Baisse du plafond du quotient familial : ce que la réforme va vraiment coûter à l’économie<!-- --> | Atlantico.fr
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L'abaissement du quotient familial va entraîner à court terme une baisse du revenu disponible pour des couples avec enfant de la classe moyenne.
L'abaissement du quotient familial va entraîner à court terme une baisse du revenu disponible pour des couples avec enfant de la classe moyenne.
©Reuters

Dommages collatéraux

Entre le manque à gagner, l'effet sur le comportement des ménages et, peut-être, une incitation moindre à faire des enfants, l'abaissement du plafond du quotient familial a quelques coûts cachés.

Alain  Trannoy

Alain Trannoy

Alain Trannoy est directeur d'études à l'EHESS. Il est spécialiste en économie publique et en économie des inégalités et de la redistribution des revenus.

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Atlantico :  L'abaissement du quotient familial va entraîner à court terme une baisse du revenu disponible pour des couples avec enfant de la classe moyenne. Quel impact pourrait être attendu sur la consommation, et donc à terme l'économie française ?

Alain Trannoy : L'abaissement du plafond du quotient familial va générer une rentrée fiscale pour l'État d'environ 900 millions d'euros, mais le gain total en y ajoutant les autres restrictions annoncées (la disparition de la réduction d’impôt pour frais de scolarité dans le secondaire, ndlr), on peut s'attendre à un gain d'1,7 milliard d'euros. Cela fait donc une ponction de 0,1% du PIB. En prenant en compte les multiplicateurs économiques, on peut attendre une baisse de 0.1% à 0,2% du PIB sur l'année prochaine, toute chose égale par ailleurs.

Ce n'est pas un chiffre énorme. Au départ on avait annoncé une baisse de deux milliards des allocations, c'est-à-dire une baisse des dépenses de l'État. Là on est pour moitié dans une baisse des dépenses, et une hausse pour l'autre moitié. Cela change quand même quelque chose car l'impôt est payé, pour beaucoup de gens en tout cas, tout au long de l'année. Alors qu'une baisse des allocations a un impact net et direct sur les petits budgets, une hausse des impôts se répercute entre une baisse de l'épargne et une baisse de la consommation. C'est là qu’intervient le degré de confiance. Si les gens ont confiance dans une reprise rapide, on assistera plutôt à une baisse de l'épargne. Mais si la confiance ne revient pas, cela se traduira effectivement par un impact sur la consommation. Il y a dans tout cela un impact de l'économie comportementale qui n'est pas forcément bien gérée par l'équipe dirigeante. 

Entre les frais de garde de leurs enfants et cette taxation supplémentaire, cette politique moins favorable pour les familles pourrait-elle inciter certains parents à moins travailler, ou faire moins d'heures supplémentaires, rendant tout gain salarial au-delà d'un certain niveau inutile ?

Dans une situation de fort chômage, les gens abandonnent rarement leur travail. On constate parfois le phénomène que vous évoquez dans des situations où le marché de l'emploi est fluide. Mais là, ce n'est pas vraiment le cas, donc cette perspective me semble peu crédible. Les heures supplémentaires, elles, concernent principalement les catégories professionnelles en bas de l'échelle, les cadres n'étant pas à ce régime en général. Le monde du travail ne va pas changer parce que l'on passe le plafond du quotient familial à 1500 euros, ou alors ce sera tout à fait marginal.

Est-il crédible de penser qu'une variation, même mineure, des avantages fiscaux dévolus à la politique de la famille peut faire varier sur le long terme le dynamisme démographique d'une population comme la France ? A quoi peut-on s'attendre concrètement ? 

Il est clair que la France a une des fécondités les plus solides d'Europe, cela grâce à un généreux système d'allocations familiales, de politiques familiales, d'avantages fiscaux et de systèmes de crèches. Pour qu'il y ait un changement majeur dans la natalité, il faudrait un dé-tricotage généralisé de cela, ce qui n'est pas le cas.

Lorsque l'on regarde pour un ménage le gain en termes fiscaux et d'allocations familiales dans le fait d'avoir un enfant, on a une courbe en U relativement à l'échelle des revenus. A savoir que ce sont les ménages en bas de l'échelle et dans les classes les plus aisées qui reçoivent le différentiel le plus fort dans le fait d'avoir un enfant. Il y a par contre un creux pour les personnes de la classe moyenne. Cela correspond d'ailleurs au profil de fécondité en France, où ce sont les ménages les plus pauvres, et les plus aisés, qui ont le plus d'enfants. Ce sont eux qui seront le plus impactés par les réformes, mais il est difficile à faire des anticipations sur leur réaction par rapport à la natalité.

Le gouvernement a annoncé en contrepartie de l'abaissement du plafond du quotient familial l'ouverture de places en crèches. L'accès à des infrastructures peut-il pallier l'impact négatif que pourrait avoir le rabaissement de l'avantage fiscal ?

Ce qui influence le plus la fécondité, c'est l'offre logistique et les conditions de travail pour les femmes, plus que des questions de quotient familial. Si on fait la comparaison entre la France et l'Italie, l'indice de fécondité doit être à 2,0 en France et à 1,4 en Italie, alors que le désir d'enfants des femmes dans les deux pays est sensiblement le même (il est légèrement supérieur en France, mais l’écart est très faible). La force de la France, réside dans les conditions d'accès à la crèche, à la garde d'enfants. C'est ça qui impacte le comportement vis-à-vis de la natalité.

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