Place au changement
Après la CGT, à la CFDT et au Medef, les têtes changent, d’où l’opportunité de reprendre la main sur le modèle social
Sans majorité , Emmanuel Macron aurait intérêt à gouverner avec les syndicats. Après le changement à la CGT, c’est la CFDT qui touche une nouvelle direction et début Juillet, c’est le Medef qui installera une nouvelle gouvernance. Tout pourrait changer.
Jean-Marc Sylvestre
Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.
Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.
Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.
Tous les chefs syndicaux qui arrivent au pouvoir de leur organisation ont un choix stratégique très simple pour participer à l’évolution du dialogue social et obtenir les avantages qu’ils ont promis à leurs adhérents. A priori, le choix, c’est :
-Ou bien, ils adoptent une stratégie de combat fondé sur les rapports conflictuels
-Ou bien, ils développent une stratégie du compromis fondé sur la négociation.
A la Cgt , la succession de Philippe Martinez s’est jouée dans un climat de crise lors du dernier congrès en Mars 2023 puisque Philippe Martinez a été désavoué et son bilan invalidé . La procédure de succession a donc été très agitée . Ils étaient trois en lice : Marie Buisson soutenue par un Philippe Martinez fragilisé, professeure en lycée professionnel qui incarne la ligne sociale-écolo de la CGT.
Sa principale concurrente, Céline Verzetti avait elle , le soutien des grosses fédérations de la chimie, ou encore des cheminots.
- et enfin, il y avait Olivier Mateu, secrétaire départemental des Bouches-du-Rhône qui defendait lui une ligne dure et radicale.
Au final ,les trois candidats ont été obligés de s’effacer au profit de Sophie Binet. Qui n’était pas attendue . Sophie Binet , était secrétaire générale de l'Ugict, le syndicat des ingénieurs, cadres et techniciens de la CGT. Âgée de 41 ans, elle devenait la première femme à prendre la tête du syndicat depuis la création de l'organisation en 1895.
Du coup Sophie Binet a suscité beaucoup de curiosité et d’ attente de modernisation . En réalité, elle a été jusqu’à maintenant otage des courants assez durs qui dominent la CGT avec comme objectif de poursuivre la lutte très opposée au gouvernement . La CGT n’est pas sortie du dossier retraite .
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A la Cfdt , la succession se passe beaucoup plus calmement, d’abord parce que Laurent Berger a été un secrétaire non contesté avec une ligne très sociale-démocrate , l’institution a suivi l’évolution sociologique du monde des salariés pour devenir le syndicat le plus puissant en France et notamment dans le secteur privé . Il a participé sans état d’âme à l’union syndicale contre la réforme des retraites , et contre la politique du président de la République , mais il a tourné la page dès la promulgation de la loi . Marylise Léon numéro 2 depuis 2018 lui succède dans un contexte où le premier syndicat français a le vent en poupe . Âgée de 46 ans, Marylise Léon était depuis 2018 la numéro deux de L. Berger, en charge de dossiers stratégiques comme l'assurance-chômage et les relations intersyndicales. Elle est la deuxième femme à prendre la tête de la Confédération, après Nicole Notat, qui l'avait dirigée de 1992 à 2002 et qui a enraciné la maison dans le réformisme social.
Marylise Leon reprend le flambeau , convaincue, elle aussi qu’il faut poursuivre et améliorer encore la recherche systématique de compromis avec le patronat ou le gouvernement .
Du côté du Medef , les jeux sont ( presque) faits. Il reste deux candidats à la succession de Geoffroy Roux de Bezieux qui arrive en juillet à la fin de son mandat non renouvelable de 5 ans : -Dominique Carlac’h , 54 ans est l’actuelle porte-parole du mouvement patronal et , vice-présidente du Medef .Conseil en innovation , elle souhaite renforcer la place des entreprises dans la société et notamment face à la nécessité de travail et de souveraineté.
Patrick Martin a 63 ans c’est l’actuel vice-président il fait figure de grand favori parce que soutenu par les fédérations professionnelles les plus forte comme l’UIMM ou le BTP. Sa priorité : la réindustrialisation du pays .
Maintenant, l’ensemble du monde syndical sort d’une période qui a été très compliquée , entre les gilets jaunes , la crise du covid et aujourd’hui la guerre en Ukraine , il faut reconnaitre que le pouvoir exécutif ne s’est guère inquiété de l’état d’âme des syndicats . Il les a d’ailleurs très rarement consultés . Au point de donner l’impression de mépriser ces partenaires historiques du modèle français .
Mais il faut aussi reconnaitre que le monde syndical n’a guère fait de propositions constructives . Il a même abandonné ses responsabilités de cogérant du modèle social considérant que l 'État devait payer sur le chômage , sur la santé, sur la vieillesse . D' où les déficits qui se sont multipliés d’où la position très dure qui a émergé à l 'occasion de la réforme des retraites . Mais pas que !
Pour la CFDT et le Medef, il parait évident qu' il faudra participer à la négociation sociale en recherchant des compromis et le Medef comme la CFDT ont fait un pas en avant sur la question du partage de la valeur . Mais il faudra jouer le jeu sur tous les dossiers et reprendre la main sur le modèle social. Sinon l’État gèrera et reprendra la main s’il doit à nouveau signer des chèques .
Alors toute l’évolution du modèle dépend aussi des autres syndicats mais ils sont très affaiblis , l’évolution dépend surtout de la CGT qui va devoir sortir de son attitude d’opposition systématique avec comme moyen le conflit ouvert pour passer sur le terrain du compromis .
Mais l’évolution dépend aussi du gouvernement parce que sans majorité , son intérêt est aussi de gouverner avec les partenaires sociaux.
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