Amnésie digitale : une étude universitaire souligne l’impact grandissant de Google sur nos mémoires<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Santé
Amnésie digitale : une étude universitaire souligne l’impact grandissant de Google sur nos mémoires
©©Reuters

Effet Google

Selon une étude menée par le Dr Esther Kang et publiée dans le « Journal of Experimental Psychology : Applied », l’omniprésence d’Internet ainsi que son flot d’informations facilement accessibles affecteraient notre mémoire à court terme et nos souvenirs des détails

Christophe Rodo

Christophe Rodo

Christophe Rodo est neuroscientifique et vulgarisateur avec le podcast "La Tête Dans Le Cerveau".

Voir la bio »

Dans une étude publiée dans le « Journal of Experimental Psychology : Applied », le Dr Esther Kang affirme que nous mémorisons généralement difficilement les informations auxquelles nous sommes confrontés en ligne, un phénomène connu sous le nom « d’amnésie numérique » ou « effet Google ». De quoi est-il question ? 

Christophe Rodo : Cette étude démontre que plus une information est facilement accessible via Internet, moins on pourra la mémoriser facilement. Cela fait une petite dizaine d’années que des études scientifiques ont démontré que lorsque nous avons accès à des informations en ligne, nous avons souvent tendance à moins les retenir que si nous utilisons d’autres outils. Cela signifie que prendre connaissance d’une information via le numérique induirait un apprentissage moins performant, moins durable, d’où le terme « d’amnésie numérique ». 

Comment expliquer ces différences de mémorisation entre les informations facilement accessibles en ligne et celles qui demandent un effort de recherche plus soutenu ?

Plus une information est facilement accessible, moins le cerveau aura tendance à mettre en place des stratagèmes coûteux en énergie et en ressources cognitives pour la retenir. Le cerveau a un fonctionnement très économique et écologique. Il préfère garder son énergie pour des informations qui demanderont plus de temps et d’efforts de recherche. En revanche, si on ne se souvient pas de l’information directement, on aura tendance à se souvenir de la manière d’y accéder, par exemple des mots clés. 

« L'omniprésence d’Internet a facilité l'accès à l'information et a influencé l'attention des utilisateurs et la gestion des connaissances », explique le Dr Esther Kang dans son étude. Que savons-nous actuellement du rôle d’Internet sur notre mémoire et le développement de notre cerveau ? 

Il est extrêmement compliqué de connaître le rôle d’Internet sur le développement de notre cerveau pour deux raisons : 

Les différentes innovations de la société, comme les nouveaux usages et les nouveaux moyens d’accéder à l’information ont toujours posé de nombreuses questions. L’Homme a toujours cherché à savoir quel serait l’impact d’une grande quantité de connaissances facilement accessibles sur son développement. Le fait de rendre accessible le savoir et de ne plus en être soi-même détenteur est-il néfaste pour le fonctionnement cognitif ? 

À partir du moment ou l’information n’était plus seulement transmise à l’oral mais pouvait passer par un support externe comme des tablettes, l’Homme s’est questionné. Idem lors de la naissance de l’écriture ou lors de l’invention de l’imprimerie.

Pourtant, depuis l’invention de l’écriture, le fait de pouvoir externaliser certains savoirs a souvent permis à l’humanité de se surpasser, de se spécialiser … À une époque, on pouvait imaginer qu’une seule personne pourrait emmagasiner tout le savoir de l’humanité. De nos jours, on se rend bien compte que ce n’est pas possible. Les individus peuvent être détenteurs d’une somme plus ou moins floue d’un savoir large, ou alors être expert dans un domaine très précis. Le fait de pouvoir externaliser ce savoir serait en réalité plutôt favorable, en nous permettant de croiser nos connaissances. Pourtant, on peut légitimement se demander si cela peut être néfaste au quotidien. A titre personnel, je ne connais pas tous les numéros de téléphone de mon répertoire. Pourtant, n’est-il pas préférable de savoir comment accéder à l'ensemble des données qui y sont présentes ? De la même manière, si la plupart des individus ne savent plus comment faire du feu avec des outils, ils peuvent réaliser des tâches plus complexes. 

Deuxièmement, il n’y a pas à ma connaissance d’études longitudinales sur ces questions. La plupart ne s’intéressent pas à nos capacités attentionnelles ou sur la mémoire à long terme et nous ne savons pas comment ces capacités évoluent sur de longues périodes à cause de notre contact avec Internet. Peut-être que dans cinquante ans, nous réaliserons que le fait de faire travailler notre mémoire de manière différente aura des incidences sur l’état de certaines maladies neurodégénératives qui peuvent toucher le cerveau. 

Dès lors, quels conseils donneriez-vous afin de maximiser notre mémorisation en ce qui concerne les informations que nous lisons sur Internet ? 

Il faut déjà faire attention à certains biais cognitifs. Selon de nombreuses études, nous sur-évaluons souvent nos connaissances sur un sujet après avoir fait des recherches en ligne. Lorsqu’on consulte des informations sur Internet, qui sont donc plus dures à mémoriser à court terme, nous aurions souvent tendance à avoir une perception plus haute de nos connaissances. 

Ensuite, on peut facilement avoir tendance à oublier la source d’une information. Venait-elle d’un site fiable, d’une publicité, d’un site douteux ? Il est facile d’oublier la source des informations auxquelles nous sommes confrontées. Pour ne pas que cela se produise, il ne faut pas hésiter à revenir plusieurs fois sur le site en question. Pour consolider cette information à long terme mais aussi pour en avoir une vision la plus globale possible, il faut passer par différents sites, différentes sources, pour voir si ces informations sont traitées de manière équivalente. En somme, il faut croiser les sources pour s’enrichir et y revenir plusieurs fois car le savoir se construit. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !