Accusés réseaux sociaux, levez-vous : les preuves de la sape des fondements de nos démocraties sont là<!-- --> | Atlantico.fr
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A quel point les réseaux sociaux sapent la confiance dans les institutions, les médias ?
A quel point les réseaux sociaux sapent la confiance dans les institutions, les médias ?
©DENIS CHARLET / AFP

Twitter 1 / Confiance dans nos institutions 0

Les réseaux sociaux s'apparentent de plus en plus à la tour de Babel. Comment ont-ils évolué progressivement vers un modèle favorisant le manque d’honnêteté et les dynamiques de meutes tout en nuisant à la confiance envers les institutions ? 

Fabrice Epelboin

Fabrice Epelboin

Fabrice Epelboin est enseignant à Sciences Po et cofondateur de Yogosha, une startup à la croisée de la sécurité informatique et de l'économie collaborative.

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Atlantico : Dans un article, le magazine américain The Atlantic compare les médias sociaux à la tour de Babel. Ces médias avec leur ambition de grandeur sont-ils devenus des plateformes où personne ne se comprend plus et où la discorde finira par tout détruire?  

Fabrice Epelboin : Cette métaphore est appropriée au vu de leur histoire récente. L’auteur identifie d’ailleurs l’apogée des réseaux sociaux en tant que tour de Babel aux printemps arabes, à « Occupy Wall Street », soit à l’époque où ils étaient un espoir mondial et représentaient le renouveau démocratique. Il date aux environs de 2015 la fin des illusions ou de 2013 avec Edward Snowden. Le monde s’est alors aperçu que le numérique avait un côté obscur et parfaitement anti-démocratique. À partir de ce moment, la confiance envers les institutions, les médias a commencé à s’effondrer. 

Nous sommes arrivés avec les réseaux sociaux à une tyrannie de l’autre, d’agression permanente (que l’on voit dans cet entre-deux tours où la moitié des Français sont qualifiés de fascistes). La tour de Babel s’est aujourd’hui effondrée et il y a une fragmentation avancée de la population avec une recomposition de la société. Il suffit de voir la disparité en termes de classe d’âge des votes du premier tour. Macron ne serait pas qualifié si les plus de 65 ans ne votaient pas. Et en disparité en termes de religion dans les votes, la recomposition est à un stade avancé. Au final, il est impossible de nier que les médias sociaux n’ont pas joué un rôle moteur dans tout cela. 

Pourquoi cette comparaison avec la tour de Babel est-elle si pertinente ? 

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La comparaison avec la tour de Babel est efficace tant cette histoire a été une tentative de dépasser l’humanité, mais elle s’est effondrée et a eu un effet inverse que celui escompté. Cela a donné une chance aux langues et a fragmenté l'humanité en différents groupes. Ainsi, les médias sociaux ont unifié la société car on a pu tout d’un coup partager nos sentiments avec des personnes qui vivaient dans une société très différente. Tout d’un coup, on s’est aperçu que l’on avait énormément de choses en commun avec l’autre et nous avons créé une illusion où une seule et même humanité pouvait devenir réalité. Pourtant, très rapidement tout cela s’est effrité en une multitude de petits groupes qui se sont rapidement mis à se taper les uns sur les autres et à s’exterminer. Et le rêve de la tour de Babel s’est effondré.

Comment les réseaux sociaux ont évolué progressivement vers un modèle favorisant le manque d’honnêteté et les dynamiques de foule / de meute ? 

Le manque d’honnêteté ne date pas des réseaux sociaux car les politiciens mentaient aussi avant. Ce qui a changé, c’est qu’un politicien qui mentait hier ne se faisait pas dénoncer immédiatement, aujourd’hui oui. Il y a une trentaine d’années, le fait de coller bout à bout des propos incohérents d’une seule et même personne était réservé à des documentalistes et demandait des moyens considérables. En 2022, n’importe qui peut le faire en téléchargeant des vidéos sur YouTube et on peut montrer à n’importe quel politicien, l’incohérence de ses propos. Il suffit de voir les positions d’Emmanuel Macron ou de Marine Le Pen sur le voile, ils sont parfaitement incohérents d’une semaine à l’autre. Cela a fait baisser drastiquement la crédibilité des acteurs. 

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La dynamique de foule est propre aux réseaux sociaux et a été introduite à travers le retweet ou le like. À partir du moment où cela a été lancé, les gens les plus habiles ont immédiatement identifié qu’il y avait un moyen de jouer avec des mécanismes de foules assez complexes, mais qui au final se maîtrisent assez bien.

A quel point les réseaux sociaux sapent la confiance dans les institutions, les médias ?

En effet, les médias sociaux ont sapé la confiance, mais objectivement il n’y avait aucune raison d’avoir confiance en ces médias avant les réseaux sociaux. Il s’agissait d’une confiance de façade car la population n’avait pas accès à la réalité. Il s’agit d’une situation analogue à celle de l’imprimerie. À partir du moment où l’on crée une technologie qui fait que la transmission de l’information se fait d’une meilleure manière, on change la société. L’imprimerie a donné lieu à des guerres de religion, ce qui n’est pas sans rappeler la problématique actuelle.

À l’heure actuelle, on ne peut plus fermer les yeux sur le fonctionnement des institutions. Et il est difficile de conserver une confiance envers des institutions, des politiques si on a accès à l’incohérence de cet ensemble. Une institution est composée d’individus qui font évoluer un rapport de force avec le temps et cela ne va pas être très cohérent d’un jour à l’autre. Les réseaux sociaux ont apporté les preuves de leur dysfonctionnement et ont rapproché des communautés qui pensent comme soi. À partir du moment où on est passé d’un individu qui est devant son poste de télévision à un individu derrière son ordinateur, il va plus facilement trouver d’autres personnes en accord avec lui. Très rapidement, cela va constituer la majorité de la population. 

Comment le fait que tout le monde critique tout le monde dissèque le lien social ?

Il n’est pas disséqué, il est intermédié par des algorithmes, ce n’est pas la même chose. Il y a une génération, le lien social passait par du one to one avec des technologies permettant de faire porter sa voix à des kilomètres de distance. C’est extrêmement frustrant par rapport à une technologie qui permet d’émettre une idée et la redistribue au monde entier en lui donnant plus ou moins d’importance en fonction de l’émotion suscité chez un nouvel interlocuteur. C’est plus attirant qu’un simple téléphone. 

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