Ce que l’Ukraine apprend à l’Union européenne sur elle-même et que nous peinons toujours à distinguer <!-- --> | Atlantico.fr
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky et Emmanuel Macron se serrent la main après une conférence de presse à l'issue de leur rencontre à Kiev le 8 février 2022.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky et Emmanuel Macron se serrent la main après une conférence de presse à l'issue de leur rencontre à Kiev le 8 février 2022.
©©Sergei SUPINSKY / AFP

Introspection

Comme le dit l’ancien président ukrainien Poroshenko dans une interview au Financial Times, Les Ukrainiens savent « que la route pour rejoindre l'UE sera longue et difficile. Mais... notre candidature, littéralement scellée par le sang ukrainien, devrait & être le signe le plus fort possible de notre appartenance à une Europe unie. ». Alors que sortent les résultats de la consultation citoyenne sur l’avenir de l’Europe, l’UE est-elle intellectuellement prête à cet élargissement ?

Guillaume Klossa

Guillaume Klossa

Penseur et acteur du projet européen, dirigeant et essayiste, Guillaume Klossa a fondé le think tank européen EuropaNova, le programme des « European Young Leaders » et dirigé l’Union européenne de Radiotélévision / eurovision. Proche du président Juncker, il a été conseiller spécial chargé de l’intelligence artificielle du vice-président Commission européenne Andrus Ansip après avoir été conseiller de Jean-Pierre Jouyet durant la dernière présidence française de l’Union européenne et sherpa du groupe de réflexion sur l’avenir de l’Europe (Conseil européen) pendant la dernière grande crise économique et financière. Il est coprésident du mouvement civique transnational Civico Europa à l’origine de l’appel du 9 mai 2016 pour une Renaissance européenne et de la consultation WeEuropeans (38 millions de citoyens touchés dans 27 pays et en 25 langues). Il enseigne ou a enseigné à Sciences-Po Paris, au Collège d’Europe, à HEC et à l’ENA.

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Atlantico : Comme l’a résumé l’ancien président ukrainien Porochenko dans une interview au Financial times, l’Ukraine considère avoir payé le droit à son adhésion à l’Union Européenne avec le prix du sang. On voit bien du reste que la question de l’adhésion de l’Ukraine à l’UE ressort de plus en plus des conversations outre-Atlantique ou des négociations autour d’un potentiel cessez-le-feu puisqu’elle permet d’éviter la question de l’adhésion à l’OTAN. Même si cette entrée dans l’Union ne se faisait qu’à moyen terme, l’Europe a-t-elle selon vous suffisamment pensé au tournant stratégique comme politique profond que cela pourrait représenter ? S’agit-il de l’occasion de redéfinir ce que pourrait être l’Europe ?

Guillaume Klossa : L’Union n’a pas a se redéfinir, on voit bien qu’elle a une capacité d’attraction considérable, qu’elle a des valeurs fortes, qu’il existe au sein de l’Union une véritable société transnationale partageant des modes de vie, des préoccupations, des débats spécifiques à l’Union. Elle doit en revanche mieux prendre conscience de la réalité sociale, culturelle, économique et politique qu’elle constitue et qui ne cesse de se renforcer, mieux l’assumer et en tirer de la fierté.

Elle doit en revanche se penser désormais comme puissance géopolitique dans un monde qui est désormais en rupture avec celui de l’après-guerre et de l’après-chute du mur, un monde plus violent à ses frontières qui oblige désormais l’Union à assurer la stabilisation de son environnement proche. L’adhésion des pays européens frontaliers peut contribuer à cette stabilisation dans la durée d’autant qu’il y a une aspiration très forte de ces pays à faire partie de la famille européenne mais d’un côté cela n’est possible que si l’Union « s’approfondit », qu’elle se transforme en véritable démocratie.De l’autre, il faudrait tirer les enseignements des bonnes et mauvaises pratiques des élargissements antérieurs pour ne pas se retrouver avec de nouveaux gouvernements populistes au sein de l’Union. Il faut également que les citoyens de l’Union se prononcent explicitement pour ses nouveaux élargissements. Enfin, l’élargissement et l’approfondissement ne peuvent se faire que dans la durée. Entre-temps l’Union doit se donner les moyens et définir une stratégie pour gérer les urgences qui risquent de se multiplier et adapter son économie à la réalité de la guerre, qui peut durer.

La nouvelle donne géopolitique créée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie peut-elle être une très belle occasion de corriger les erreurs commises depuis la chute du mur de Berlin au niveau de la construction européenne ?


Arrêtons en permanence de parler des erreurs commises et de regarder dans le rétroviseur, croyez-vous que les Américains, les Indiens ou les Russes passent leur temps à faire de l’autocritique et parler de leurs erreurs?  Ils en font beaucoup plus que nous, bien plus graves mais tournent la page immédiatement. Nous, parce que nous avons une culture démocratique bien plus forte, parce que nous avons érigé Bruxelles en bouc-émissaire pratique et facile, nous soumettons à une autocritique permanente souvent sans valoriser ce que nous avons construit : l’Union est l’une des zones les plus riches et les moins inégales du monde, qui protège le mieux la dignité de la personne et qui a su faire face à la crise du covid avec un niveau de solidarité inégalé au niveau planétaire.  Ce n’est pas un hasard si l’Union est aujourd’hui la cible des principales grandes puissances de la planète, c’est qu’elle dérange, c’est le signe d’un grand succès. Cela ne veut pas dire que l’Union ne doit pas continuer à se transformer, bien au contraire.

Les résultats de la grande consultation citoyenne des Européens sur l’avenir de l’Europe commencent à émerger. La réaction des peuples européens à l’invasion de l’Ukraine a surpris par son intensité comme par son visage d’unité. Quel regard portent sur l’avenir de l’Europe les Européens eux-mêmes ?


Ce qui est étonnant, c’est que la quasi-totalité des citoyens qui ont été tirés au sort pour participer à la conférence ont accepté de le faire et qu’ils ont eux-mêmes commencer à tirer des enseignements majeurs de cette conférence : d’abord qu’ils n’ont aucune éducation à l’Europe qui leur permette de se penser en citoyen européen et que sans éducation civique et politique européenne, une démocratie européenne n’est pas possible, une éducation civique européenne est donc indispensable pour tous. Ensuite que l’expérience de la citoyenneté ne peut être réservée qu’à quelques citoyens tirés au sein, elle doit être généralisée à tous. Enfin qu’ils considèrent que l’Union doit s’approfondir de manière massive et rapide de de très nombreux domaines : santé, défense, sécurité, travail, culture, …

Il y a sans doute une maturité et une appétence des citoyens européens pour une intégration européenne plus approfondie et solidaire bien plus forte que la perception des politiques et des médias. Lors des crises de ces dernières années, que cela soit le Brexit, la Covid ou la guerre à nos portes, les citoyens de l’Union ont toujours été en avance sur les médias et les dirigeants politiques en ce qui concerne la nécessité de solidarité et d’unité, cela doit nous faire réfléchir.


Alors que l’Europe est confrontée à une nouvelle donne sur le terrain militaire, la France a-t-elle une carte particulière à jouer et comment la jouer aux mieux ?


Demandez aux candidats à la présidentielle. Ce qui est certain, c’est que la France, parce qu’elle assume la présidence du Conseil de l’Union européenne, a une responsabilité particulière, celle de garantir par tout moyen l’unité de l’Union européenne et de faciliter l’émergence de solutions collectives pour aider l’Europe à se sortir au mieux de la crise gravissime à laquelle nous devons faire face. 

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