Bernie Sanders, l’homme qui pouvait menacer Hillary Clinton à la primaire démocrate<!-- --> | Atlantico.fr
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Bernie Sanders
Bernie Sanders
©Reuters

Gauchisation des Etats-Unis

Plus à gauche, plus riche et aussi plus âgé que la favorite des médias Hillary Clinton, Bernie Sanders a fait irruption dans la course à la primaire démocrate. Ce sénateur du Vermont de 74 ans, étiqueté indépendant, détonne : il est le seul à se présenter comme "socialiste", un gros mot aux Etats-Unis. Et il a surtout réussi à récolter plus de fonds que Barack Obama au même moment de la campagne en 2007.

François Clemenceau

François Clemenceau

François Clemenceau est rédacteur en chef International au Journal du Dimanche. Il était précédemment rédacteur en chef de la matinale d’Europe 1 après avoir été correspondant de la radio à Washington pendant sept ans. Son blog USA 2008 sur la campagne présidentielle américaine a reçu la Coupe de l’Info 2009 du meilleur blog politique et économique.Son quatrième livre sur la politique américaine, Hillary Clinton de A à Z vient d'être republié dans une édition augmentée (éditions Du Rocher). 

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Atlantico : La primaire démocrate est marquée par l'irruption d'un personnage peu connu en France : Bernie Sanders. Qui est cet outsider, sénateur du Vermont, étiqueté "indépendant" mais rattaché aux démocrates ?

François Clémenceau : Bernie Sanders aura 74 ans en septembre prochain. Comme beaucoup de gens de sa génération, ce juif de Brooklyn, dont la famille de son père a été décimée par l’Holocauste, a été conquis par les idées progressistes des années 60 et 70. Il a été l’un des leaders de la Jeunesse socialiste de l’époque avant de s’engager en politique de la façon la plus classique : il a commencé par ravir la mairie de Burlington dans le Vermont, l’un des Etats les plus à "gauche" des Etats-Unis, avant de  se faire élire et réélire à la Chambre des Représentants du Congrès puis au Sénat où il siège comme "indépendant". Généralement les "indépendants" du Sénat sont plus à droite que le Parti démocrate, ce fut le cas du colistier d’Al Gore en 2000, Joe Lieberman, mais Sanders, lui, est nettement plus à gauche que le Parti démocrate. Son modèle, c’est la social-démocratie à la scandinave, que beaucoup d’américains considèrent comme une forme de "communisme" ! Le personnage est sympathique, très dynamique pour son âge, fidèle à ses idéaux. C’est le bon candidat pour faire vivre les idées de gauche d’un parti démocrate qui s’est beaucoup recentré depuis les années 90. Mais pas forcément le bon candidat pour incarner l’Amérique de demain, ce qui est le propre de tout président.

Quel est le programme de Bernie Sanders ? Ses points forts et ses points faibles ? Comment est-il perçu par les Américains ?

Sanders fait la campagne qu’aurait dû mener à sa place la sénatrice du Massachussetts, Elizabeth Warren. Elle a renoncé pour ne pas faire de l’ombre à Hillary Clinton, mais ses idées sont en grande partie reprises par Sanders : lutte contre les inégalités, taxation des plus riches, redistribution par le biais de programmes sociaux plus développés, législation pénalisante pour les gros pollueurs, interventionnisme moindre au Moyen Orient, extension des droits civiques, démantèlement des mesures les plus restrictives du Patriot Act…Tout cela est très populaire auprès des 30 à 40% des militants de l’aile gauche du parti démocrate, notamment auprès des plus jeunes. De ce point de vue, il est aussi populaire à gauche que le fut par deux fois le chef du courant libertarien à droite, Ron Paul qui attirait les foules, certes, mais par les votes. Sanders a même tenu un week-end récemment en réussissant à remplir un stade de 10.000 places le jour où Hillary faisait meeting devant 300 personnes. Mais son discours reste aux antipodes du grand courant centriste qui traverse les Etats Unis. Ce qui constitue un handicap certain pour tout candidat qui vise la Maison Blanche.

L'arrivée d'un concurrent plus marqué à gauche oblige-t-elle Hillary Clinton à "gauchiser" son discours ?

Oui, on a vu dès le départ qu’Hillary Clinton souhaitait se positionner plus à gauche qu’en 2008, et plus à gauche aujourd'hui qu’Obama sur le plan économique et social, de façon à créer, même artificiellement, une rupture par rapport à l’héritage du président. S’il a réussi à redresser l’économie américaine depuis 2009, il a échoué à réduire les inégalités. Hillary se présente donc avec cet objectif, ce qui la conduit à reprendre, elle aussi, les idées de la sénatrice Elizabeth Warren. Dans son premier discours à tonalité économique, ce 11 juillet, elle se prononce pour une augmentation des salaires, des congés maternité plus longs et payés, une baisse des impôts pour la classe moyenne, une défiscalisation pour les énergies propres, des efforts d’investissements publics dans les infrastructures, bref un programme très rooseveltien. Quitte à ce qu’une fois nominée, elle en revienne à des thèses plus centristes pour affronter le candidat qu’auront choisi les Républicains.

Bernie Sanders a déjà réussi à rassembler sous sa bannière 250 000 donateurs, plus que Barack Obama en 2007 au même moment de la campagne avec 18 000 donateurs. Dans cette configuration, l'argent est-il véritablement le "nerf de la guerre", ce qui fait pencher la balance, plus encore que le programme politique ?

C’est très difficile de faire des comparaisons à posteriori, surtout depuis que la loi sur le financement des campagnes électorales a changé la donne et favorisera les gros candidats par rapport aux petits dès le démarrage des primaires en février. Il est clair que Sanders, tout comme Obama en 2007-2008, aura plus de facilités à engranger le soutien financier des contributeurs les plus modestes mais c’est ce public également qui est le plus difficile à capter tout au long de la campagne. Hillary, elle, sait qu’elle aura le soutien des gros contributeurs jusqu’au dernier mètre de la course. Il sera enfin difficile à Sanders de bénéficier de l’argent de Wall Street, compte tenu de son programme foncièrement hostile aux banques et aux « fat cats » de la finance. Cela dit, toute campagne réserve des surprises. Si Sanders réussit d’ici les caucus de l’Iowa à rester le rival principal d’Hillary, il pourra durer. S’il se fait doubler par des candidats plus classiques, à l’image de l’ex-gouverneur du Maryland, Martin O’Malley, ses soutiens financiers, même populaires, risquent de fondre. Soyons clairs, au-delà des sympathisants, les américains qui financent les campagnes électorales avec le plus de moyens sont ceux qui veulent voir gagner leur candidat et compte tenu de la position encore marginale de Sanders sur l’échiquier politique américain, ce sénateur plus âgé qu’Hillary Clinton, a peu de chances, à ce stade, d’aller au bout de la présidentielle.

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