"Les sœurs Song - Trois femmes au pouvoir dans la Chine du 20ème siècle" de Jung Chang : leurs incroyables destins éclairent aussi notre connaissance de la Chine actuelle<!-- --> | Atlantico.fr
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Jung Chang a publié "Les sœurs Song - Trois femmes au pouvoir dans la Chine du 20ème siècle" aux éditions Payot-Rivages.
Jung Chang a publié "Les sœurs Song - Trois femmes au pouvoir dans la Chine du 20ème siècle" aux éditions Payot-Rivages.
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Jung Chang a publié "Les sœurs Song - Trois femmes au pouvoir dans la Chine du 20ème siècle" aux éditions Payot-Rivages.

Françoise Thibaut pour Culture-Tops

Françoise Thibaut pour Culture-Tops

Françoise Thibaut est chroniqueuse pour le site Culture-Tops.
 
Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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"Les sœurs Song - Trois femmes au pouvoir dans la Chine du 20ème siècle" de Jung Chang

Payot-Rivages - 410 pages - 24, 90 €

Recommandation

Bon

Thème

Song Charlie, né en 1861 ayant quitté son village, émigré à 17 ans aux Etats-Unis grâce à un oncle qui y avait prospéré, fut le premier Chinois du Sud à se convertir au méthodisme. Il regagna ensuite la Chine comme prédicateur, fit des affaires et devint très riche. Il eut 6 enfants : 3 garçons, et surtout 3 filles, tous brillants, éduqués aux Etats-Unis et dans la religion chrétienne. Ses 3 filles, Ailing, Qingling et Mailing furent respectivement, épouse de Sun Yat-Sen, un des créateurs de la République chinoise,  Vice-présidente du système communiste de Mao, épouse de Chiang Kai Shek, premier chef d'État de Taïwan.

Points forts

En fait, on a deux livres en un :

D’une part (objet principal de la première partie) l’histoire de la Chine pendant tout le XXème siècle tellement mouvementée et tragique, depuis la chute de l’Empire Mandchou, les dernières années de l’Impératrice Cixi, puis la révolte républicaine, avec les différents leaders, les liens avec les Etats-Unis, le Japon (alliés de la révolte). On a aussi les voyous, les assassins, les mafias de Shanghaï et Macao, le rôle plutôt étrange de Sun Yat-Sen qui attendit ses 46 ans pour prendre des risques. Puis les scissions, l’émergence du communisme, à la faveur de la seconde guerre mondiale, et du mouvement de Mao, les ruptures et divisions internes aboutissant à 2 Chines opposées.

D’autre part, l’incroyable destin des 3 sœurs Song :  Ailing (Age aimable) née en 1889, épouse de H.H. Kung, la seule à avoir engendré une descendance, Qingling (Age glorieux) épouse puis veuve de Sun Yat-Sen jusqu’à sa mort en 1925, devenue Soeur Rouge aux côtés de Mao. Mailing (Age Superbe) née en 1898, la plus jolie, épouse de Chiang Kai Shek,  Première dame de Taiwan aux côtés de son mari en 1949, morte à New York dans son appartement de Manhattan, à l'âge de 105 ans. Les 3 fils : les 3 T.T.T. (diplomés US, banquiers) respectivement nés en 1894, 99 et 1906, ont des vies plus simples, surtout américaines, nimbées de dollars.

La Cinquième et dernière partie couvrant les années 1949 à 2003 est assez sidérante.

Autrement dit, ce que la Chine devint au début du siècle passé,  et ce qu’elle est actuellement, est  en grande partie dû aux méthodistes d’Hawaï et du Sud des Etats Unis, ainsi qu’au système d’éducation et de réussite nord américain.

