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Azerbaidjan, Nigeria, Vénézuela... les premiers dominos de la crise pétrolière commencent à tomber et ce n’est pas fini
©Reuters

A qui le tour ?

Après l’Azerbaidjan la semaine dernière et le Nigeria ce week-end, les pays producteurs de pétrole sont en train de tomber les uns après les autres.

Jean-Pierre Favennec

Jean-Pierre Favennec

Jean-Pierre Favennec est un spécialiste de l’énergie et en particulier du pétrole et professeur à l’Ecole du Pétrole et des Moteurs, où il a dirigé le Centre Economie et Gestion. 

Il a publié plusieurs ouvrages et de nombreux articles sur des sujets touchant à l’économie et à la géopolitique de l’énergie et en particulier Exploitation et Gestion du Raffinage (français et anglais), Recherche et Production du Pétrole et du Gaz (français et anglais en 2011), l’Energie à Quel Prix ? (2006) et Géopolitique de l’Energie (français 2009, anglais 2011).

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Stephan Silvestre

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre est ingénieur en optique physique et docteur en sciences économiques. Il est professeur à la Paris School of Business, membre de la chaire des risques énergétiques.

Il est le co-auteur de Perspectives énergétiques (2013, Ellipses) et de Gaz naturel : la nouvelle donne ?(2016, PUF).

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Atlantico : Au cours de la semaine passée, Azerbaïdjan et Nigeria, deux producteurs de pétrole, ont demandé une aide auprès du FMI. Ceci faisant suite à l'incapacité de ces pays à faire face budgétairement à la baisse du prix du pétrole ayant eu lieu ces derniers mois. Assistons nous au début d'une chute en cascade des pays producteurs de pétrole ?

Stephan Silvestre : Oui, on peut dire que la persistance des cours très bas produit les effets délétères que l’on pouvait redouter sur les pays les plus fragiles. Mais tous les producteurs ne sont pas logés à la même enseigne. Certains sont mieux armés pour traverser cette tempête, soit parce qu’ils sont suffisamment riches, soit parce que leurs économies sont suffisamment diversifiées. Mais pour les pays les moins développés, tels que l’Azerbaïdjan et le Nigeria, la dépendance au pétrole s’avère économiquement catastrophique. 

Jean-Pierre Favennec : Les grands  pays producteurs de pétrole dépendent largement des recettes pétrolières pour équilibrer leurs budgets. Plus de 50 % des recettes de l’Etat russe viennent des hydrocarbures. Dans les pays OPEP, plus de 90 % des exportations sont des exportations de pétrole et de gaz. La chute du prix du pétrole, de 115 dollars par baril en juin 2014 à un peu plus de 30 dollars actuellement a donc des effets très négatifs sur ces pays.

Certains pays, et en particulier l’Arabie Saoudite, le Koweït, les Emirats Arabes Unis, le Qatar ont constitué des réserves financières importantes (sommes accumulées dans des « fonds souverains » contrôlés par les gouvernements) au cours des dernières années. L’Arabie Saoudite a voté un budget en déficit de près de 100 milliards de dollars mais dispose de 750 milliards de réserves. Sa situation est délicate mais n’est pas préoccupante à court terme. 

Quels sont les pays les plus menacés à ce jour ? N'est il pas déjà trop tard pour certains de ces pays ? Une remontée des cours du pétrole, même à court terme, permettrait elle réellement une amélioration de la situation pour ces pays ?

Stephan Silvestre : Les plus menacés sont les pays africains, tels que l’Angola, le Gabon, la République du Congo, le Tchad ou le Cameroun, sans oublier l’Algérie. Tous avaient construits des budgets 2015 sur des bases de prix du pétrole bien trop élevées, entre 70 et 90$ le baril. Dans ces conditions, il leur est impossible de boucler leurs budgets et se sera pire en 2016. Mais ils ne sont pas les seuls : le Venezuela, l’Irak, Kazakhstan et, dans une moindre mesure, le Mexique souffrent aussi. Il ne faut malheureusement – pour eux – pas espérer de forte hausse à court terme. Toute hausse sera bonne à prendre, mais on a vu que, même lorsque le pétrole culminait au-delà de 120$, ces pays n’ont guère baigné dans l’opulence. Une amélioration de leur situation économique ne peut passer que par le développement de nouveaux secteurs industriels. Malheureusement, la faiblesse des cours va aussi entraîner la frilosité des organismes financiers et leur accès au crédit sera très amoindri. 

