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"Born to be alive", un succès européen, puis mondial : et pourtant le nom du chanteur, Hernandez, avait été jugé commercialement désastreux par les maisons de disques... en France
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Bonnes feuilles

Patrick Hernandez est l’auteur de l’indémodable tube disco Born to be Alive sorti en 1979. Écoulé à plus de 25 millions d’exemplaires, "Born" a obtenu 54 disques d’or et est classé troisième tube le plus vendu de tous les temps aux États-Unis. Dans ce livre autobiographique, le chanteur revient sur son incroyable vie et le destin de ce titre phare auquel personne ne croyait au départ mais qui va lui permettre en quelques mois de devenir... millionnaire. Extrait de "Alive !" de Patrick Hernandez, aux éditions Louis Mareuil 1/2

Patrick Hernandez

Patrick Hernandez

Patrick Hernandez est l’auteur de l’indémodable tube disco Born to be Alive sorti en 1979. Écoulé à plus de 25 millions d’exemplaires, « Born » a obtenu 54 disques d’or et est classé troisième tube le plus vendu de tous les temps aux États-Unis. Dans le livre ALIVE !, Patrick revient sur son incroyable vie et le destin de ce titre phare auquel personne ne croyait au départ mais qui va rapidement devenir un succès mondial.

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Contrairement à l’Europe, le succès de Born to be Alive ne fut pas immédiat aux États-Unis. L’Amérique ne se conquiert pas en un jour et nous avons dû aller au charbon pour faire connaître le titre. Avec mes Van Loo et Pellerin, nous nous sommes installés sur place quelque temps. Nous avons élu domicile à l’hôtel The Pierre, l’un des plus prestigieux palaces new-yorkais à côté de Central Park, où nous étions logés chacun dans une suite. En accord avec CBS, mes producteurs avaient concocté une promotion « poids lourds ». Notre objectif était de mettre au point un plan d’action différent de ce que nous avions entrepris en Europe. La promotion américaine nécessitant plus d’artifices, les passages télés ne devaient pas se limiter à ma seule prestation avec une canne, ce devait être un véritable show comme le pays de l’oncle Sam les aime tant. Nous voulions monter une sorte de « Big Bazar », à l’image de celui de Michel Fugain, mais couleur locale. Dans cette optique, nous devions enrôler une troupe de danseurs. Le recrutement nécessita des castings de plusieurs centaines de candidats et un important travail avec un chorégraphe. Une fois prêts, nous avons multiplié les déplacements à travers les États-Unis. Nous avons enchaîné des émissions parmi les plus importantes du pays, comme le « Dick Clark Show » ou le « Merv Griffin Show ».

Des programmes, diffusés aussi bien sur la côte Est que sur la côte Ouest, qui rassemblent des millions de téléspectateurs. J’ai aussi fait la tournée des radios du continent, dont les noms sont tous des acronymes. À chaque fois je devais enregistrer le même message: « Hi, I’m Patrick Hernandez and you’re listening WNYC », « Hi, I’m Patrick Hernandez and you’re listening KBOQ », « Hi, I’m Patrick Hernandez and you’re listening WERV-FM »… Nos efforts ont fini par payer : Born to be Alive était diffusé dans toutes les discothèques, les disques s’arrachaient. Le public américain se fichait comme d’une guigne de savoir de quelle nationalité j’étais, je ne crois même pas qu’il se posait la question. Une seule chose importait : que ma chanson donne envie de faire la fête. Après plusieurs mois à New  York, nous avons élu domicile à Los Angeles pour une période similaire. J’étais en déplacement promo en Europe lorsque j’ai reçu un télégramme de Van Loo à mon hôtel : « Félicitations, ce soir tu es no 1 sur l’ensemble des États-Unis. » C’était vrai : Born to be Alive avait atteint les sommets des ventes du Montana au Texas et de la Californie au Maine. Si j’avais dû péter un câble, je l’aurais fait ce jour-là. J’ai conservé un Billboard où l’on peut voir les hit-parades de tous les états avec à chaque fois Born qui figurait à la première place. Personne ne l’avait fait avant moi…

Je fus nommé parmi les artistes de l’année à la convention CBS de New York, en compagnie de Billy Joel et d’Art Garfunkel. Pour l’occasion, je dus porter une kippa. Pellerin, qui se baladait dans le monde entier avec une étoile de David en platine grosse comme le poing, avait beaucoup insisté :

— Cela ferait plaisir à tout le monde si tu ne disais pas que tu es catholique.

