Unie, alliée ou en ordre dispersé : sous quelle configuration la droite s’est-elle montrée électoralement la plus efficace sous la Vème République ?<!-- --> | Atlantico.fr
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En 1965, il y avait face à Charles de Gaulle un candidat du centre (Jean Lecanuet) et un candidat unique de la gauche (François Mitterrand).Il fut mis en ballotage au 1er tour, ce qui fut considéré par certains comme un quasi crime de lèse-majesté.
En 1965, il y avait face à Charles de Gaulle un candidat du centre (Jean Lecanuet) et un candidat unique de la gauche (François Mitterrand).Il fut mis en ballotage au 1er tour, ce qui fut considéré par certains comme un quasi crime de lèse-majesté.
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Alors que la droite s'apprête à entrer dans la dernière ligne droite de sa grande primaire, ce n'est pas la première fois qu'elle se trouve obligée de réfléchir à la meilleure manière de se mettre en ordre de bataille en vue de la prochaine élection présidentielle. Retour sur les formules qui ont fait son succès depuis 1958.

Xavier Chinaud

Xavier Chinaud

Xavier Chinaud est ancien Délégué Général de démocratie Libérale et ex-conseiller pour les études politiques à Matignon de Jean-Pierre Raffarin.

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Atlantico : Que ce soit De Gaulle en 1965 ou Pompidou en 1969, la droite l’a emporté avec respectivement 55,20% et 58,21% des voix au second tour. Ces victoires tenaient-elles à un travail d’unification des droites, ou simplement à l’absence d’opposition en face ?

Xavier Chinaud : Aucune élection présidentielle n’est simple et chacune diffèrent quant à la situation dans chaque camp.

En 1965, il y avait face à Charles de Gaulle un candidat du centre (Jean Lecanuet) et un candidat unique de la gauche (François Mitterrand). Le Général fut mis en ballotage au 1er tour, ce qui fut considéré par certains comme un quasi crime de lèse-majesté.

En 1969, la démission post-référendum du Général de Gaulle créa un contexte très particulier : Georges Pompidou eut face à lui un candidat du centre (Alain Poher),  un communiste (Jacques Duclos) et deux socialistes (Gaston Defferre pour la SFIO et Michel Rocard pour le PSU).

Ces élections n’étaient donc pas celles de l’unification des droites, où coexistaient séparément les gaullistes, les Républicains Indépendants, les centristes et les radicaux, mais celles d’une époque de responsabilité et de hauteur de vue. Valéry Giscard d’Estaing eut la sagesse à l’époque de ne pas être candidat, considérant que les circonstances du départ du Général avaient "traumatisé" l’électorat. 1974 lui donnera raison mais les temps ont changé depuis.

Quant à l’opposition de gauche, elle était faible, entre des socialistes encore désunis et un PC encore très fort (Duclos passa les 21% en 1969).

Qu’en est-il de la victoire de Valéry Giscard d’Estaing en 1974 ? Malgré sa victoire au second tour avec 1,62 point d’avance, il était devancé de loin par Mitterrand au premier tour (43,25% contre 32,60%). Dans quelle mesure cette victoire "dans la douleur" était-elle la manifestation d’un manque d’efficacité de la droite au niveau électoral ?

En 1974, VGE fut le candidat "du changement dans la continuité" face, au 1er tour, à Jacques Chaban-Delmas défendant "la nouvelle société".

Les gaullistes étaient divisés et si Chaban était le candidat de l’UDR (ancêtre du RPR), une fronde interne menée par Jacques Chirac (et les pompidoliens Marie-France Garaud et Pierre Juillet), après avoir tenté de susciter une autre candidature "gaulliste", déboucha sur "l’appel des 43" en faveur de VGE et  beaucoup de "coups bas".

A gauche, Mitterrand, après avoir unifié les socialistes au congrès d’Epinay en 1971, s’était imposé comme candidat unique de la gauche après avoir signé le Programme commun avec les communistes.

Parler de manque d’efficacité électorale me semble non juste si l’on considère que le cumul des voix VGE/Chaban du 1er tour passait les 47%, donc supérieur à Mitterrand. De plus, VGE sut rassembler au second tour et l’emporta.

1974 marque donc à droite le début des calculs et des fractures durables… et l’unité trouvée de la gauche.


1995 marque la victoire de la droite alors que le RPR était divisé entre Chirac et Balladur au premier tour, et 2002 également avec le RPR, mais plutôt grâce à la percée du FN. Au regard de ces deux victoires chaotiques, peut-on dire que le RPR, associé à l’UDF, était vraiment une bonne machine électorale ? Pourquoi ?

Là encore, le contexte de 1995 était particulier, après 14 ans de présidence socialiste, les "affaires" et la non-candidature de Jacques Delors. Ce fut d’ailleurs la prmière primaire socialiste aux présidentielles, qui départagea Henri Emmanuelli et Lionel Jospin au profit de ce dernier.

A droite, la violence de la campagne entre chiraquiens et balladuriens a laissé des traces… et  il n’y avait pas de candidat UDF bien que la majorité de celle-ci fut derrière Edouard Balladur.

Quant à Jean-Marie Le Pen, il atteignait les 15%.

2002 se fit dans une configuration différente à droite, puisque Jacques Chirac, président sortant, était soutenu par le RPR et les microcomposantes de feu l’UDF, tandis que se présentaient au 1er tour François Bayrou et Alain Madelin, qui en étaient issus.

L’alliance RPR-UDF en 1995 se fit dans un contexte trouble, quant à 2002, le second tour Chirac-Le Pen et l’élimination de Lionel Jospin assura au Président sortant une élection large, sans alliance politique et malheureusement pour sa majorité sans réconciliation.

