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"Les réformes structurelles" sont régulièrement présentées comme étant LA solution aux problèmes du pays.
"Les réformes structurelles" sont régulièrement présentées comme étant LA solution aux problèmes du pays.
©Reuters

Mirages économiques

Si "les réformes structurelles" sont régulièrement présentées comme étant LA solution aux problèmes du pays, il apparaît que leurs effets ne se distillent que très lentement au sein de l’économie française. Ainsi, en continuant d’exagérer l’efficacité de telles mesures, les dirigeants mettent en danger la légitimité de la parole politique.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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"Je veux dire aux Allemands que les réformes, nous allons les faire." Le 21 septembre 2014, le Premier Ministre Manuel Valls était à Berlin, et brandissait fièrement la volonté de l’exécutif français de se lancer dans « les réformes ». Faisant suite à cette annonce, la loi Macron a pu voir le jour, comme une preuve de bonne volonté, et ainsi consacrer publiquement les efforts du gouvernement à ce qui semble être l’essentiel, c’est-à-dire les indispensables « réformes structurelles ». Car assez curieusement, un consensus semble s’être forgé, qui relève de l’évidence et qui ne supporte pas la contradiction, sur l’efficacité de telles réformes sur l’économie d’un pays. Ceci sur un ton en général rapidement péremptoire « Tout le monde le sait, ce dont la France a besoin, c’est de réformes structurelles ». Si l’argument peut séduire, il reste utile d’examiner les effets réels de telles mesures sur l’économie.

Que sont les réformes structurelles ? De la politique de l’offre, comme la Loi Macron. Il s’agit de mesures économiques ayant pour objectif de libéraliser une économie, et plus explicitement, d’accroître le potentiel de croissance d’un pays. En permettant par exemple une plus forte concurrence sur un ou plusieurs secteurs, en « améliorant » le code du travail, ou en réduisant les différentes barrières à la croissance. De cette façon, un pays a en effet la capacité d’accroître son potentiel de développement. Et concernant la France, et à regarder les chiffres de 20 dernières années, il apparaît que le pays est en capacité de « fournir » une croissance légèrement supérieure à 2%, en moyenne. En effet, dans le courant de la période pré-crise, c’est-à-dire la décennie comprise entre 1997-2007, l’économie française a été témoin d’une croissance moyenne de 2.4%.

Or, depuis l’entrée en crise, cette moyenne s’est effondrée à 0.3% entre les années 2008 à 2014. Non pas parce que le potentiel du pays se serait envolé, mais en raison d’un autre facteur décisif, la demande. En effet, pour qu’un pays puisse réaliser son potentiel d’offre, en l’occurrence 2% de croissance pour la France, la « demande » doit être au rendez-vous. Et ce niveau de « demande » dépend de deux outils qui sont au service des gouvernements. En premier lieu, la politique budgétaire, qui  peut soutenir la demande par la baisse des impôts ou par la hausse des dépenses Ou, en second lieu, par la voie de la politique monétaire, dont le rôle est précisément de fournir à l’ensemble de la zone euro un niveau d’activité en adéquation avec le potentiel économique du continent. Or, depuis 2008, la BCE ne remplit pas son rôle efficacement et la demande européenne est bien inférieure à ce qu’elle pourrait, ou devrait être.

Dans de telles conditions, c’est-à-dire un décalage évident entre l’offre et la demande, la mise en place de politiques ayant pour objectif d’améliorer le potentiel du pays n’a que peu d’effets, puisque le potentiel actuel est déjà loin d’être comblé. Si Manuel Valls et Emmanuel Macron élargissent la voilure sans se préoccuper du vent, le bateau ne risque pas d’aller bien loin.

Mais les réformes structurelles sont également soumises à une autre contrainte, plutôt inavouable. Ainsi, et même si l’on veut bien considérer que la Banque centrale européenne se réveille est qu’elle fournisse enfin un niveau de demande optimal à la zone euro, les réformes structurelles mettent du temps à produire leurs effets. Beaucoup de temps. En effet, et comme le rappelait Dani Rodrik, professeur d’économie politique à l’Université de Harvard, dans un article consacré à la Grèce et intitulé « le mirage des réformes structurelles», le rattrapage annuel d’une économie vers son potentiel de croissance est de 2% par an. Ce qui signifie que lorsqu’un pays met en place une réforme susceptible d’accroître son potentiel de croissance, comme la loi Macron, l’économie de ce pays va bien converger vers ce potentiel, mais au rythme de 2% par an.

D’où sort ce chiffre de « convergence » de 2% ? De nombreux articles, ici et , ou études, dont la plus dense indique : « De nombreuses études transversales employant l’approche de convergence ont pu trouver un taux de convergence d’environ 2% par an. Ce résultat a été trouvé dans les données de diverses entités à travers le monde, les pays de l’OCDE, les Etats Unis, la Suède, les préfectures japonaises, les provinces canadiennes, et les états australiens, parmi d’autres. Il a également été trouvé dans des données recouvrant des périodes de temps comprises entre 1860 et 1990. Certaines études vont si loin qu’elles envisagent de donner à ce chiffre une valeur analogue à une constante physique universelle. En réalité, il existe des variations du taux de convergence estimé, mais celles-ci sont relativement faibles, généralement comprises entre 1 et 3% ».

Reste à constater l’effet de la loi Macron. Selon les calculs de l’OCDE, la loi Macron serait susceptible d’accroître le potentiel économique du pays de 0.4%, environ 8.4 milliards d’euros. De ce point de départ, l’économie française entre alors en période de transition pour rejoindre ce potentiel, et ce, sur un rythme de 2% par an, soit 168 millions d’euros. C’est à dire 0.008% de croissance par an. Une paille, au sens propre, au regard des besoins économiques d’un pays, qui, ne l’oublions pas, est passé d’une moyenne de 2.4% de croissance entre 1997 et 2007 à 0.3% entre 2008 et 2014, soit un différentiel négatif de 2.1%. Ou l’équivalent de 262 lois Macron. Et ce, en ne prenant même pas la peine de tenir compte d’un effet de rattrapage de la croissance perdue au cours des 7 dernières années, comme cela a pu être constaté dans les pays les plus agressifs dans leur politique de sortie de crise, Etats Unis en tête.Pour chaque réforme structurelle mise en place, il est donc utile de se rappeler que le bénéfice ne sera distribué qu’à hauteur de 1 à 3% par an. Il vaut donc mieux être ambitieux dans les mesures à adopter.

S’il ne s’agit pas de renoncer à ces réformes structurelles, parce que celles-ci ont en effet la capacité d’accroître le potentiel de développement du pays, il est crucial de bien de relativiser l’impact que ces mesures peuvent avoir sur l’économie. Car en exagérant systématiquement les effets et en monopolisant le débat politique avec des décimales, les dirigeants politiques affaiblissent leur parole. Parce qu’au même moment, la seule injonction faite à la BCE de restaurer le niveau de demande existant dans la période pré-crise, aurait un impact bien plus décisif sur le niveau d’activité économique, c’est-à-dire la croissance et le chômage. Car en lieu et place de vagues décimales, la BCE est en capacité de produire une croissance comprise entre 2 et 2.5%, aussi bien pour le continent tout entier, que pour la France en particulier. En attendant, et dans un tel contexte, les fameuses « réformes structurelles » ne servent qu’à meubler un débat totalement paralysé, et qui rate manifestement le principal.

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