Tous les patrons de CBS étaient juifs, les artistes récompensés aussi. Selon mon producteur, cela serait donc bénéfique que je laisse entendre que je l’étais aussi. Je me suis exécuté sans rechigner.

Lorsque nous avons signé aux États-Unis avec CBS, la société a exporté le disque dans plusieurs pays où elle possédait des filiales. Pour le reste du monde, mes deux producteurs sont repartis sur les routes pour conquérir de nouveaux territoires en signant avec des distributeurs locaux. Ils privilégiaient les petits labels car ils étaient certains que ceux-ci mettraient le paquet pour faire connaître la chanson tant elle représentait une opportunité rare pour eux. Les structures plus importantes auraient sans doute considéré Born to be Alive comme un morceau parmi d’autres car elles géraient plusieurs tubes potentiels en même temps. Cette pratique s’avéra payante. Au Brésil, j’avais fait le déplacement avec mes producteurs, histoire de montrer « l’artiste » aux éventuels partenaires. Pendant les négociations avec le label, je sirotais des verres au bord de la piscine sur le toit de notre hôtel d’Ipanema tandis que les deux autres menaient les débats. Van  Loo remontait régulièrement pour me tenir informé de l’avancée des discussions. Il en profitait surtout pour discuter musique, peu pressé de retourner parler argent. C’est en pareils moments que la folie de Jean-Claude Pellerin faisait des miracles. Sans son savoirfaire, Born to be Alive n’aurait sans doute jamais été un tel succès planétaire. Mais sa folie prendra aussi une tournure plus négative qui nous vaudra bien des désillusions…

Si en France le nom d’Hernandez avait été jugé commercialement désastreux par les maisons de disques en raison d’une connotation « pieds-noirs-couscous », pour le reste du monde c’était le patronyme parfait. Quoi de plus porteur que d’afficher un nom connu ? Tous les pays possédaient un quota d’Hernandez au sein de leur population. C’est sans doute l’un des noms les plus répandus à l’international, surtout pour le continent américain. Patrick étant un prénom irlandais et Hernandez un nom espagnol, je pouvais passer pour un Américain au Brésil et pour un Portoricain aux États-Unis. En France, on m’a souvent demandé s’il s’agissait d’un pseudonyme. Lorsque j’indiquais que c’était mon vrai nom, on me répondait : « Pourtant, ça sonne tellement bien ! » Je souriais en me rappelant que ce même nom était il n’y a pas si longtemps assimilé à une « boniche espagnole »…

Born to be Alive a été un triomphe en Europe, aux États-Unis, en Amérique du Sud… J’ai même été no 1 en Australie et en Nouvelle-Zélande sans jamais me rendre sur place. Certaines contrées n’étaient en revanche pas accessibles. L’Asie aurait nécessité un long travail de promotion sur place, à l’image de celui que nous avions réalisé aux États-Unis. Quant aux pays du Moyen-Orient, ils se situaient hors de la zone d’influence de l’industrie musicale occidentale, même si des enregistrements se vendaient sous le manteau. Pour ce qui est de l’Europe de l’Est, bloc communiste oblige, les disques ne circulaient que dans des copies pirates hors de tous circuits traditionnels. Malgré le succès planétaire, j’eus tout de même un regret : n’avoir jamais été no 1 en Angleterre. La Grande-Bretagne représente un marché musical à part. Les Anglais aiment le rock et ses dérivés, comme le punk ou la new-wave. Là-bas, le disco était considé- ré comme une musique ciblée gays, et peu répandue au sein du grand public. En dehors du milieu homosexuel, les tubes discos restaient donc peu exploités. J’ai tout de même atteint la 9e place du hit-parade britannique. À cette exception près, Born to be Alive a été no 1 partout où le disque est sorti. J’ai remporté une multitude de disques d’or, de platine, de diamant… Au Midem, nous avons organisé une séance photos de Pellerin, Van Loo et moi au milieu des 56 disques d’or que nous avions récoltés à travers le monde. Un sentiment d’apothéose.

Extrait de "Alive !" de Patrick Hernandez, publié aux éditions Louis Mareuil, octobre 2016. Pour acheter ce livre, cliquez ici

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