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"Gamelin : La tragédie de l'ambition" : un ouvrage historique passionnant
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Une excellente étude de l’environnement politique et militaire de ce général à la personnalité complexe, largement responsable du désastre de 40…

Jean-Pierre Tirouflet pour Culture-Tops

Jean-Pierre Tirouflet pour Culture-Tops

Jean-Pierre Tirouflet est chroniqueur pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

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THÈME

Souvent les anti-héros constituent des sujets de choix pour les biographes ; mais il leur faut un côté wagnérien, quelque chose qui arrête le regard. Rien de tel chez le général Gamelin ; rien, au surplus qui le rappelle à la mémoire des jeunes générations. Et pourtant, c’est le choix de Max Schiavon que de consacrer près de 400 pages à celui qui, généralissime, commandant en chef des armées françaises en 1939, porte une large responsabilité dans le défaite de juin 1940 et les quatre années d’occupation allemande subséquentes.

On parle d’énigme Gamelin : comment cet officier général, fort en thème, considéré comme l’officier le plus intelligent de l‘armée française, a-t-il pu accumuler les erreurs tant dans la préparation que dans la conduite de la guerre ? C’est la question que résout brillamment Max Schiavon dans un ouvrage qui traite non seulement d’histoire militaire mais de bien d’autres aspects de la société française de l’époque, politiques, administratifs… et qui n’est pas sans rappeler l’Etrange Défaite de Marc Bloch.

POINTS FORTS

D’abord il y a le portrait psychologique du personnage. Officier d’Etat Major, proche collaborateur de Joffre en 1914, convaincu de sa supériorité intellectuelle, Gamelin est avant tout un politique dont la carrière progresse au rythme de ses connivences, notamment avec le parti radical (Sarraut, Daladier…). Aussi est-il plus adepte du compromis que de la prise de décision. A cela s’ajoute une doctrine militaire obsolète, celle de 1914, qu’il ne remet jamais en question. Et puis l’âge, l’arrondissement du corps, l’enraidissement du cerveau, l’aboulie qui en résulte…

L’interaction du politique et du militaire est finement analysée par notre auteur. Pour devenir patron de l’armée, et pour se maintenir au sommet de la hiérarchie militaire, Gamelin a besoin du soutien des politiques. Considéré comme un officier républicain dans un monde qui, encore, se méfie de l’armée, il doit multiplier les marques d’allégeance, pratiquer l’autocensure, voire prendre des libertés avec la vérité. Dès lors la boussole est faussée : ni lui, ni le gouvernement n’ont une juste perception de la réalité. Plus grave, en mai 1940, alors que son incompétence éclate, Daladier le soutiendra jusqu’à l’absurde, car son avenir politique en dépend.Quant à Reynaud dont la majorité parlementaire est très frêle, il ne peut se passer du soutien du parti radical et donc contredire Daladier. S’accrochant l’un à l’autre, le ministre et le général entraînent la France dans le naufrage.

Enfin le tableau que brosse Schiavon de l’impéritie du gouvernement et de l’administration est cruel : une organisation paralysante, une logistique déliquescente, une floraison de normes kafkaïenne –déjà !- et surtout une absence de bon sens à tous les étages. Un tel contexte est évidemment de nature à sublimer les erreurs stratégiques du haut commandement.

QUELQUES RÉSERVES

Malgré le caractère vivant, concret du récit, bourré d’anecdotes significatives, le lecteur pourrait considérer que l’ouvrage est un peu long, un peu technique, et que le personnage manque trop d’épaisseur pour justifier 400 pages.

ENCORE UN MOT...

Passionnant à tous égards, l’opus de Max Schiavon met en lumière des traits de la société française qui ne sont pas sans échos aujourd’hui.

UNE PHRASE

p.314 après le limogeage de Gamelin, le 20 mai 1940 :« Les deux hommes sortent de la casemate. Les officiers du PC sont alignés dans la cour pour saluer le chef malheureux, espérant un mot d’adieu. Mais celui-ci rejoint sa voiture « sans avoir donné à personne sa main molle à serrer ni adressé la moindre parole à ses collaborateurs ». Tout juste lance-t-il à Weygand de façon à être entendu par tous : « En somme je ne vous laisse pas une si mauvaise situation », constat erroné s’il en est. »

L'AUTEUR

Max Schiavon, docteur en histoire, a dirigé le Service Historique de la Défense. Spécialiste des élites militaires contemporaines et de l’Histoire militaire, il a publié une quinzaine d’ouvrages sur la guerre du Rif, le front d’Orient, Mussolini, Weygand …

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