Alain Madelin : "TVA sociale à la Sarkozy ou CSG sociale à la Hollande ? Deux fausses bonnes idées"<!-- --> | Atlantico.fr
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TVA sociale à la Sarkozy ou CSG sociale à la Hollande : deux idées pas si brillantes que ça...
TVA sociale à la Sarkozy ou CSG sociale à la Hollande : deux idées pas si brillantes que ça...
©Reuters

Jeu comptable douteux ?

Après avoir déprogrammé la TVA sociale, le gouvernement socialiste semble avoir tracé la perspective d'une CSG sociale... Mais en affectant une hausse de celle-ci aux entreprises par un jeu comptable douteux, le gouvernement se priverait d’une marge de manœuvre dont il peut avoir besoin pour équilibrer les comptes de la sécurité sociale.

Alain Madelin

Alain Madelin

Alain Madelin a été député, Ministre de l'Economie et des Finances et président du Parti Républicain, devenu Démocratie Libérale, avant d'intégrer l'UMP.

Il est l'auteur de Faut-il supprimer la carte scolaire ? (avec Gérard Aschieri, Magnard, 2009).

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Atlantico : Après avoir déprogrammé la TVA sociale, le gouvernement socialiste semble avoir tracé la perspective d'une CSG sociale. Dans quelle mesure s'agit-il d'une bonne ou mauvaise mesure ? Existe-t-il potentiellement des effets pervers ? 

Alain Madelin : Comme la TVA sociale, la CSG sociale part de l’idée qu'il y a un problème du coût du travail en France. A titre personnel, je pense que cela est à moitié vrai... Il n’en demeure pas moins qu’il concerne essentiellement le secteur des services à faible valeur ajoutée, à main d’œuvre peu localisée qui coûte parfois plus cher qu’elle ne rapporte. C’est pour cette raison que plusieurs politiques différentes d’exonération sur les bas salaires ont été mises en œuvre dans le passé, avec au total une facture comprise entre 22 et 30 milliards d’euros.

Pour autant, il est important de distinguer bas salaire et "bas salaire". On peut avoir des bas salaires employés dans des "processus de production robotisée" et très fortement créateur de valeur ajoutée. Dans ce cas de figure, l'exonération de charges constitue une aubaine pour les entreprises. Mais dans d'autres secteurs, ces exonérations entrainent une "smicarisation" des salariés français en comprimant les salaires vers le bas. Voilà pourquoi elles sont tant critiquées par de nombreuses études, et même par la Cour des comptes.

Il y a un problème du coût du travail, mais ce dernier ne se pose pas pour toutes les entreprises. A dépense sociale constante, il n’existe aucune martingale de transferts des cotisations qui permette d’avoir un effet sur la compétitivité. Toutes les études économiques sur la TVA sociale montrent bien que malgré un petit effet bénéfique à court terme, les prix finissent toujours par se réajuster dans une économie, et cet effet disparaît. S’il y a surcharge sociale, c’est parce qu’il y a surcoût social. La France dépense proportionnellement 1,9 % de son PIB en plus pour le social que l’Allemagne (2,5% de plus que la moyenne des autres pays de la zone euro). Aucune manipulation fiscale et sociale ne peut résoudre ce problème.

Justement, l'exemple allemand, qui table sur un coût du travail plus bas et un niveau de charges allégé pour ses entreprises, est-il un modèle à suivre ?

Non, le coût du travail en Allemagne comme l’indique le patron de Renault est à peu près identique celui de la France. Par contre, il y a eu un effort non pas de transfert de charges, mais de modération salariale pendant 10 ans qui a donné à l’Allemagne un gain de compétitivité. Cette modération salariale est le fruit du dialogue social.

On peut aussi faire référence à la compétitivité par le bas. La compétitivité par le bas se résume à ce qu’on demande aujourd’hui à la Grèce ou à l’Espagne. Ils doivent compenser par une dévaluation intérieure (déflation salariale). Ces politiques sont douloureuses socialement et dangereuses politiquement. La compétitivité par le haut consiste au contraire à engager des investissements. 

Dans cette dynamique, si vous voulez relocaliser des industries en France, vous ne pouvez le faire qu’en installant des robots (chaînes de production automatisées) qui feront mieux et moins cher le travail qu’une main-d’œuvre chinoise bon marché. L’Allemagne par exemple, avait des usines robotisées et une économie plus ouverte à l’extérieure, à la délocalisation que la nôtre. C’est donc un exemple de pays qui réussit à marier gains de productivité et emploi.

L’industrie n’a pas pour rôle de créer de l’emploi, mais pour ambition de créer de la valeur ajoutée. Et c'est cette dernière qui va permettre de créer des emplois, d'où l'idée de cercle vertueux. L’industrie peut aussi générer de l’emploi en-dehors de l’industrie dans les services aux entreprises ou encore par la distribution de la valeur ajoutée à l’intérieur d’une économie. Plus vous avez de capital dans un pays, plus le niveau de salaire sera important. Ceci va agir directement sur la création d’emplois. En résumé, l’alternative à la déflation salariale, c’est la capitalisation de l’économie française.

Pour conclure, comment assurer et clarifier le financement de la protection sociale en France ?

Le transfert de charges n’est pas un sujet tabou, à condition de s’inscrire dans une perspective globale de clarification. J’entends par là qu’il faut rendre à l’assurance sociale et à la cotisation ce qui leur appartient. Et faisons de même quant à ce qui relève de la solidarité nationale. Il est clair que l’assurance chômage et vieillesse appartiennent à l’assurance. S’agissant de l’assurance maladie, cela reste plus complexe. Reste qu'au fil des ans, nous avons mis des tas de charges au bilan de l’État...

Je pense qu’une clarification de l’ensemble serait utile. Elle permettrait, non pas un gain de compétitivité, mais pourrait responsabiliser les acteurs sociaux. Nous avons actuellement 90 milliards d'euros de CSG, c’est-à-dire plus que l’impôt sur le revenu - qui est déjà une contribution de solidarité à la sécurité sociale. A cela s’ajoute les 22 milliards d’exonération de charges sociales. A l’arrivée, les charges dites de solidarité imposées à la sécurité sociale sont couvertes par ces sommes.

Dans notre modèle, la protection sociale est pour l’essentielle payée non pas par le travail, mais par les personnes qui achètent des services immédiats ou différés, qui sont par ailleurs mutualisés. Voilà ce qu’on appelle, le salaire différé. Remettre en cause ces principes, ce serait aller vers l’étatisation de notre sécurité sociale.

La hausse de la CSG peut être une nécessité. Maisen affectant une hausse de la CSG (affectée au entreprises par un jeu comptable douteux), le gouvernement se priverait d’une marge de manœuvre, dont il peut avoir besoin pour équilibrer les comptes de la sécurité sociale. Ce qui reste un objectif prioritaire...

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