"Voir le pire, L'altérité dans l'oeuvre de Bret Easton Ellis" : "Un réquisitoire contre la Cancel culture…"<!-- --> | Atlantico.fr
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Voir le pire : L'altérité dans l'oeuvre de Bret Easton Ellis remède à l'épidémie de supériorité morale d'Olivier Amiel est publié aux éditions Les Presses Littéraires.
Voir le pire : L'altérité dans l'oeuvre de Bret Easton Ellis remède à l'épidémie de supériorité morale d'Olivier Amiel est publié aux éditions Les Presses Littéraires.
©GABRIEL BOUYS / AFP

Bonnes feuilles

Olivier Amiel publie "Voir le pire : L'altérité dans l'oeuvre de Bret Easton Ellis remède à l'épidémie de supériorité morale" aux éditions Les Presses Littéraires. La fragmentation profonde des Etats-Unis qui touche les différences ethniques, générationnelles et de genre, a des répercussions en France comme dans toutes les sociétés occidentales. Olivier Amiel analyse les romans de Bret Easton Ellis à travers le prisme du principe d’altérité pour répondre à cette problématique dans une époque dominée par ce que l’écrivain américain appelle une "épidémie de supériorité morale". Extrait 1/2.

Olivier Amiel

Olivier Amiel

Olivier Amiel est avocat, docteur en droit de la faculté d’Aix-en-Provence. Sa thèse « Le financement public du cinéma dans l’Union européenne » est publiée à la LGDJIl a enseigné en France et à l’université internationale Senghor d’Alexandrie. Il est l’auteur de l’essai « Voir le pire. L’altérité dans l’œuvre de Bret Easton Ellis» et du roman « Les petites souris», publiés aux éditions Les Presses Littéraires en 2021.

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L’évolution en quelques années du poids de la supériorité morale n’est plus une affaire stricto américaine. L’idéologie marque une domination géographique ainsi que temporelle globale. À la dénonciation des discriminations présentes par le biais de campagnes de stigmatisation et de lynchage dans la presse et sur les réseaux sociaux, les « éveillés » de la décennie 2020 souhaitent également élargir ces moyens d’attaque en faveur d’une dénonciation des discriminations passées notamment dans les œuvres culturelles en raison du propos de celles-ci ou de la personnalité des auteurs. « Annuler » la culture c’est empêcher de faire sortir des œuvres qui contreviendraient avec l’idée que certains groupes se font du progrès, mais c’est donc aussi appeler au boycott et à la censure d’œuvres existantes sans faire preuve d’une altérité historique, c’est-à-dire avec le regard de l’Autre, celui qui nous a précédé dans un contexte historique et sociétal forcément différent.

(…)


Durant cette surenchère d’hystérie BEE signe un simple tweet le 26 juin 2020 dans lequel il écrit :

                        « La cancel culture concerne essentiellement les personnes stupides qui se sentent si mal dans leur peau qu’elles doivent s’exclamer : ’’Je dois interpeler quelqu’un de pire que moi, Je dois interpeler quelqu’un de pire que moi, Je dois interpeler quelqu’un de pire que moi, Je dois interpeler quelqu’un de pire que moi’’ ».

Le message est illustré avecune photographie en gros plan d’un bébé brayant, référence moqueuse à sa sortie polémique sur la génération de « chochottes » déjà évoquée, incapable d’être adulte et d’accepter que le monde ne puisse pas avoir uniquement l’image positive et prétendument progressive souhaitée. L’Autre peut penser, écrire, dire, chanter, s’exprimer d’une autre manière que celle voulue par l’idéologie dominante de supériorité morale. L’altérité culturelle conduit à avoir un regard personnel, esthétique, sentimental vis-à-vis d’une œuvre de l’esprit et qui peut ne pas être le même pour l’Autre.

La campagne contre « American Psycho » signe avant coureur de la Cancel culture a fait reconnaître à BEE dans « White » :

            « Le seul truc que j’ai retiré de tout ce drame : j’ai fini par comprendre que je n’étais vraiment pas bon pour reconnaître ce qui mettait en rogne ou pas les gens, parce que l’art ne m’a jamais offensé (...) je n’ai jamais été offensé parce que j’avais compris que toutes les œuvres d’art sont un produit de l’imagination humaine, créées comme tout le reste par des individus faillibles et imparfaits. Que ce soit la brutalité de Sade, l’antisémitisme de Céline, la misogynie de Mailer ou le goût pour les mineurs de Polanski, j’ai toujours été capable de séparer l’art de son créateur et de l’examiner, de l’apprécier (ou pas) sur le plan esthétique. »

On retrouve dans « White » beaucoup d‘éléments qu’avait pressenti Philippe Muray dans « L’Empire du Bien ». Publié en 1991 par Les Belles Lettres (réédité par Perrin), la même année qu’ « American Psycho », l’écrivain français y décrit l’essor de cette fausse altérité de la bienveillance consensuelle imposée à tous. La tyrannie du Bien s’impose contre tout esprit ironique, négatif ou tout simplement critique face à ce que les deux auteurs vilipendent comme « L’Entreprise » – le complexe d’industrie culturelle et médiatique mondialisé – et « L’Empire » c’est-à-dire le monde globalisé. Alors que BEE est soumis à une précoce campagne de Cancel culture, en France Philippe Muray écrit déjà en ce tout début des années 90 sur les excès de positivité de « Cordicopolis », cette nouvelle cité-monde du cœur. La nouvelle religion mondiale est colportée par des nouveaux pharisiens dégoulinants de bons sentiments censurant tout comportement ou œuvres n’allant pas dans le sens du Bien par leur « envie du pénal » :

                        « L’intéressant, c’est que le lynchage prend maintenant des masques progressistes. Rejetés par la porte, les vieux réflexes de haine et d’exclusion rentrent aussitôt par la fenêtre pour s’exercer contre de nouveaux boucs émissaires toujours plus incontestables ».

Au mitan de la décennie des années 2010 qu’il décrit dans « White », BEE ne peut que constater amèrement la réalisation de cette censure morale et idéologique prophétisée par Philippe Muray, notamment par le biais d’une Cancel culture généralisée : « si vous ne suivez pas les nouveaux règlements de l’entreprise, vous serez banni, exilé, effacé de l’histoire ». Les tenants de la supériorité morale crient haro sur leurs cibles données en pâture aux réseaux sociaux, avec des conséquences qui peuvent être terribles. Il en est ainsi pour Mike Adams, Professeur et polémiste américain après un tweet potache concernant le confinement dû à l’épidémie de la Covid dans lequel il écrivait : « Ne fermez pas les universités. Ou alors fermez les départements non essentiels comme les études féministes ». Le déferlement des messages haineux et le harcèlement subi conduiront à son suicide en juillet 2020.

Extrait du livre d'Olivier Amiel, "Voir le pire : L'altérité dans l'oeuvre de Bret Easton Ellis remède à l'épidémie de supériorité morale", publié aux éditions Les Presses Littéraires.

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