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Cata commerciale et juridique ou épiphénomène ? Pourquoi les conséquences du Brexit sur les relations d’affaires entre partenaires européens pourraient se régler très simplement
©Reuters

C’est grave, docteur ?

De nombreux commentateurs ont laissé entendre que suite au Brexit, le Royaume-Uni serait plongé dans une séquence de renégociation fastidieuse. Une crainte qui n'est pas forcément fondée.

Paul Lignières

Paul Lignières

Paul Lignières est docteur en droit, et avocat associé au sein du cabinet Linklaters. Membre du Conseil scientifique de la Fondation Schuman, il est aussi l’auteur d’un essai, Le Temps des Juristes, contribution juridique à la construction européenne, LexisNexis, 2012. 

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Atlantico : La sortie de l'UE implique pour les entreprises britanniques la fin du libre accès au marché européen. Londres va devoir négocier avec Bruxelles une nouvelle coopération commerciale. De quelles natures les accords entre le Royaume-Uni et l'Union européenne sont-elles ?

Paul Lignières : Il existe trois types de négociation : premièrement, dans la mesure où l'Union européenne va perdre un contributeur, des négociations couvriront tous les aspects financiers et les questions budgétaires. Deuxièmement, du fait de son appartenance à l'UE, le Royaume-Uni bénéficiait de tous les accords commerciaux de l'UE avec les pays tiers. En se retirant de l'UE, le Royaume-Uni ne peut plus bénéficier de ces traités, ce qui donnera lieu à des négociations d'ordre commercial. Troisièmement, tout le droit propre à l'UE (les traités mais aussi les règlements et les directives) qui s'appliquaient au Royaume-Uni devront être triées, afin de savoir s'ils doivent rester opérant, remplacés ou abandonnés. 

Par exemple, toutes les réglementations sur les marchés publics du Royaume-Uni sont à quasiment 100% issues du droit communautaire. Si cette réglementation disparaît, rebondir ne sera pas forcément très long : d'une part, une bonne partie de cette réglementation communautaire a déjà été transposée en droit interne, d'autre part, le Parlement britannique peut très bien considérer que dans certains cas le droit communautaire a force de loi au Royaume-Uni. Politiquement et juridiquement, tout peut donc aller très vite.

A quel type de complexité les équipes chargées de renégocier les traités seront-elles confrontées ?

Il faut distinguer les propos de campagne de la réalité : pendant la campagne les partisans du remain ont beaucoup agité la difficulté de sortir de l'UE. En pratique, même si ce ne sera pas simple, ce sera sûrement moins compliqué que ce qui a pu être entendu. Un délai de deux ans est prévu pour négocier avec l'Union en cas de sortie, nous dit l'article 50 du traité de Lisbonne. C’est suffisant pour gérer le juridico-administratif.

Les vraies difficultés se présenteront lors des négociations commerciales et politiques. Le Royaume-Uni voudra conserver quelques privilèges (liberté de circulation des capitaux et des produits). On verra quel rapport de force, quelles tensions s'établiront entre le Royaume-Uni et l'Union européenne à ce moment-là. Le Royaume-Uni va rechercher des accords spécifiques sur certains sujets avec l’UE comme il peut en exister avec l'Islande, ou encore la Norvège. Les tensions pourront être importantes car leur traduction sur le terrain sera très concret, comme sur les marchés publics : est-ce que demain les entreprises britanniques auront le droit de répondre aux appels d'offre publics sur le continent ? Est-ce que l'on aura le droit de les discriminer ou pas ? Il s'agit de sujets concrets juridiques qui dépendent de positions politiques. Néanmoins, face à la Chine, au Japon ou encore au Canada, l'Union européenne n'a jamais fait preuve d'un fort protectionnisme... Alors même que ses positions très libérales quant à l'ouverture des frontières ont été (et continuent d'être) très critiquées.

Fondamentalement, il ne sert pas à grand-chose de jouer les cassandres sur les sujets juridico-administratifs mais il faut être conscient des enjeux juridico-politiques : c’est la fin d’un certain angélisme des institutions européennes et du "consensus de Bruxelles" autour du libre échange et de l’ouverture des frontières.

De nombreux commentateurs ont pointé du doigt le caractère fastidieux des renégociations. Existe-t-il des recours permettant de faciliter les négociations ?

Le cadre établi par le traité de Rome fixe un délai de deux ans. Mais cela peut aller plus vite. En effet, deux ans d'incertitude, c'est long pour le gouvernement britannique, et surtout pour les entreprises de la City qui en sont les premières affectées. On peut donc envisager un processus accéléré de négociation. En pratique, est ce qu'il y a les moyens juridiques de le faire ? Pas à ma connaissance.

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