2023, année des émeutes. Mais qui en retiendra le sens profond ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les forces de l'ordre mobilisée lors d'émeutes survenues après le décès de Nahel
Les forces de l'ordre mobilisée lors d'émeutes survenues après le décès de Nahel
©ZAKARIA ABDELKAFI / AFP

Bilan 2023

Il est des événements qui se révèlent des points d’acmé dont l’irréversibilité tout autant que leur inéluctabilité résultent d’un parcours qui n’avait rien d’aléatoire

Maurice Signolet

Maurice Signolet

Maurice Signolet est un ancien commissaire divisionnaire. Il a notamment exercé à Aulnay-sous-Bois.

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Leur survenance, que l’on pourrait, à tort, considérer comme accidentelle, prend alors une dimension didactique dont le simple énoncé suffit à lui seul a en déterminer la pertinence. Le 27 Juin 2023, à Nanterre dans les Hauts de Seine, une intervention policière se soldait par la mort d’un adolescent de 17 ans, entraînant une vague d’émeutes sans précédent sur l’ensemble du territoire, y compris dans de petites villes jusqu’alors considérées comme préservées de toute violence, imposant comme seul recours d’apaisement l’incarcération du policier, auteur du tir mortel.

Le désordre, substituait, dans le tumulte, l’approximation, la cacophonie argumentaire, une revendication de légitimité au détriment de la légalité, cette expression institutionnelle des convenances qui n’apparaissait plus alors que comme l’outrance de l’arbitraire. Plus rien ne pouvait être considéré comme illégal, puisque le légitime adoubait l’irrationnel, le pulsionnel, le comportemental. L’opprobre, « cette détestation de tout un peuple » comme le qualifiait Robespierre, ciblait cette fois les détenteurs de l’ordre. L’ensemble du monde politique, journalistique, de la bien-pensance, dans un même élan compassionnel s’engouffrait dans l’abîme du conformisme de circonstance, ne cherchant nullement à percevoir le risque qu’il encourait d’être lui même emporté par l’illégalité de son existence puisqu’il se reconnaissait dans cette légitimité subjective.

Le jeune Nahel mortellement blessé, par son désordre comportemental, légitime à ses yeux, mais illégal aux termes des règles normatives, et Florian le fonctionnaire de Police intervenant au nom de la légalité, mais dans un contexte d’illégitimité sociétale, symbolisent désormais, au seul énoncé de leurs identités pré-nominales, les données d’un axiome simple : ordre et désordre se légitiment par leur existence propre, la légalité prenant alors un caractère d’illégitimité puisqu’elle les confronte...

Ce qui apparaît, à l’analyse rationnelle, comme un non sens de coexistence, comme une aberration conceptuelle, est en réalité la résultante d’un cheminement idéel, éthéré, paroxystique, qui tend à nier la consubstantialité vitale des êtres au profit de la seule expression comportementale de l’individu. Les pulsions légitiment les comportements, alors que la légalité les réfrène voire les opprime. Le ruissellement de cette pensée existentialiste chère à André Breton, jusque dans le caniveau de nos banlieues dites de « non droit » à bon escient, puisque la légalité y a perdu toute légitimité, la démocratisation et la vulgarisation, très approximatives de son expression, plus proche de l’éructation, de la vocifération, que de la réflexion philosophique, ont conduit à une impasse.

Dans cette impasse, un jeune de 17 ans, un policier, tous deux acculés à la confrontation, dans une voie sans issue au sens imagé du terme, vont concrétiser, matérialiser, ce qui les a conduit par des itinéraires divergents, construits en opposition mais en parfaite parité dans leurs trajectoires édificatrices, à une convergence de destins.

Doit on les en rendre responsables, chacun n’ayant fait qu’obéir, que se conformer à ce qu’il leur échappait, un refus orchestré de longue date de la consubstantialité des êtres, une doxa invasive, endémique, au nihilisme mortifère ? La justice se prononcera, mais sous quel prisme, selon quel logiciel de compréhension, d’analyse et d’appréciation des responsabilités ? Il en est ainsi de certains « faits divers ». A qui sait en décrypter le sens, le vrai, celui qui interpelle l’intelligence plus que l’émotion, celui qui suggère l’analyse plus que la tonitruance des certitudes, celui qui privilégie le lointain à la volatilité de l’instant, il appartient de s’en imprégner.

S’arrêter sur le fait, se limiter, comme semble en être réduit la sphère intellectuelle d’aujourd’hui, au commentaire journalistique qui fixe l’instant sans l’inscrire dans la chronologie, dans la généalogie, s’est s’interdire l’avenir, s’est s’affranchir de toute responsabilité. La paresse, l’incapacité, le dilettantisme, la lâcheté, caractérisent notre époque car on considère que le destin n’admet désormais que le pluriel, alors qu’il n’était jusqu’alors qu’exclusivement considéré au singulier. Ce renversement d’architecture de la pensée, qui voudrait faire tenir debout une pyramide depuis sa pointe et non depuis son socle, ne pourra que conduire à un effondrement dans le fracas et la poussière. Des Florian, des Nahel, il y en aura encore beaucoup d’autres, car nous avons décidé qu’il en serait ainsi. Eux, le voulaient ils vraiment ? Rien n’est moins sur !

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