La fresque déployée pour les Soeurs Song a le mérite de la clarté, de la simplicité, de la mise en évidence d’une histoire imprévisible, essentiellement concoctée au sud, la partie la plus occidentalisée de la Chine, à Shanghai, Canton et Macao, avec l’aide japonaise et américaine, des financements européens variés, au gré de l’histoire mondiale. C’est captivant et très bien fait. Une iconographie abondante et bien choisie donne corps et visages aux différents protagonistes.

Points faibles

Evidemment, c’est très chinois. Certaines manies d’éliminer ceux qui gênent, l’obsession financière peuvent paraître choquantes. S’intéresser à la Chine n’est pas forcément l’aimer. Ce livre aide à comprendre le présent. Même pour un béotien, cette lecture est très abordable, voire amusante, car il y a quelques traits d’humour et des “vachardises” assez plaisantes. Notamment vis à vis de Sun qui était plutôt un sale type, parasite et cynique.

L’éducation chrétienne très stricte que reçurent les 3 sœurs fut déterminante dans leur réussite, leurs choix très maitrisés, la capacité à s’adapter à tout et n’importe quoi (Dieu le veut). Le rôle de l’argent est également  important : être riche et prospère est l’objectif primordial de tout Chinois.

Elles prirent souvent des risques énormes, durent fuir, se cacher, émigrer, s’exiler.  Soeur Rouge reste une énigme, passée de la bonté à la cruauté avec une lucidité inquiétante. Quant à Mailing considérée comme « l’esprit le plus fin de son époque » , elle impressionna vivement Winston Churchill lors de la Conférence du Caire en 1943, où Chiang, devenu allié des Alliés, avait été convié.

En deux mots ...

Enfin bref, tout cela est étonnant, intrigue, et met en lumière une grande partie de ce que nous sommes devenus. On est aussi épaté par l’incroyable mobilité de tous ces gens, arpentant sans arrêt continents et océans avec tant de facilité, ainsi que par la fluidité des financements qu’ils soient privés ou publics. Le destin même de l’Ile de Taïwan (ex Formose) prend un éclairage lumineux.

Un extrait

C’était la première fois que Sun vivait avec sa famille depuis le soulèvement de Canton en 1895. A la veille de cette dangereuse entreprise, il n’avait pris aucune disposition pour ses proches – son épouse Muzhen, sa mère à lui, son  fils Fo qui avait 4 ans et leur fille Yan de moins d’un an. Il les a laissés se débrouiller seuls et avait fui Canton...Son ami Luke Chan se chargea d’aider les familles de Sun et de son frère Ah Mi à Macao…Quand Sun lui même arriva en 1912, il ne se préoccupa guère du bien-être de sa famille...au bout de 6 mois, il repartit …p. 87

Avant que Hong Kong ne tombe aux mains des Japonais en 1941, cette colonie britannique était la destination de choix de ceux qui ne voulaient pas rester en Chine et avaient les moyens de la quitter. Qingling, qui n’appréciait pas du tout Chongqing la capitale de guerre de Chiang Kai Shek, s’y installa après son départ de Shanghaï. La décision de Madame Sun de rechercher sécurité et confort hors de son pays au moment même où il menait une guerre brutale fut accueillie avec étonnement….Mais Quingling était parfaitement en paix avec elle- même, son aversion pour le généralissime ne s’était pas atténuée avec les années… A Hong Kong elle s’engagea dans son propre travail de secours de guerre . Elle créa une Ligue de défense de la Chine chargée de faire de la propagande pour les communistes et de lever des fonds à leur profit …p. 277

L'auteur

Madame Jung Chang, née en 1952,  émigrée à Londres, est la première Chinoise à avoir reçu le titre de docteur d’une Université britannique. Historienne, elle a une maîtrise parfaite de l’histoire moderne de la Chine, est l’auteur très connu d’un remarquable l’ Impératrice Cixi  (Lattès) et de Mémoires (les cygnes sauvages - Plon) traduits dans plusieurs langues ainsi qu’un Mao, histoire inconnue (Gallimard).

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