"Vivonne" de Jérôme Leroy : Leçons du passé pour éviter le chaos à venir. Une dystopie crédible<!-- --> | Atlantico.fr
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"Vivonne" de Jérôme Leroy a été publié aux éditions de La Table Ronde.
"Vivonne" de Jérôme Leroy a été publié aux éditions de La Table Ronde.
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"Vivonne" de Jérôme Leroy a été publié aux éditions de La Table Ronde.

Isabelle De Larocque Latour pour Culture-Tops

Isabelle De Larocque Latour pour Culture-Tops

Isabelle De Laroque Latour est chroniqueuse pour Culture-Tops. Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).  Culture-Tops a été créé en novembre 2013 par Jacques Paugam , journaliste et écrivain, et son fils, Gabriel Lecarpentier-Paugam, 23 ans, en Master d'école de commerce, et grand amateur de One Man Shows.

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"Vivonne" de Jérôme Leroy 

Editions La Table Ronde 
409 pages 
22 €

THÈME

Dans un futur très proche, le réchauffement climatique engendre ouragans et cyclones.

Le gouvernement populiste des Dingues, comme la plupart des dirigeants d’Europe, peine à endiguer l’effondrement qui commence, le chaos engendré par la « balkanisation climatique », l’affrontement des milices de tous bords et les cyberattaques qui menacent le Net.

L’éditeur Alexandre Garnier, bloqué dans ses bureaux par un typhon qui va faire 100 000 morts à Paris, contemple les cadavres entraînés par la boue dans la rue de l’Odéon et sent monter en lui un poignant malaise au souvenir de son ami d’enfance Adrien Vivonne, un poète qu’il a rechigné à éditer, bloqué par un sentiment de jalousie parfois proche la haine. Brutalement submergé par le remord, Garnier prend la décision de se racheter, de retrouver le poète disparu depuis huit ans et d’écrire sa biographie.

POINTS FORTS

-La construction de ce récit polyphonique qui « bénéficie de l’étrange fascination que produit tout roman centré autour d’un absent » comme le note Marguerite Yourcenar à propos d’une pièce de Mishima.

La personnalité de Vivonne se dégage, par récits interposés, des souvenirs de jeunesse de Garnier, de la nostalgie des femmes aimées et de l’étrange sérénité qu’apportent ses poèmes à des lecteurs de plus en plus nombreux.

Solaire, heureux, détaché de toutes contingences, d’une bienveillance qui relève en fait d’une indifférence courtoise à tout ce qui n’est pas sa poésie, l’homme est plus complexe qu’il n’y paraît.  Quant à son œuvre, Leroy a l’intelligence de n’en jamais livrer un seul vers, laissant au lecteur le soin de l’imaginer à partir d’une bibliographie assez cocasse et d’auteurs cités selon son cœur, les Baudelaire, Rimbaud, Verlaine, Laforgue et autres Follain, Cadou ou Norge.

-La crédibilité d’une dystopie qui est à peine une projection : les protagonistes, narrateur compris, rassemblent leurs souvenirs dès les années 1960 pour arriver presque naturellement, non pas à l’apathie que nous vivons actuellement, mais à un chaos tout aussi vraisemblable. La précision des détails accumulés sur ces vies passées et futures contribue à la véracité de l’ensemble.

- La très belle idée, assez nietzschéenne, que la vie renaît par l’art (" Il dit : "Comment ? était-ce là la vie ? Allons ! Recommençons encore une fois "! dans Ainsi parlait Zarathoustra") et que le véritable remède à l’apocalypse en cours se situe au cœur de la poésie qui permet de s’éclipser dans une autre dimension comme on pousse une porte au fond du jardin.

-Le style, parfaitement maîtrisé, s’adapte à chaque narrateur ; descriptif et désabusé chez Garnier, nostalgique et poétique chez Béatrice, haché et cru chez Chimène/Chimère.