Jean-Pierre Favennec : Les pays les plus en difficulté sont sans doute la Russie ou le Venezuela. La chute du rouble en Russie témoigne des difficultés. Le Venezuela est tout simplement asphyxié. D’autres pays de l’OPEP connaissent des déficits qui menacent leur stabilité.

Une remontée du prix du brut est certainement nécessaire pour ces pays. Les budgets ont souvent été établis sur la base d’un baril à 50 ou 60 dollars. Ce peut être un objectif.

En quoi ce phénomène de dominos pourrait menacer la stratégie actuelle menée par l'OPEP ? Peut on envisager de nouvelles formes d'alliances répondant à ce contexte?

Stephan Silvestre : Actuellement, l’OPEP n’a plus de stratégie. C’est justement l’un des facteurs de l’effondrement des prix. Seule l’Arabie Saoudite, avec ses alliés du Golfe, a une stratégie. Au sein de l’OPEP, on ne doit pas s’attendre à grand-chose. Les pays en situation de détresse, comme le Venezuela et l’Irak, demandent déjà à cor et à cri des mesures d’urgence, en vain pour le moment. En revanche, l’Arabie Saoudite devrait, elle, changer de stratégie. Ou, plus exactement, entamer une nouvelle phase, en se tournant vers la Russie pour tenter de reprendre le contrôle du marché, au détriment des États-Unis et de l’Iran, espère-t-elle. 

Jean-Pierre Favennec : Il n’y a pas pour l’instant une stratégie de l’OPEP, dont plusieurs membres souhaiteraient un accord sur une réduction de la production, mais une stratégie de l’Arabie Saoudite, bien suivie par les autres Etats membres du Conseil de Coopération du Golfe (Koweït, Emirats, Qatar, Oman …) qui veut maintenir sa part de marché face à la production croissante de pétrole de schistes américains. Cette stratégie conduit à des excédents potentiels de production face à une demande qui croît lentement et à des prix bas

Ces prix très bas inquiètent les pays OPEP et conduisent à des initiatives visant à réduire la production. Dernière initiative : des échanges entre l’Arabie Saoudite et la Russie, les deux plus importants producteurs de pétrole avec les Etats Unis. Un « accord » entre les deux pays, qui serait certainement suivi par nombre de pays producteurs conduirait sans doute à un redressement des prix. Mais compte tenu des antagonismes entre les deux pays (au sujet de la Syrie en particulier), un tel accord est il possible ?

Parmi les pays producteurs, après 18 mois de baisse, peut-on d'ores et déjà dresser un bilan des gagnants objectifs de ce mouvement de baisse ? 

Stephan Silvestre : Les gagnants se trouvent dans le camp des consommateurs, c’est-à-dire des pays de l’OCDE et de la Chine. Côté exportateurs, il n’y a que des perdants. Même l’Arabie Saoudite, qui espère asphyxier sa concurrence, a peu de chances de réussir son pari. On voit que même lorsque les cours sont bas, tout le monde cherche toujours à vendre, et même davantage encore afin de compenser la baisse des prix. De fait, l’Arabie Saoudite n’a pas augmenté ses parts de marché depuis 2 ans. Au mieux, elle a réussi à refroidir les investisseurs financiers pour soutenir la prospection pétrolière. Mais cela ne suffira pas : lorsque les cours remonteront, les investissements repartiront partout dans le monde. 

Jean-Pierre Favennec : Aussi longtemps que les prix ne baissaient pas en dessous de 60 dollars par baril, les pays importateurs de pétrole bénéficiaient d’une forte amélioration de leurs échanges. Les importations françaises ont ainsi diminué de plusieurs dizaines de milliards de dollars. L’impact sur la croissance économique est très positif.

La chute du prix du pétrole à 30 dollars a au contraire des conséquences négatives. Déficits pour les pays producteurs, difficultés pour nombre de sociétés, sociétés pétrolières ou sociétés de service. C’est l’activité économique globale qui est affectée.

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