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"Plus fragile que de la vaisselle en faïence" : les confidences d'un homme touché par la maladie des "os de verre"
©Wikipédia commons

Bonnes feuilles

Dès sa naissance, on découvre que Stéphane Froger est atteint de la "maladie des os de verre". Dans son ouvrage "En mille morceaux" (ed. City), il raconte sa quête d'indépendance pour apprendre à se déplacer seul, trouver un travail ou vivre dans son propre appartement. 1/2

Stéphane Froger

Stéphane Froger

Stéphane Froger est né avec la maladie des os de verre, un syndrome qui a gravement affecté sa croissance. Après avoir frôlé la mort à plusieurs reprises et connu de longs séjours à l'hôpital, il a réussi, avec l'aide de ses proches, à conquérir son indépendance.

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Comme dans la plupart des cas où je me suis fracturé un os, la circonstance à l’origine de l’accident était parfaitement banale, dénuée de tout risque pour quelqu’un de normal. J’étais assis dans la voiture de mes parents, et des enfants du voisinage, qui étaient également mes camarades de jeu quand j’étais dans la cour, se proposèrent de me transporter depuis le véhicule jusque dans mon fauteuil. Il y avait une distance d’un ou deux mètres à franchir, pas plus, et moi, j’étais ravi qu’ils veuillent ainsi me rendre service. La manœuvre commença. La fille qui me tenait du côté gauche me chatouillait sans le vouloir et je partis d’un fou rire qui se propagea bientôt au reste du groupe. Je me mis à gigoter et finalement, le malheureux convoi se désorganisa suffisamment pour que je me retrouve déséquilibré, appuyé de tout mon poids sur mon bras gauche. Je l’entendis  distinctement craquer, comme tous les autres enfants d’ailleurs, et lorsqu’ils me posèrent enfin sur mon fauteuil, ils virent à quel point la fracture avait déformé mon bras, avec les pointes des os qui dépassaient sous la peau. La fille qui était à l’origine de cette mésaventure était toute blanche. Je me rappelle qu’elle ne cessait pas de s’excuser et que tout le monde, ses amis, mes parents et moi, n’arrêtait pas de lui dire que ce n’était pas sa faute. Elle n’est finalement pas restée à Saint-Chéron, je crois que sa famille a déménagé peu après l’incident, et j’ai peur qu’elle soit restée traumatisée par sa responsabilité dans cet incident – si elle me lit aujourd’hui, je lui garantis qu’elle peut se tranquilliser à ce sujet. Mais j’étais quand même bon pour une nouvelle visite à l’hôpital.

C’est le même médecin qui m’avait amené à porter le corset, un chirurgien pédiatrique, qui supervisa le traitement de mon bras. Dans l’ensemble, en dehors de ces circonstances dont je parle, je n’ai pas eu à me plaindre de son travail. Pourtant, en cette occasion précise, je pense qu’il aurait pu demander un deuxième avis ; admettre qu’il n’était pas vraiment un spécialiste du mal qui me touchait – après tout, nous ne sommes pas si nombreux à en souffrir.

Lorsqu’il vint me voir à l’hôpital, il regarda mon bras, l’os qui dépassait sous ma peau, considérant les choses avec calme. Je me rappelle encore ses mots, son ton :

— Je ne pense pas que nous allons opérer.

Ma mère lui demanda pourquoi : vu que la stratégie de poser des broches pour renforcer mes os avait l’air de parfaitement fonctionner, pourquoi ne pas agir de même concernant mes membres supérieurs ?

Et sa réponse claqua, définitive :

— Parce qu’il ne marche pas sur ses bras.

Voilà, pour lui, le problème était réglé : il suffisait de plâtrer, et les os se souderaient tout seuls. Nous n’en revenions pas, mais il avait le pouvoir de décision. C’est donc lui qui a tranché, et sans hésitation. Certes, l’os a fini par se ressouder comme il l’avait prévu, mais je suis resté avec un cal osseux que je pouvais sentir sous mes doigts quand je les passais sur mon bras. Et ce cal osseux n’était ni plus ni moins qu’une fragilité permanente. Je le sais parce que ce bras s’est cassé à nouveau non pas une mais deux fois dans les mois qui ont suivi – et chaque fois pour des motifs plus absurdes. Rendez-vous compte : la première fois que je me le cassais à nouveau, c’était tout simplement parce que la voiture dans laquelle je me trouvais avait passé un dos-d’âne un peu vite. Vous vous imaginez ça ? J’étais plus fragile que de la vaisselle en faïence. La seconde fois, c’était parce qu’on m’avait transféré sur mon fauteuil un tout petit peu trop vite : mon bras avait cédé dans le mouvement, sans opposer la moindre résistance. J’avais l’impression que mon corps n’était plus « de verre » mais de sucre tellement il était fragile.

Extrait de "En mille morceaux" de Stéphane Froger, publié aux éditions City.

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