-Des trouvailles jubilatoires, ne serait-ce que dans les dénominations des milices extrémistes qui font écho à notre époque : Nation celte, ZAD partout !, Groupes d’assaut antifascistes, Milices salafistes, Armée chouanne et catholique… sans parler des Apôtres de la Grande Panne qui s’occupent activement à provoquer le « stroke », soit l’infarctus de l’Internet.

-Des personnages complexes et attachants, y compris les rôles secondaires.

QUELQUES RÉSERVES

Ce roman, à l’humour souvent grinçant, persillé de traits cruels qui touchent juste, devient un peu factice quand il s’agit de « la Douceur ». A mon avis -mais ce n’est que mon avis- le prologue et l’épilogue, d’un tout autre ton, paraissent superflus dans la mesure où ils affadissent un récit choral bien construit dans lequel tout est dit.

ENCORE UN MOT...

Avec une culture encyclopédique mais jamais ostentatoire Leroy nous invite à tirer les leçons du passé pour éviter le chaos qui guette notre futur.

UNE PHRASE

“ Adrien était né avec la certitude d'univers infinis, superposés dans une théorie colorée, à la manière de ces jeux de cartes battus par des joueurs habiles qui les transforment en accordéons, des univers où tout a toujours lieu, où tout est toujours possible, où rien n'est jamais irréversible ; la certitude d'une démultiplication éternelle de notre monde, et cela lui donnait une joie que rien ne pouvait entamer, une joie qui infuse sa poésie, une joie qu'éprouvent aujourd'hui les lecteurs les plus inattendus et qui les aide à affronter la catastrophe. Voire à passer eux aussi de l'autre côté. ” (p.317/318)

L'AUTEUR

Né à Rouen de parents communistes comme son Adrien Vivonne, Jérôme Leroy fut professeur en collège, toujours comme lui, avant de se consacrer à la littérature. Auteur d’une trentaine d’ouvrages passant du roman noir à la poésie et de la science-fiction à la fiction politique, il se considère comme « un compagnon de route d’un communisme sans dogme » non sans garder une tendresse particulière pour les Hussards dont il a rejoint le prix littéraire en 2016. Il est également rédac-chef Culture du magazine Causeur, chez qui paraissent régulièrement ses chroniques dont la dernière reflète les contradictions récurrentes du créateur de Vivonne :

« Pour ma part, j’hésite à me réfugier dans une ZAD ou mieux, entrer dans un monastère, dominicain de préférence : je pourrais étudier tranquillement, en attendant la fin, ces beaux textes fondateurs du communisme que sont les Actes des Apôtres ou LaCité de Dieu de saint Augustin. Et à méditer sur ce que nous aurons raté alors que ce monde aurait pu être si beau. »

LE CLIN D'ŒIL D'UN LIBRAIRE

Librairie LE PASSAGE à Lyon. Les épidémies n’y passent pas, la culture si !

Passer le message, passer les idées, passer la culture, c’est-à-dire transmettre c’est le concept premier de cette librairie bien connue du cœur du Lyon historique. Mais cette institution de la capitale des Gaules c‘est aussi un passage très fréquenté du 2e arrondissement. Le PASSAGE est donc un lieu d’échanges privilégié qui a su résister à la pandémie grâce à une clientèle fidèle et qui n’a cessé de s’agrandir depuis 20 ans. Le clic et collect a permis d’éponger une partie de la chute des ventes (une partie seulement...) grâce au dévouement des 9 libraires de l’équipe.

« Les gens se sont habitués à commander ou à réserver les ouvrages. Avec 23 000 références surtout littérature et sciences humaines, on est centré sur littérature de création proposée par des éditeurs indépendants comme les Editions de Minuit ou P.O.L. On a toujours voulu défricher les nouvelles voies de la pensée… » confie Mathieu Baussart, co-directeur de cette librairie dans la force de l’âge (fondée il y a 20 ans !).

Bonnes lectures, nous repasserons vous voir dès l’ouverture des petits « bouchons », c’est écrit.

Librairie LE PASSAGE, 11 rue de Brest 62002 Lyon tel 04 72 56 34 84.

Texte et interviews réalisés par Rodolphe de Saint-Hilaire pour Culture-Tops.

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