunes militants ou politiciens venus des autres partis n’est pas si importante que cela pour qu’on soit amené à parler d’individus aussi peu connus du grand public que les trois cas que vous citez. Qui avait entendu parler de ces personnes avant leur défection vers le FN ? Par ailleurs, à chaque fois, dans les trois cas que vous citez par exemple, ce sont bien plutôt les caractéristiques propres de l’individu en question qui ressortent nettement. En fait, ce que la médiatisation de ces trois cas traduit n’est autre que la prise de conscience par l’opinion publique qu’il est désormais possible de faire carrière à travers un engagement au FN. Pendant très longtemps, s’engager au FN, c’était la certitude de n’aller nulle part du point de vue de la possibilité de "vivre de la politique", cela a largement expliqué la scission de 1998. Aujourd’hui, le FN peut apparaître comme un ascenseur vers des postes électifs rémunérés pour certains aspirants à de tels trophées. Lors de son entretien avec France-Info, la substance des propos de Fatima Allaoui m’a rappelé dans leur honnêteté les propos d’un vieux politicien de la IVème République : dans le fond, cela n’est pas elle qui change, c’est le vent – les électeurs – qui tourne. "Sa stratégie (avant son ralliement au FN) n’était pas bonne", nous dit-elle.

Pourquoi peut-on rapidement gravir les échelons au sein du FN ? Sous quelles conditions peut-on monter aussi vite ?

Il ne faut pas exagérer les possibilités de promotion rapide au sein du FN. Si l’on regarde les résultats des récentes élections internes du FN à la suite du Congrès de Lyon, le cœur du parti reste très solidement ancré dans ses diverses traditions. Le score de F. Philippot est significatif de ce point de vue. Par contre, à mesure de la croissance électorale du parti, il est vrai que des postes électifs peuvent échoir à des nouveaux venus, ou à des "compagnons de route" (comme Robert Ménard à Béziers), mais ces derniers ne sont pas nécessairement, ni au sommet de la hiérarchie partisane, ni très présents dans les médias pour incarner le FN lui-même. Par exemple, les députés européens du FN élus au printemps 2014 sont pour la plupart totalement inconnus  à ce jour du grand public.

En quoi peut-on dire que Florian Philippot, une personnalité politique qui a rallié le FN après avoir été chevènementiste, est-il le meilleur exemple de cette réussite après s’être imposé comme le numéro deux du parti derrière Marine Le Pen ?

La différence de F. Philippot avec les trois cas cités précédemment, c’est qu’il a rallié le FN à un moment où ce dernier n’avait pas encore connu la victoire aux Européennes. Il en est même l’un des artisans. Son héritage "chevènementiste", mais surtout sa forte propension à se rattacher désormais publiquement au gaullisme, correspond à une analyse politique : comment faire triompher les idées "souverainistes", "républicaines", ou "gaullistes",  dans un contexte où tous  les partis qui ont essayé d’incarner ces idées dans les années 1990-2000 ont connu le déclin électoral ? D’évidence, F. Philippot a parié sur le FN, d’autres ont fait d’autres choix, y compris d’ailleurs le retrait de la vie politique. Bref, contrairement aux trois cas cités précédemment, F. Philippot "incarne" une logique politique, que certains électeurs proches de ces idées vont suivre  – ou pas – en votant FN.  Pour l’instant, le FN n’a pas reçu le soutien d’autres personnes incarnant aussi nettement des lignes politiques qui pourraient se rallier à lui.

Comment faire carrière sur le long terme dans ce parti où les nouvelles recrues volent rapidement la vedette aux anciennes ?

Il me semble que, pour l’instant, en dehors de F. Philippot, les représentants connus par le grand public du FN stricto sensu sont membres de longue date. Par ailleurs, vu l’expansion électorale du parti, il risque si j’ose dire d’en avoir pour tout le monde… et les nouvelles recrues ne tueront pas nécessairement les espérances des anciennes. Par ailleurs, il faut faire attention qu’être jeune ne veut pas dire être un militant de fraîche date. Le "jeune" maire de Fréjus, David Rachline, s’est engagé au FN comme adolescent, ce qui en fait, à moins de 30 ans, un "vieux militant". L’impression de nouveauté tient plutôt au fait que la vieille génération, celle qui s’était engagée dans les années 1970-80, se trouve obligée de passer la main, parce qu’elle ne correspond plus à ce que peuvent légitimement attendre les électeurs du FN, à savoir des représentants dynamiques et au goût du jour.

Des personnalités de gauche comme de droite ont rallié le FN ces dernières années. Quels sont toutefois les risques pris par le parti frontiste en engrangeant des ralliements de jeunes personnalités principalement attirées par leur carrière politique personnelle ?

Du point de vue politique, il me semble que les risques sont minimes : d’une part, l’appareil reste et restera contrôlé par les "historiques" du parti, dont bien sûr Marine Le Pen elle-même ; d’autre part, tous ces aspirants élus ne devront leur siège éventuel qu’à la "marque FN", ils seront entièrement dépendants du capital collectif de l’organisation frontiste, parce qu’ils ne représentent pas grand-chose d’autre qu’eux-mêmes. On ne doit pas craindre non plus d’ailleurs beaucoup à la direction du FN leur capacité d’élaboration idéologique autonome…

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