Aération des lieux clos : cette occasion ratée du Covid qui pourrait pourtant nous permettre de limiter bien d’autres maladies<!-- --> | Atlantico.fr
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Un système de purification de l'air installé dans une école néerlandaise.
Un système de purification de l'air installé dans une école néerlandaise.
©DIRK WAEM / BELGA / AFP

Sous-investissement

Depuis le début de la pandémie de Covid-19, il a été maintes fois évoqué l’importance d’ouvrir les fenêtres pour éviter les infections. Pourtant, la France a très peu investi dans l’aération des lieux publics et la purification de l’air intérieur.

Michaël Rochoy

Michaël Rochoy

Michaël Rochoy est médecin généraliste. Il s'intéresse particulièrement au Covid-19 chez les enfants. Il est membre du Collectif Du Côté de la Science et cofondateur du collectif Stop postillons.

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Atlantico : Suite à la pandémie de Covid-19, il a été maintes fois évoqué l’importance d’ouvrir les fenêtres pour éviter les infections. De nombreuses voix, comme celles du collectif « Du côté de la science » ont plaidé pour une meilleure aération des lieux publics, notamment les écoles, ainsi qu’un meilleur monitoring. A quel point la France a-t-elle insuffisamment investi dans l’aération et la purification de l’air ?

Dr Michaël Rochoy : Il y a eu en France des initiatives locales — ou parfois des effets d’annonces ! — mais pas vraiment d’investissement à l’échelle nationale dans les établissements qui dépendent de l’État, de manière directe ou indirecte. La transmission par aérosols du SARS-CoV-2 a été actée dès juin 2020 et des travaux auraient pu être faits, comme cela a été réclamé maintes et maintes fois… Par exemple, en mai 2021, 40 scientifiques ont signé un papier dans la prestigieuse revue Science pour inciter les décideurs à investir dans une amélioration de la qualité de l’air. 

Pourtant, que ce soit dans les écoles primaires (dépendant des mairies), les collèges (dépendant des départements), les lycées (dépendant des régions), ou les autres administrations (ministères, mairies, etc.), aucune mesure n’a véritablement été prise. Aucun parti, aucun candidat à la Présidentielle n’en fait même un sujet prioritaire de sa campagne, malgré 2 ans de pandémie… c’est désespérant !

Ce qui doit être discuté aujourd’hui, c’est améliorer le diagnostic de la qualité de l’air (par exemple avec des capteurs CO2) et surtout améliorer le traitement de la qualité de l’air, par des ouvertures (fenêtres) et des VMC principalement. 

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On a pu avoir le sentiment qu'un investissement dans l’aération pour le Covid-19 aurait un intérêt limité ou serait trop onéreux... 

Ce n’est pas si onéreux en vrai ! Dans mon cabinet par exemple, dont je suis le chef d’entreprise en quelque sorte, j’ai des fenêtres qui s’ouvrent, un capteur CO2 à 100€ et une VMC que j’avais déjà installée à 800€ environ, et un purificateur d’air à 300€, le tout étant évidemment des frais professionnels. En pratique, quand j’arrive au cabinet, j’ouvre les fenêtres de la salle d’attente et de la salle d’examen. Comme je suis dans le Pas-de-Calais, le chauffage tourne un peu plus entre novembre et mars… Il y a une VMC qui renouvelle l’air de ces pièces et des WC. J’ai à proximité de moi un capteur CO2 qui m’indique s’il faut ouvrir en grand la fenêtre (plutôt qu’en oscilla-battant) lorsqu’il dépasse 800 ppm, et j’ai un purificateur d’air sur mon bureau entre le patient et moi pour éviter qu’on s’échange trop de microbes. Et bien sûr, le port du masque reste obligatoire dans mon cabinet tant que nous sommes dans ce contexte de pandémie, avec des taux d’incidence si élevés. 

Quelle est la place de l’aération pour lutter contre la Covid-19 ? 

L’aération est un des gestes barrières : elle réduit les risques de contamination, en réduisant la charge virale dans l’air. Combiné au port du masque, c’est le meilleur outil pour limiter les contaminations dont on dispose (le vaccin réduit également le risque de contamination mais est surtout plus efficace pour limiter les formes graves quand on est contaminé). 

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Concernant la COVID-19, le virus se transmet principalement par aérosol et à proximité. Il existe des cas où il se transmet à longue distance, ou qui se transmet en restant en suspension dans l’air, dans un lieu clos après le passage de quelqu’un de contaminé, mais bien sûr ce n’est pas l’essentiel des contaminations. On ne publie pas pour dire que 2 personnes se sont contaminées en mangeant, parce que c’est d’une affligeante banalité, par rapport à une contamination suite au passage dans des WC à 40 minutes d’intervalle. Evidemment pour les contaminations à distance ou retardées, on peut estimer que la ventilation est beaucoup plus efficace que pour une contamination à très courte distance avec une fenêtre ouverte à 4 mètres… d’où l’intérêt encore et toujours du port du masque, dont la levée lundi 14 mars est d’ailleurs une hérésie à un tel niveau de circulation virale et sans aucun investissement sur la qualité de l’air ! 

