Ce laser super puissant développé par Israël pourrait devenir un instrument de paix <!-- --> | Atlantico.fr
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©Mussa Qawasma / Reuters

Nouvelle technologie

Israël a récemment révélé la sortie d'un de ses derniers systèmes d'armes de défense anti-aérienne utilisant la technologie laser. Cette capacité très innovante devrait être opérationnelle sur le territoire Israélien d'ici 2021 si l'on en croit la communication de leur ministère de la Défense.

Fabrice Wolf

Fabrice Wolf

Fabrice Wolf est ancien pilote de l’aéronautique navale, et rédacteur en chef du site d’information Meta-defense.fr.

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Etant donné la menace balistique qui pèse sur Israël, l'intégration de ce système à son outil militaire serait peut-être en mesure de rebattre une partie de cartes dans la région. 

Atlantico : Quelle plu-valu apportera ce nouveau système par rapport à l'"Iron Dome" actuellement en service ? S'agira-t'il d'une substitution progressive ou bien d'une complémentarité afin de solidifier l’environnement multicouche de la défense anti-aérienne Israélienne ? 

Fabrice Wolf : La plus-valu est particulièrement nette quand on compare les couts d’utilisation des deux systèmes : trois dollars le tir de laser contre 10 000 pour un tir du système "Iron Dome"... . C'était d'ailleurs, jusqu'à présent, un des principaux reproches fait à l'"Iron Dome" : un tir coûtant beaucoup plus cher que les roquettes artisanales interceptées.  On peut donc parler d'un changement de paradigme dans la notion même de protection anti-missile. En neutralisant des systèmes avec un arme aussi économique : obus et roquettes deviennent obsolètes.

Si le système est opérationnel et conforme à ce qui est montré dans l'animation, la plu-valu sera très élevée. Mais il ne s’agira probablement pas pour autant de remplacer l'"Iron Dome" qui garde sa place dans La Défense anti-missiles israélienne. La complémentarité des deux système est réelle ne serait-ce que concernant la redondance des systèmes en cas de neutralisation de l’un deux, comme, par exemple, lorsque la météo est mauvaise et que les laser s’avèrent inefficaces. 

Atlantico : Compte-tenu de la consommation énergétique des armes à énergie dirigée, peut-on envisager un emploi de ce système qui irait jusqu'à la neutralisation d'armes balistiques ou d'aéronefs ? 

Fabrice Wolf : Le problème actuel est que nous n'avons aucune idée de la puissance de ce système. Toutefois le fait que l'animation vidéo qui accompagne sa promotion le montre embarqué à partir d'un drone MALE ou assimilé laisse penser qu'il ne sera pas à d'une puissance suffisante pour intercepter des aéronefs ou des missiles balistiques. Ses cibles seront donc les drones, les roquettes, obus de mortiers et les missiles « légers » comme les missiles antichar ou anti-aériens. Pour être en mesure d'intercepter des systèmes lourds, la puissance du laser doit dépasser les 300 Kw selon la Marine américaine. Il s'agit toutefois d'une limite basse car, dans les faits, la puissance nécessaire pour détruire un missile de croisière se situe entre 500 et 1000 Kw, du fait de sa vitesse qui réduit le temps d’exposition au rayon. C'est une puissance impossible à obtenir, pour des raisons physiques, de manière continue dans un drone de combat, d'un aéronef léger ou d'un blindé : ce qui limiterait de facto son déploiement. A tout le moins cela pourrait être envisageable de manière très limitée sur des avions gros porteurs (types E-3 AWACS ou A 330 MRTT), des navires de combat ou des installations fixes. Le système présenté est donc résolument voué à une défense anti-aérienne basse-couche face à des vecteurs légers.

Atlantico : Doit-on parler d'une innovation incrémentale ou bien de rupture ? Par voie de  conséquence, quelle serait sa capacité à solidifier un statu quo régional favorable à Israël ? 

Fabrice Wolf : Il est impossible de répondre sans en savoir davantage sur les capacités réelles et les technologies employées par le système israélien. Pour l'instant, la présentation vidéo dévoilée ne présente qu'une technologie dont le principe est déjà connu et maîtrisé par beaucoup d'acteurs. En revanche, s'ils sont bien capables de déployer un système d'arme laser capable de détruire autant roquettes que obus, embarqué sur des drones ainsi que sur des blindé,  s'inscrivant dans un système de commandement et de contrôle réseau-centré, le système représentera une avancée importante, tant du point de vue technologique qu’opérationnel.

Si tel est le cas, la plupart des moyens d'action du Hamas ou du Hezbollah contre Israël seront devenus obsolètes. Ils devront alors revenir à des modes d’action plus traditionnels, ou les obligera de se doter de systèmes conventionnels beaucoup plus chers et complexes à mettre en oeuvre : missile de croisières et balistiques, drones de combats.... . Autant dire des capacités largement hors de portée des moyens actuels de ces groupes. Le gain sécuritaire pour Israël est donc très significatif. 

Atlantico : Quelle serait potentiellement l'incidence sur le marché de la défense anti-aérienne aujourd'hui largement dominée par les Russes et parent faible du camp occidental ?

Fabrice Wolf : Pour l'instant l’incidence est nulle et n'a pas fait grand bruit car on ne dispose d'aucun élément venant étayer l'authenticité du fonctionnement présenté par Israël. En revanche on en revient à ma précédente réponse : si effectivement cela fonctionne et que la mise en oeuvre se fait dans les délais annoncés, c'est à dire d'ici 2021, cela changera beaucoup de choses. Aujourd’hui il n'existe pas de systèmes d'armes laser de défense de zone opérationnels. Même le système russe Peresvet, sert en définitive surtout à éblouir les satellites pour les empêcher d’enregistrer le départ d'un missile balistique. Quand aux systèmes équipant les blindés Strykers MEHEL américains, ils ne disposent que d'une puissance de 2Kw, efficace uniquement contre de petits drones... .

En revanche les Israéliens ne survendent pas les performances de leurs systèmes d’armes en règle générale. Et ils n'ont aucun intérêt à le faire car ils savent que ces équipements seront intégrés à leurs troupes et se retrouveront très rapidement en situation opérationnelle. Le risque pour les soldats ou la population civile est donc important et un équipement ne respectant pas ses promesses exposerait l’industriel comme les autorités à de sévères critiques. L'exemple de l'Iron Dome est à ce titre très significatif : les performances du système furent vivement critiquées lors des campagnes de tir de roquettes contre Israël ces derniers mois. De nombreux israéliens estimèrent en effet que le système avait échoué en n’interceptant pas l’ensemble des roquettes lancés par le Hezbollah. Dans les faits, les performances de l’Iron Dome ont été plus que satisfaisante, et très peu de roquettes jugées « dangereuses » par le système parvinrent à passer le barrage. C’est d’autant plus remarquable que le système est très économique, avec un cout au tir de 10.000 $, soit moins de 10% du cout des autres systèmes existants. Les industriels israéliens de l’armement savent pertinemment que la première sanction si leur système s’avérait défaillant, ou simplement décevant, viendrait des israéliens eux-mêmes. Si tout reste à démontrer, on peut toutefois donner au système israélien un réel crédit.

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