Boualem Sansal : « Inde, Pakistan, Soudan… Les islamistes ont déjà provoqué des partitions à leur profit ; aujourd’hui, c’est toute l’Europe occidentale qui fait face à cette menace »<!-- --> | Atlantico.fr
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L'écrivain algérien Boualem Sansal.
L'écrivain algérien Boualem Sansal.
©FRANCOIS GUILLOT / AFP

Menace islamiste

Alors que les manifestations pro-palestiniennes ne faiblissent pas en Occident, Boualem Sansal évoque la manière dont les islamistes avancent leurs pions en Europe et dans le monde.

Boualem Sansal

Boualem Sansal

Boualem Sansal est un écrivain et essayiste algérien. Il est notamment l'auteur de 2084 : la fin du monde, Le Train d'Erlingen ou la Métamorphose de Dieu et Abraham ou La Cinquième alliance. Très critique du pouvoir algérien, il est censuré dans son pays.

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Atlantico : Alors que les manifestations pro-palestiniennes ne faiblissent pas en Occident, un certain nombre d’élus et de militants affirment qu’on criminalise la parole de ceux qui entendent défendre les Palestiniens et par extension les musulmans. Cet argument vous paraît-il recevable ?

Boualem Sansal : Pour moi, il ne l’est pas. Je ne sache pas qu’il est interdit de manifester en France. On peut le faire pour à-peu-près tout ce qu’on veut et un parti comme LFI, si c’est à lui que vous pensez, ne s’en prive pas, il manifeste tous les jours à propos de tout et de rien et de manière souvent violente pour gagner l’électorat musulman, qu’il présente comme la victime expiatoire de la société française, oubliant les musulmans parfaitement intégrés en France qui vivent à l’aise leur islam au sein de la société française laïque.

Les Palestiniens reçoivent des soutiens du monde entier, et pas seulement en paroles et en slogans, y compris d’Israël où la gauche israélienne est mobilisée contre Netanyahu et réclame l’arrêt de la guerre et de véritables négociations de paix avec les Palestiniens. Je ne sache pas non plus que les musulmans en France manquent de soutiens, qui ont fait que l’islam s’y développe aujourd’hui infiniment mieux que dans les pays musulmans où les citoyens sont privés de leurs droits civiques les plus élémentaires et restent constamment soumis à l’arbitraire du pouvoir et à la terreur des islamistes. Aujourd’hui, tous les obstacles à la promotion ont été levés en France, y compris ceux qui n’auraient jamais dû l’être comme l’importation d’imams étrangers, le fait de céder sur la laïcité au prétexte que l’islam a intrinsèquement besoin de l’espace public pour se pratiquer, etc.

La France est une démocratie (qui bat un peu de l’aile, c’est vrai) et un état de droit, l’action publique y est encadrée. Manifester n’est pas casser, n’est pas insulter et diffamer, n’est pas appeler à la violence et prendre en otage la population. Le Hamas est reconnu comme organisation terroriste en France, le soutenir directement ou indirectement comme le fait LFI c’est se faire complice du crime contre l’humanité contre les Gazaouis qu’il a placés en bouclier humain dans sa guerre avec Israël. On reproche à juste titre à Israël ses implantations en Cisjordanie, mais pour être crédible dans sa dénonciation, il faut tout autant dénoncer la colonisation de Gaza par le Hamas et ses alliés, l’Iran, le Hezbollah, le Qatar.

Comment ces individus sont-ils traités dans les pays du monde arabo-musulman ?

Ces personnes ont disparu de la scène. Les dictatures arabo-musulmanes ont tiré des leçons des printemps arabes qui les ont mises à mal. « Plus jamais ça ! » a été leur réponse. Aujourd’hui, règne le silence. Je ne pense pas qu’il soit recevable.

