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"Ce que je sais de toi" de Eric Chacour : un premier roman magnifique
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Une vie rangée, conforme aux traditions…un baiser…le chaos ! Un premier roman magnifique De : Eric Chacour Philippe Rey Parution le 24 août 2023 300 pages 22 €

Elisabeth Autet pour Culture-Tops

Elisabeth Autet pour Culture-Tops

Elisabeth Autet est chroniqueuse pour Culture-Tops. Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

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THÈME

Dans les années 1980, nous sommes au Caire.Tarek est un jeune médecin selon les désirs de sa famille et de sa communauté. A la mort de son père, il reprend donc le cabinet de son père.

Il est entouré de sa mère « haute en couleurs », autoritaire, vouant une passion à la France, de sa sœur et confidente Nesrine, de son épouse discrète et aimante Mira (un amour de jeunesse retrouvé) et de Fatheya la domestique gardienne des secrets familiaux.

Pour se démarquer de son père, Tarek ouvre un dispensaire dans le Moqattam, quartier pauvre établi près (et sur) les ordures. Il se lie d’amitié avec Ali et sa mère malade. Au décès de celle-ci, il prend Ali sous son aile afin d’en faire son assistant. Jusqu’au jour où un baiser va provoquer un énorme bouleversement.

POINTS FORTS

 La construction en trois parties de ce superbe roman : dans les 2/3  c’est une narration de la vie de Tarek par un « TU », 1/3 ensuite en « JE » car le narrateur se dévoile, et les dix dernières pages seront en « NOUS ».

Une fine analyse des personnages : Tarek  personnage principal, dont on suit  l’évolution, enfant, adolescent et surtout adulte. La Mère autoritaire qui met en scène sa vie et celle de sa famille selon des codes précis. Fatheya indispensable à la vie familiale, et surtout gardienne des secrets. Mira l’épouse plutôt énigmatique. Ali, jeune homme pauvre mais libre et sans tabous, dont la jeune vie se trouve mêlée à l’hypocrisie des hommes dans ce pays.

L’Histoire d’un pays : l’Egypte qui se déchire, se réinvente de l’époque de Nasser aux années 2000 ; l’Histoire d’une communauté levantine avec les chrétiens de divers rites  orientaux ; les Arméniens. Mais aussi une Histoire de fuite, d’exil.

QUELQUES RÉSERVES

Aucune. Si la forme narrative avec le TU peut perturber au début, elle souligne le contexte de l’histoire  et prend tout son sens dans la deuxième partie. Elle n’altère en rien la qualité de style.

ENCORE UN MOT...

Tarek est donc un jeune homme qui s’est « moulé » dans le schéma familial ; il a repris le cabinet de son père, personne éminente de sa communauté. Il est entouré de femmes : bien que absentes socialement, elles sont fortes et fières, marquant le clan et son histoire.

On ne peut en dire trop afin de ne pas divulguer l’intrigue; Tarek est un homme tout en intériorité, dont la vie sera poussée dans des retranchements qui la modifieront toute entière.

Par le « TU », quelqu’un essaie de reconstruire l’histoire de Tarek en remontant ainsi le cours de sa vie. Mais qui est ce narrateur ? Quels sont ses liens avec Tarek ? Le suspense est parfaitement maîtrisé jusqu’au moment où la narration passe au « JE ».

Il est donc question d’un amour entre deux hommes dont les vies sont aux antipodes l’une de l’autre. Ces « amours clandestines » seront vite connues de toute la communauté où tout se sait ! Cela peut-il entraîner un nouveau départ pour un autre lieu ? Mais comment ? Avec un sujet propice à bien des clichés, Eric Chacour nous décrit avec des mots toujours justes une existence bouleversée tout en nous emmenant dans un voyage sensuel, sensoriel.

La société bouillonnante d’une Egypte en pleine mutation reste encore très marquée par des obscurantismes. Mais l’on découvrira combien la force des femmes est le pilier de la vie de famille. Dans ce pays qui se déchire, avec des sociétés diverses, c’est aussi la recherche pour le narrateur de ses origines, de son histoire familiale entourée de secrets, et de son identité. C’est aussi une histoire sur la fuite, l’exil de toute cette communauté venue du Levant. Entre Le Caire, Montréal, Boston, nous suivons ces aller/retour pendant la période 1961 à 2001, un style qui n’altère pas la fluidité du livre.

Un premier roman magnifique, parfaitement maîtrisé dans le style, la langue et la narration. Un livre tout empli de poussières, d’odeurs et de saveurs. Un livre à savourer.

UNE PHRASE

« Ali te fascinait. Il y avait chez lui une liberté absolue, une absence de calcul, une exaltation du présent. Il n’était lié par aucun passé et ne concevait pas l’avenir à travers les mêmes contraintes que toi. Il se contentait de vivre et tu te surprenais parfois à espérer que vivre serait contagieux. » p. 99

« Ainsi elle ne parlait jamais de « hasard », préférant invoquer le « destin » pour exprimer, quoique plus noblement, la même idée…Mektoub. Tout est écrit d’avance, nous ne faisons qu’exécuter une partition dont les notes nous sont transmises au moment de la jouer, les suivantes demeurant un mystère aussi entier que la mélodie qu’elles composeront.» p. 233 et 234

L'AUTEUR

Eric Chacourest né à Montréal de parents égyptiens. Il travaille dans la finance et ce livre est son premier roman.

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