Est-ce que l’investissement dans l’aération pourrait avoir un autre intérêt au-delà de la Covid-19 ? D’autres maladies peuvent-elles également être évitées de cette manière, par l'aération ? Quels sont les principaux bienfaits de l’aération ?  

L’amélioration de la qualité de l’air, notamment par l’aération, a en effet plusieurs intérêts. 

Primo, elle limite les infections transmises par aérosol : COVID-19, mais aussi grippe et probablement de nombreux autres virus pour lesquels la différence entre transmission gouttelettes ou aérosol n’est pas franchement élucidée. 

Deuxio, elle réduit les allergènes et les polluants atmosphériques (particules fines notamment), responsables de problèmes respiratoires, d’asthme allergique, de sinusites, d’eczéma, etc. 

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Tertio, elle réduit également le taux de CO2 dans l’air (celui qu’on mesure avec les capteurs) : or, un taux élevé, supérieur à 1000 ppm, sur une longue durée peut entraîner une baisse de concentration, d’activité cognitive, des maux de tête ou une somnolence… 

Où faudrait-il concentrer les efforts en termes d’aération ? 

Pour moi, les écoles sont donc les premiers lieux sur lesquels concentrer les efforts. 

La première raison, c’est que c’est le plus efficient : il y a 60 000 établissements pour 12 millions d’élèves, sans compter le personnel. Si on privilégie les 35 000 mairies de France, on peinera sans doute à toucher 1 million de personnes… De plus, quand on réduit les contaminations entre 12 millions d’élèves, ils ramènent également moins de virus à la maison, aux parents ou grands-parents. C’est donc le plus efficace pour réduire les contaminations dans toute la société. 

La deuxième raison, c’est que les objectifs sont tous louables : diminuer l’absentéisme scolaire dû aux viroses (et l’absentéisme des parents pour garde d’enfant malade ou parce qu’ils sont eux-mêmes malades), diminuer la surcharge du système de santé en limitant les contaminations dans toute la société, diminuer les allergies chez les jeunes et améliorer la concentration et les capacités cognitives comme dit plus haut… 

Favoriser une bonne ventilation dans les écoles aurait donc de nombreux bienfaits sur l'apprentissage ! Ce sont donc des lieux parfaits pour promouvoir de tels gestes, car les élèves y restent de nombreuses années et peuvent comprendre dès le plus jeune âge l’importance de telles pratiques. Or ce n’est pas fait, et le problème est connu de longue date : en 2018, l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur (OQAI) avait estimé que 41 % des écoles maternelles ou primaires avaient au moins une classe avec une concentration en CO2 à 1700 ppm (score ICONE 4 ou 5), donc favorisant les maux de tête, troubles de concentration, etc. (https://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/2018-085R-OQualiteAir-D.pdf) 

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Et si un autre variant bien pire qu’Omicron lui succédait, que faire pour y être prêt (cette fois-ci) ?

On rappellera qu'en 2017, le candidat Emmanuel Macron a dit que l’école serait « le combat de notre siècle » ; on aurait pu attendre de ce candidat qu’il investisse dans la qualité de l’air scolaire, en particulier pendant la pandémie… mais qui sait, il n’est peut-être pas trop tard, pour le candidat Emmanuel Macron de 2022.

Justement, est-il encore temps d’investir dans l’aération, par rapport au Covid-19 mais aussi sur le plus long terme ? 

Oui, l’État pourrait mettre en place des mesures en ce sens, avec un peu d’ambition. On a déjà raté les travaux dans les écoles en 2020, en 2021… si on veut des capteurs CO2, des fenêtres qui s’ouvrent et des VMC, il faut faire des devis dès maintenant pour débuter des travaux en 2022 ! Ce n’est plus un manque de connaissance maintenant, c’est vraiment un manque de volonté politique. 

En décembre 2021, Cédric Villani a déposé un rapport à l’Assemblée nationale et au Sénat incitant à « renforcer les politiques d’incitation au renouvellement de l’air dans les milieux clos » ; il y précise que « cette mesure doit dépasser la lutte contre la COVID-19 et s’étendre à la prévention des épidémies saisonnières et respiratoires ».

Ce qui est dingue, c’est qu'en pleine campagne électorale, aucun candidat ne s’est vraiment emparé de la question ! Je trouve assez terrible qu’un sujet aussi important et facile à mettre en place n’ait pas été davantage évoqué. 

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