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"Le nouveau monde" : dans la tradition des grandes figures intellectuelles françaises
©Bouffesdunord.com

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Son dernier livre en témoigne encore: Marcel Gauchet n'est pas le plus connu des intellectuels français d'aujourd'hui mais ça ne l'empêche pas d'être l'un des plus originaux et les plus créatifs.

Yann Kerlau pour Culture-Tops

Yann Kerlau pour Culture-Tops

Yann Kerlau est chroniqueur pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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LIVRE
Le Nouveau Monde 
de Marcel Gauchet
Ed. Gallimard
L’AUTEUR 
Philosophe et historien, directeur d’études émérite à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, chevalier de la légion d’honneur, rédacteur en chef de la revue Le débat créée en mai 1980 par l’historien Pierre Nora, Marcel Gauchet a toujours été au centre de joutes avec des contradicteurs que ses prises de position choquaient ou rejetaient. 
Il est l’auteur de trente-deux livres. Parmi les plus célèbres : le désenchantement du monde (1985, Gallimard), La révolution des droits de l’homme (1989, Gallimard), La révolution des pouvoirs (1995, Gallimard), La religion dans la démocratie (1998) couronné par le prix Eve-Delacroix. 
Sous le titre L’avènement de la démocratie, Marcel Gauchet a publié trois ouvrages édités par Gallimard en 2007 et 2010. Le quatrième tome de cette série s’intitule Le Nouveau Monde.
Considéré par les uns comme un conservateur radical, par d’autres comme un néo-réactionnaire, Marcel Gauchet ne laisse personne indifférent. 
On retrouve dans Le Nouveau Monde une hauteur de vue peu commune s’alliant à une profondeur d’analyse des sujets traités qui font de Marcel Gauchet un observateur hors du commun du monde qui est le nôtre.
THEME
Derrière l’éclipse irrémédiable de la religion, comment l’Europe qui fut catholique, monarchiste, coloniale, révolutionnaire, communiste, libertaire, socialiste, littéraire, sortira-t-elle d’un cycle qui semble l’écarter sans retour du rôle majeur qui a été le sien durant des siècles ?
Une analyse ancrée dans l’Histoire avec en arrière-plan l’Amérique du Nord, la Russie, l’Asie, le Moyen-Orient comme autant de bastions qui mettent l’Europe au défi de se ressaisir pour reprendre la place qui fut la sienne.
POINTS FORTS :
Au milieu des clameurs et du vacarme du quotidien, il y a quelque chose de bienfaisant dans cette passionnante réflexion sur l’état du monde occidental et plus particulièrement sur celui de l’Europe. 
Aux yeux des grandes puissances, l'Europe serait aujourd’hui un continent vieillissant enfermé dans la prison mentale de certitudes révolues et d’enjeux manqués dont elle n’aurait pris la mesure que trop tard. 
Lire Marcel Gauchet, c’est grimper le long d’une immense paroi rocheuse où chaque pas compte et chaque avancée se mérite. Loin de se borner à une analyse éblouissante d’érudition des causes du désenchantement européen qu’il annonçait déjà en 1985, l’auteur du Nouveau Monde emprunte une voie que l’on n’attendait pas. Sous sa plume, l’Europe cesse d’être ce grand blessé sous perfusion précaire pour devenir le seul continent où les peuples ont réussi à la fois à vaincre la guerre, et à instaurer la démocratie tout en se libérant du carcan des religions. Quelles qu’elles soient ou aient été, elles ont cédé le pas devant la victoire de l’homme sur ce qui, selon Marcel Gauchet, l’infantilisait ou à tout le moins faisait de lui l’esclave de l’irrationnel. Désormais, le temps sacral est obsolète sur le sol européen.     Cette nouvelle donne place désormais l’Europe à la proue des nations les plus avancées de la planète : celles où la démocratie triomphe et où la théologie n’est plus qu’une affaire de conscience personnelle, sans aucun lien avec la politique ou l’Etat-nation. 
Une avance intellectuelle, libertaire, doctrinale que l’Europe paie cher car, en dehors de l’Allemagne, elle n’est pas assortie d’une réussite économique à la hauteur de celle des grandes puissances mondiales.
Force est d’ajouter qu’en dépit d’une gigantesque bureaucratie et d’une cascade de traités et d’institutions européennes, elle n’a toujours pas enfanté une identité européenne qui a le plus grand mal à trouver sa place dans l’esprit des cinq cents millions d’individus qui la composent.
Non accessoirement, merci à l’auteur d’avoir placé à la fin de chaque chapitre l’écrasante bibliographie qui s’y rapporte et qui permettra aux chercheurs comme aux lecteurs d’y plonger sans modération.
POINTS FAIBLES
Il faut du temps, beaucoup de temps pour lire cet ouvrage et une attention extrême si l’on veut n’en rien manquer. Avec Marcel Gauchet, on est toujours aux antipodes d’une quelconque notion de vitesse de lecture. Est-elle compatible avec le mode de fonctionnement du lecteur d’aujourd’hui ? Il faut ardemment l’espérer.
EN DEUX MOTS
Pour tout savoir sur notre continent, le comprendre avec autant de recul que de mesure face à un monde – le nôtre - en train de changer radicalement. Si, d’aventure, Gallimard réunissait en un seul volume les quatre tomes de L’avènement de la démocratie, il constituerait un magnifique belvédère sur l’histoire de notre pays, celle de l’Europe et du monde occidental. 
Où sera l’Europe dans vingt ou trente ans ? Nul ne le sait aujourd’hui mais ce qui demeure de cette lecture du Nouveau monde, c’est l’irremplaçable plaisir de voir L’insaisissable Monsieur Gauchet comme le nomme Libération (23 mars 2016) aller son chemin quels qu’en soient les risques. En auteur habitué à être pris pour cible que ce soit par la droite ou la gauche, il ne devrait pas être fâché de voir ses détracteurs de tout poil sortir de l’ombre pour croiser une nouvelle fois le fer avec lui.
UN  EXTRAIT
Pas très facile dans ces quelques sept cents pages (et un peu plus) d’en sélectionner, ne serait-ce que trois :
- Alors que nos ancêtres scrutaient anxieusement les entrailles de leur société, interrogeaient fièvreusement les signes du futur, se passionnaient pour la transformation de leur monde, nous végétons dans un présent sans questions ni ouvertures …nous sommes enfermés hypnotiquement dans une zone éclairée réduite à l’individu, à ses droits et à l’interminable dispute sur ce qui lui est permis et ce qui lui est dû. Le reste se perd dans la pénombre.
- La bataille séculière entre les prétentions politiques de la religion et les prétentions métaphysiques de la politique a pris fin, sur le sol européen, faute de combattants … le vide qu’elle a creusé a fait perdre aux européens le fil de leur histoire. Sans qu’ils s’en rendent compte, c’est la table d’orientation sur laquelle ils se guidaient depuis deux siècles qui leur a été retirée.
-Une société a besoin de se signifier dans ce qu’elle fait pour exister. C’est de cela que nous sommes en quête…Mais, il y a plus profond derrière cette inquiétude quant à la solidité de l’édifice collectif. Il y a la prescience confuse chez les acteurs d’habiter une société dépourvue de prise directe sur ce qui la constitue véritablement, une société qui s’échappe à elle-même en dépit de ses gigantesques moyens pratiques de se saisir et de se changer, une société à laquelle le secret de son propre établissement se dérobe. D’où la sourde impression de vulnérabilité qui ne se relâche pas au milieu du renforcement des outils de la puissance.
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