Après la dépénalisation du cannabis, celle des stupéfiants chimiques aux Etats-Unis ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La méthylènedioxy-méthamphétamine (MDMA) est également connue sous le nom d'ecstasy
La méthylènedioxy-méthamphétamine (MDMA) est également connue sous le nom d'ecstasy
©ADEK BERRY / AFP

Dépénalisation en vue ?

Drogue illicite à usage récréatif, l'ectasy pourrait bientôt être commercialisé aux États-Unis comme un médicament pour traiter certains troubles mentaux.

Xavier Raufer

Xavier Raufer

Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date:  La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers. 

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Jusqu'à l'orée du XXIe siècle, les États-Unis d'Amérique furent une puissance - durablement, la première - logique, réglée et prévisible. En son sein ou dans le monde, un événement advenait-il ? Un péril émergeait ? On savait comment réagirait Washington. Or sans doute, le monstrueux choc du 11 septembre désaxa l'Amérique dirigeante ; depuis, tel un bateau sans quille, tous les vents - dangereux, absurdes, grotesques - de l'outrance sociétale secouent cette superpuissance à la dérive.

Affaires libidinales érigées en fondamental militantisme ; ergotages nominaux monopolisant jusqu'à l'état-major des armées ; frivoles indignations inondant les médias... Les pires stupéfiants, partout et pour tous... Dernier délire en vue, la dépénalisation des drogues "stimulantes" ; d'abord, la MDMA (Respirons bien : 3,4 Méthyl-eneDioxyMetAmphétamine). Comme jadis pour le cannabis ; comme naguère pour les analgésiques opioïdes (Oxycontin), tout démarre dans un monde académique-scientifique américain asservi à Big Pharma, méga-entreprises pharmaceutiques régissant la recherche du monde anglo-saxon. 

Mais qu'est-ce d'abord que la MDMA ? Dès 1910, le laboratoire allemand Merck brevète cette molécule parmi d'autres, sans test sur des humains. Durant la guerre froide, la CIA use de divers psychotropes MDMA, LSD, comme "sérum de vérité" pour interrogatoires. L'idée : finie la torture, un cachet révèle tout. Ensuite - en mode LSD toujours, MDMA investit la scène psychédélique californienne sous le sobriquet d'ecstasy. Le LSD est interdit en 1966, mais jusqu'en 2002, MDMA reste une drogue de concerts de rock, rave-parties et boîtes de nuit. Là, une loi très dure - poussée par le sénateur démocrate Joe Biden - bannit la soi-disant "drogue de l'amour", en fait toxique et carbonisant sans retour le cerveau des toxicomanes. À l'époque déjà, quelque 10 millions de drogués ont essayé ou pratiquent l'ecstasy. 

Accéléré avant jusque vers 2020. Big Pharma cherche sa nouvelle baguette magique/poule aux œufs d'or, après le désastre des opioïdes : des milliards et toujours plus ! Apparaît alors MAPS (Multidisciplinary Association for Psychedelic Studies), lobby pro-libéralisation des drogues stimulantes ou psychédéliques. Fasciné, Big Pharma adopte vite la logique et le discours des promoteurs de cette nouvelle "pénicilline de l'esprit" ; les voici.

Loin d'être un poison, la MDMA soignerait la maladie de Parkinson, des cancers ! Rendrait confiance aux timides ! Pousserait les coincés aux câlins ! Aiderait à trouver l'amour !  Ouvrirait le cœur et l'esprit d'usagers accédant illico au jardin de l'Éden. Empathie, partage et amour : un cachet, un verre d'eau et hop, finies les idées noires, l'anxiété sociale, la dépression et les symptômes post-traumatiques (PTSD). Donnons d'ailleurs cette "substance patriotique" aux vétérans, ils iront comme des charmes. 

Bref, on dénigrait une substance neurotoxique, source d'infarctus mortels - comme on se trompait ! Des tests le prouvent, clament des chercheurs soudoyés par Big Pharma, les Gafam et Silicon Valley - comme on se retrouve, après l'épisode Epstein, IIIe culture. Les universités John-Hopkins, UCLA-Berkeley, New York University, Harvard Medical School, U-Texas à Austin, U-Wisconsin à Madison clament les bienfaits de MDMA ; Imperial College-London et U-Toronto emboitent le pas. Les pieuvres, par exemple : sous ecstasy, elles tombent vite amoureuses ; l'une d'elles, naguère revêche, s'amuse comme une petite folle. Sans mauvais jeu de mot, même le show de Mme Oprah Winfrey s'en extasie.

Apothéose à Denver (Colorado) en juin 2023, où MAPS réunit une conférence sans précédents sur les substances psychédéliques et l'avenir de la psychothérapie. Et changement à 180° en cours, pour les autorités américaines... Oh, pas forcément fédérales pour l'instant mais État par État, par grignotages successifs... Comme pour le cannabis et toujours sur le ton du Gospel, de la révélation religieuse, MAPS & co lancent au public et aux médias la Bonne Nouvelle d'immenses bénéfices sociaux et médicaux... 

Après, viendra l'ingénierie sociale... Stigmatisation interdite, halte aux propos négatifs ! Comment osent-ils - alors qu'il s'agit d'amour. Ambition grandiose : un "monde sans traumas" en 2070 ; garanti chaleur humaine...

Mais soudain, début juin 2024, obstacle sur la voie lumineuse de l'amour universel. La puissante Food and Drug Administration refuse d'approuver la MDMA comme traitement des PTSD... Les données analysées par la FDA ne prouvent rien : elles sont "lacunaires" ; même, "singulièrement désordonnées". Mais bien sûr, comme "13 millions d'Américains souffrent de PTSD", ce barrage bien fragile ne demande qu'à sauter ; depuis un siècle et plus, rien ni personne n'a pu empêcher les Américains de se droguer. Attendons qu'un quelconque "usage médical" soit autorisé ici ou là, et ensuite...

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