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Baisse de la confiance des ménages : l’extinction successive des moteurs de la croissance met le gouvernement sous pression
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Angoisses budgétaires

Selon l'INSEE, la confiance des ménages aurait atteint son plus bas en France depuis février 2015, et ce, au travers d'une enquête menée entre le 31 octobre et le 19 novembre, soit essentiellement avant le mouvement des gilets jaunes.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Dans une conjoncture européenne marqué par un niveau proche du plus bas de 4 ans, comment estimer la contrainte budgétaire qui pourrait commencer à peser sur le gouvernement au cours des prochains mois ? 

Philippe Crevel: Le moral des ménages après avoir atteint un point bas en 2012 était orienté à la hausse depuis. L’élection présidentielle de 2017 s’était accompagnée d’une forte progression de l’indice de l’INSEE qui mesure la confiance des ménages sur la situation économique. Mais, depuis le début de l’année, cet indice est en baisse. La question du pouvoir d'achat et le mouvement des "gilets jaunes" ont certainement pesé sur son évolution au mois de décembre. L'indice de l'INSEE a perdu 3 points au mois de novembre et se trouve à son plus bas niveau depuis février 2015. Il est désormais nettement au-dessous de sa moyenne de longue période (100). Cette chute est un mauvais présage pour la croissance de fin d’année d’autant plus que l’indicateur sur le climat des affaires est également en berne. 

Indicateur synthétique de confiance des ménages (source INSEE)

Cette dégradation concerne tous les pans de la vie des ménages. Ainsi, ils sont moins confiants en ce qui concerne  leur situation financière future. Mauvais signe pour la consommation et les fêtes de fin d'année, la proportion de ménages estimant qu'il est opportun de faire des achats importants diminue fortement. Le solde correspondant perd 8 points et se situe au-dessous de sa moyenne de longue période pour la première fois depuis décembre 2015.

Ce pessimisme joue également sur l’épargne. En novembre, l'opinion des ménages sur leur capacité d'épargne future diminue fortement. Le solde correspondant perd 6 points et repasse au-dessous de sa moyenne de longue période. Sans surprise, la part des ménages qui considèrent que le niveau de vie futur en France va s'améliorer au cours des douze prochains mois diminue fortement. L'indicateur perd  11 points nettement restant nettement au-dessous de sa moyenne de longue période.

Dans un contexte de ralentissement de la croissance, les craintes des ménages concernant l'évolution du chômage augmentent très fortement en novembre. Le solde correspondant gagne 21 points et se situe à son plus haut niveau depuis novembre 2016. Il demeure cependant au-dessous de sa moyenne de longue période.

 Toujours en phase avec le ressenti sur le pouvoir d'achat, en novembre, les ménages estimant que les prix ont augmenté au cours des douze derniers mois sont plus nombreux que le mois précédent. En revanche, les ménages estimant que les prix vont augmenter au cours des douze prochains mois ne sont pas plus nombreux que le mois précédent : le solde correspondant est quasi stable, nettement supérieur à sa moyenne de longue période.

La baisse combinée des indices sur le climat des affaires et sur le moral des ménages présage rien de bon pour la croissance du dernier trimestre. Pour obtenir une croissance annuelle de 1,6 %, il faudrait 0,4 point au minimum or, cela n’est pas gagné. La croissance pour 2018 ne pourrait s’élever cette année qu’à 1,5 %. En outre, pour 2019, du fait du caractère très étale de l’activité cette année, les acquis de croissance seront très faibles. Il sera très difficile d’atteindre l’objectif de croissance fixé à 1,7 % l’année prochaine. Une moindre croissance signifie de moindres rentrées fiscales et un accroissement des dépenses sociales. Dans de telles conditions, la ligne rouge des 3 % de déficit a malheureusement de forts risques d’être dépassée. Des moins values fiscales peuvent survenir au niveau de la TVA du fait d’une consommation en panne. Par ailleurs, les annonces gouvernementales afin de désamorcer le conflit avec les « gilets jaunes » auront un coût qui contribueront également à la dérive des finances publiques. 

Alors que le gouvernement souhaite vouloir remplir ses obligations européennes, dans un contexte également marqué par un budget italien "retoqué" par la Commission européenne, quels sont les risques de voir la France être mise en défaut sur son propre budget ?

La Commission de Bruxelles avant de mettre en accusation la France enverra des admonestations d’usage. Cette situation accentuera le courroux des Italiens à notre égard. De plus en plus de manifestations en Italie prennent pour cible la France accusée de tous les maux. Cela ne devrait pas s’arrêter. En repassant en 2019 au-dessus de la barre des 3 %, la France risque d’être assez rapidement mis sous la procédure des déficits excessifs surtout si aucune mesure n’est prise pour modifier la trajectoire. Certes, le Gouvernement d’Edouard Philippe pourra compter sur la mansuétude pré-électorale qui sera de mise avant le mois de mai prochain.

Comment le gouvernement pourrait se sortir de cette ornière ? Quelles pourraient être les décisions à prendre ? 

La France est un pays structurellement en crise budgétaire. Les rares années d’équilibre depuis la Seconde guerre mondiale l’ont été durant les Trente Glorieuses quand Valéry Giscard d’Estaing était Ministre des Finances. De la Révolution française aux Gilets jaunes, les jacqueries fiscales sont légion dans notre pays. Pour autant, tout cela n’a pas empêché les prélèvements obligatoires d’augmenter au point de représenter en 2017 le niveau record de 43,5 % du PIB. 

La solution miracle pour sortir de l’ornière n’existe pas. Face aux corporatismes, les gouvernements privilégient les expédients. L’objectif est de remporter ou de ne pas trop la prochaine élection. In fine, la priorité est donnée à la redistribution sociale qui accapare désormais 34 % du PIB et aux niches fiscales pour masquer la hausse des prélèvements. 

La solution nécessite du temps et du courage. Le Canada, le Royaume-Uni, l’Allemagne sous Gerhard Schröder, la Nouvelle Zélande ont rénové leur gestion publique. Mais, pour la France, la refondation budgétaire et fiscale est bien plus complexe à mener car elle est un Etat hypercentralisé, la décentralisation n’étant qu’une façade permettant à l’Etat de transférer certaines charges tout en conservant le pouvoir normatif. La véritable rupture serait d’oser l’Etat fédéral. La vrai rupture serait d’assumer le régime présidentiel en dotant le parlement d’un véritable pouvoir. AUjourd’hui, le Premier Ministre est ravalé au rang de collaborateur du Président et le Parlement en chambre d’enregistrement. La véritable rupture serait de réduire le champ d’intervention des pouvoirs publics. La véritable rupture serait de fermer comme au Royaume-Uni les musées sans visiteur et les bibliothèques sans lecteur. La véritable rupture serait oser affronter les intermittent du spectacle en supprimant leur régime exorbitant du droit commun. La véritable rupture serait de supprimer un ou deux échelons territoriaux. Faut-il maintenir les départements, les intercommunalités et les communes….. Mais, évidemment, c’est plus facile à écrire qu’à faire…..

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