Jamais la torture n’a été aussi massivement pratiquée que depuis les printemps arabes. En Algérie, le terrorisme judiciaire est en surchauffe, on arrête et on condamne à mort pour rien. On expulse même des citoyens algériens, ce qui vient d’arriver à un journaliste, Farid Alilat, expulsé sans motif.

S’ils étaient citoyens de nos pays, ceux qui aujourd’hui en France cassent et appellent à la casse, seraient chez eux à la maison, cachés sous le lit ou ils auraient sauté dans le premier bateau pour l’Europe. Il faut leur expliquer qu’il faut être un héros prêt à mourir sous les balles et la torture pour jouer au héros à Paris. Les Gazaouis n’ont pas besoin de ces enfants gâtés qui veulent se faire une petite gloire sur leur dos, en courant dans les couloirs des universités et de Sciences Po drapés de keffiehs tout neufs tout beaux sortis droit de la Samaritaine, rayon halal.

Vous avez souvent souligné qu’il fallait rejeter le concept d’islamophobie. Pourquoi ?

Ce terme a été inventé par les islamistes, notamment les Frères musulmans maîtres ès agitprop et enfumage. Il est de ces éléments de langage subliminal qui ont pour but de particulariser les musulmans, de les couper de la communauté nationale et de les radicaliser en vue du djihad planétaire à venir. Ils mettent ainsi la société en demeure, comme ils l’ont toujours fait dans les pays musulmans : « vous êtes avec nous, respectueux de l’islam et des musulmans ou vous êtes des islamophobes, des ennemis de l’islam et des musulmans, il est alors légitime de proclamer le djihad contre vous. » Toute la stratégie des islamistes part de là : pour ou contre.

Partout en Europe, du Royaume-Uni à Allemagne - où un millier de personnes ont manifesté pour réclamer l’instauration d’un califat - on voit des musulmans ou des islamistes revendiquer le fait de respecter plus la charia que la loi des pays dans lesquels ils résident. Où cela peut-il mener ?

Ce n’est pas s’amuser à se faire peur que de se rappeler ce que l’histoire a déjà enregistré : la partition de l’Inde avec la création du Pakistan et l’exode de plusieurs dizaines de millions de personnes fuyant les uns vers l’Inde, les autres vers le Pakistan, aujourd’hui tout deux possèdent l’arme nucléaire ; la partition du Soudan en deux Etats, le Soudan nord musulman et le sud-Soudan chrétien ; le génocide à bas bruit des chrétiens d’Orient ; la fuite éperdue des Pieds Noirs d’Algérie poursuivis par cette frange du FLN qui ne concevait l’indépendance que dans le départ de tous les chrétiens y compris ceux qui s’étaient engagés pour son indépendance.

Aujourd’hui, c’est toute l’Europe occidentale qui est prise dans ce mouvement. Quelle forme prendra la partition, la forme douce ou la forme violente ? Telle est la question. La Russie et la Chine font pareillement face à ce défi.

Il faut aussi penser au mouvement inverse, où ce sont les communautés musulmanes qui sont menacées de disparition : les Rohingyas en Birmanie, les musulmans d’Inde pris pour cible par le parti de l’actuel premier ministre Narendra Modi.

Qui peut résoudre ce problème ? Qui peut seulement attirer l’attention de ceux qui ont la capacité d’agir à l’échelle mondiale et qui sont eux-mêmes confrontés à cette épidémie ?

Cette situation est-elle paradoxale, quand un certain nombre de pays du monde arabo-musulman assistent à un phénomène de sécularisation ?

Deux pays arabes avaient connu des avancées remarquables dans leur sécularisation et la démocratisation : la Tunisie de Bourguiba et le Liban pourtant Etat confessionnel. Qu’en reste-t-il ? Rien.

Les printemps arabes avaient amorcé un processus similaire vers la sécularisation et la démocratisation dans presque tous les pays arabes. Qu’en reste-t-il ? Rien. Dans tous les cas, il y eut retour à la dictature et à l’islamisme.

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