Le terme de machine électorale depuis Giscard ne me semble pas applicable à l’UDF… mais au seul RPR, avec les bons et les mauvais aspects du terme ; cependant l’union entre les familles de la droite et du centre droit était la condition des succès électoraux.

Dans quel ordre de bataille la droite se trouvait-elle lorsqu’elle a remporté les législatives de 1986 et de 1993, conduisant  à deux cohabitations ?

1986 fut la seule élection législative de la Vème République à la proportionnelle intégrale, dans certains départements RPR et UDF firent listes communes, dans d’autres ils allèrent séparément, chacune des deux formations avait son groupe parlementaire à l’Assemblée nationale et leur alliance les rendaient majoritaires. Avec un peu moins de 10%, le FN entrait, lui, au Parlement.

En 1993, l’élection se déroulait au scrutin uninominal avec quasi-partout des candidats communs à droite, ce fut un "raz-de-marée", la chambre des députés la plus "bleue" du siècle, le PS ne faisant élire qu’une cinquantaine de députés.

Donc deux scrutins différents, des alliances différentes, mais alliance tout de même.

Et en 1997, lorsque les socialistes ont accédé au gouvernement, comment la droite était-elle organisée ?

1997 fut une élection particulière et une défaite pour la droite en ce sens qu’elle était la conséquence d’une dissolution incomprise par son électorat. Des grèves très dures avaient marqué le gouvernement Juppé et l’échec qui s’en suivit conduisit à son départ de la tête du RPR (comme celui de François Léotard de celle du Parti Républicain avant qu’un an plus tard l’UDF n'implose).

En 2007, Nicolas Sarkozy l’emporte avec 53,06 % des voix, après avoir également marqué une nette avance au 1er tour (31,18 % contre 25,87 % pour Ségolène Royal). Faut-il en déduire que l’UMP de 2007, soutenue par le Parti radical, était la meilleure machine à gagner que la droite n’avait pas eue depuis longtemps ? Quel était le secret de cette mise en ordre de bataille ?

2007 avait son contexte : à droite, sous l’impulsion de Jacques Chirac et Jérôme Monod s’était constituée l’UMP, rassemblement du RPR, de Démocratie Libérale (ex-Parti Républicain) et d’un certain nombre de centristes qui avaient quitté François Bayrou. 12 ans de présidence Chirac, la logique du quinquennat, la prise de l’UMP par Nicolas Sarkozy en 2004 (qui à l’époque comptait en son sein le parti Radical) : autant d’éléments que le candidat victorieux a su mettre avec succès au service de son ambition. Le résultat eut-il été différent si l’UMP n’avait existé, mais qu’avaient subsisté deux grandes formations à droite ? Je ne le pense pas. Le score de François Bayrou au-dessus de 18 % illustrait déjà la relativité du "rassemblement de la droite et du centre" que voulait être l’UMP.

En 2012, on constate un éclatement des formations politiques soutenant Nicolas Sarkozy : UMP, le Nouveau Centre, le Parti chrétien-démocrate, le Parti radical, La Gauche moderne, Les Progressistes, Le Chêne, Convention démocrate et Chasse, pêche nature et traditions. L’échec de Nicolas Sarkozy peut-il s’expliquer au moins en partie par le fait que la droite française s’accoutume mal de la pluralité ?

La création même de l’UMP en 2002 reposait sur l’impulsion donnée par le président de la République d’alors ; tenter de rassembler autant de sensibilités distinctes, sans les faire vivre en interne ne se pouvait que sous l’aile d’un Président en exercice. Le concept de parti unique ne repose que sur l’ambition de conquête du pouvoir, pas sur la cohérence de sa pensée et de son discours. Les différences de fond qui distinguaient le RPR et l’UDF, sur l’Europe, la décentralisation ou même sur l’exercice du pouvoir n’ont pas disparu même si les structures partisanes ont changé. Il n’y a pas une seule droite, il y a un centre-droit puis il y a une extrême-droite, autant de réalités niées trop longtemps et qui n’ont pas encore fait l’objet d’une clarification des acteurs concernés ; le pluralisme n’empêche pas les alliances gagnantes de second tour comme l’ont illustré toutes les élections évoquées précédemment ; la marche forcée, si…

Aujourd’hui, les reports de voix sont-ils toujours les mêmes ? Les alliances avec le Centre, notamment, relèvent-elles toujours de la même logique ? Les électeurs UDI et Modem sont-ils comparables aux anciens électeurs UDF, et font-ils tous partie de ce que l’on peut appeler "la droite" ?

L’UDF en tant que parti est morte, mais existe toujours dans l’électorat une sensibilité de modérés, proches de la sensibilité libérale sociale européenne. Or, aujourd’hui s’opposent les centristes entre eux, et les "droitiers" entre eux, les vrais comme les faux centristes de l’UDI, les vrais droitiers comme les modérés au sein de l’UMP. Difficile dans ce contexte d’analyser un hypothétique scénario de report de voix. Deux logiques s’affrontent : celle qui pense que la structure partisane doit obéir à la nécessité électorale, et celle qui pense que la pensée politique doit dicter l’organisation partisane. Il faut sans doute un peu des deux, mais dans un dosage qui semble aujourd’hui hors de portée de l’opposition. Nous sommes à un tournant politique, tant le système tourne dans le vide et la défiance des électeurs. Les logiques anciennes volent en éclat, dans la majorité comme dans l’opposition, et il est sans doute illusoire de penser qu’il suffirait d’additionner les voix d’hier pour faire les majorités de demain.

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