Une défaite de l’Ukraine face à la Russie aurait un impact majeur pour l’Europe et voilà pourquoi <!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky, lors d'une conférence de presse à l'Élysée à Paris, le 16 février 2024, après la signature d'un accord de sécurité bilatéral.
Emmanuel Macron avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky, lors d'une conférence de presse à l'Élysée à Paris, le 16 février 2024, après la signature d'un accord de sécurité bilatéral.
©Thibault Camus / POOL / AFP

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Emmanuel Macron a souligné qu’il n’était pas question de laisser la Russie gagner cette guerre. Car il se joue bien plus que l’avenir des Ukrainiens dans la guerre ouverte par l’invasion russe de 2022.

Viatcheslav  Avioutskii

Viatcheslav Avioutskii

Viatcheslav Avioutskii est spécialiste des relations internationales et de la stratégie des affaires internationales.

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Atlantico : Quelle serait la principale conséquence en Europe si l’Ukraine ne remportait pas la guerre contre la Russie ?

Viatcheslav Avioutskii : Aujourd’hui nous sommes confrontés à un conflit géopolitique entre la Russie, qui est une puissance eurasienne, et l’Europe, qui représente une partie importante de l’Occident. Si jamais ce conflit se termine par une défaite de l’Occident, cela va confirmer la fameuse thèse sur le déclin de l'Occident dans le nouvel ordre mondial, qui est de plus en plus populaire parmi les régimes autoritaires. L’Europe risque de perdre en crédibilité dans le modèle occidental ou même dans le domaine démocratique.

Avant d’évoquer une potentielle défaite de l’Ukraine, il faut parler des relations transatlantiques qui poussent l’Europe à s’occuper du conflit ukrainien. Aujourd’hui, Donald Trump n’est pas encore élu mais l’Europe s’y prépare et prévoit une sorte de virage dès le mois de novembre. S’il reprend le pouvoir, l'Occident sera divisé entre l’Europe et l’Amérique du Nord, et les Européens seront affaiblis face aux Russes. Ces hypothèses reviennent à dire qu’une défaite de l’Ukraine serait un énorme désastre géopolitique pour tout l’Occident.

Quelles seraient les conséquences économiques ?

En Europe, l’impact serait similaire à ce qui a déjà été perçu par rapport à l'inflation avec le prix de l'énergie. On a déjà constaté une forte hausse de l'énergie qui a précédé le début de la guerre en Ukraine, parce qu’elle a été provoquée par la Russie dès 2021 en réduisant les réserves de gaz stockées en Europe, et notamment en Europe occidentale donc, et après le début de la guerre. L'Occident était face à une sorte de choc économique assez violent. Il ne faut pas omettre qu’à ce moment-là, les pays occidentaux ont débuté une politique de sanctions contre la Russie, qui ont affecté les Russes mais en même temps les pays occidentaux.

En cas d’une défaite de l’Ukraine, il faut s’attendre à un découplage de l’économie occidentale, c’est-à-dire la relocalisation vers les pays amis des activités des multinationales occidentales aujourd'hui opérant dans les pays perçus comme hostiles. Il s'agit bien entendu de la Russie, mais on peut également s’attendre à ce que les entreprises occidentales vont abandonner d’autres régions, par exemple, l'Asie de l'Est et plus précisément la Chine, que les multinationales japonaises ont déjà commencé à quitter en toute discrétion. Ce découplage de l’économie occidentale peut se traduire par des difficultés économiques car il y a une très forte croissance de certains pays occidentaux qui sont tirés par une forte demande externe, notamment pour le modèle allemand qui est fondé sur les exportations vers les économies émergentes, comme la Russie et la Chine.

Nous pouvons donc nous attendre à des changements dans le secteur agricole ? Qu’en sera-t-il ?

Exactement. Il ne faut pas oublier que l’Ukraine représente une grande puissance agricole. Elle est non seulement une nation productrice mais elle est aussi un grand exportateur de céréales dans le monde. Si la Russie occupe déjà une partie des terres ukrainiennes, on imagine que le commerce mondial du blé peut être contrôlé par les Russes si l'armée russe occupe le reste du territoire ukrainien. Ce qui est une potentielle menace pour les autres producteurs céréaliers, comme les Etats-Unis ou la France, notre pays est le premier exportateur de céréales en Europe. Depuis des années la Russie se bat avec les exportateurs français pour le marché extérieur. Ils ont déjà réussi à remplacer, plus ou moins, les exportations de blé français en Algérie. Les Algériens ont fait un choix politique en choisissant un fournisseur russe. Ce qui a été un coût douloureux pour le secteur agricole français qui a dû chercher d’autres clients pour compenser cette perte.

On peut imaginer que la Russie peut utiliser cette réquisition agricole comme une arme, au même titre qu’elle utilise actuellement l’arme du gaz ou du pétrole pour déstabiliser les économies occidentales.

La Russie peut-elle s’attaquer à d’autres secteurs occidentaux ?

Il ne faut pas oublier que la partie orientale de l’Ukraine, qui est actuellement une zone de combat très intense, est très industrialisée. Cela regroupe une grande partie de l'industrie métallurgique et sidérurgique. La production ukrainienne d’acier a déjà été exportée en Europe mais aussi en Chine. Si la Russie arrive à prendre le contrôle de ces aciéries, on risque de se retrouver dans une situation déséquilibrée. La production de l’acier est assez stratégique parce qu’il faut se rappeler que l’Europe s’est débarrassée de ses aciéries car elles étaient considérées comme polluantes, notamment en France où on est très dépendant des importations de l'acier. Sans cet acier, il est difficile d’imaginer les grands chantiers (tunnels de métros, chantiers navals…). La question d'approvisionnement en acier va forcément se poser, sachant également que l'Europe a perdu une grande partie de son industrie minière. Les mines de charbon ont été fermées un peu partout en Europe, y compris en France.

Depuis le début du conflit, des millions d’Ukrainiens se sont réfugiés en Europe. Si l’Ukraine vient à perdre contre la Russie, peut-on s’attendre à de nouvelles immigrations ?

Les pays européens ont accueilli, d’une manière volontaire, environ 7 millions de réfugiés ukrainiens. La plupart d’entre eux sont des femmes, des enfants ou des personnes âgées. Ceux qui ne peuvent pas travailler dépendent notamment du soutien de leur pays d’accueil. Aujourd’hui, l’Allemagne compte environ 1 million de réfugiés ukrainiens. Depuis 2022, le gouvernement allemand a dû financer de manière très abondante beaucoup de programmes sociaux avec des logements, des écoles, la médecine etc. La situation en Pologne est plus dramatique car c’est le pays qui a accueilli le plus de réfugiés ukrainiens pour des raisons géographiques.

Si on imagine l’effondrement du front de l’Ukraine dans les mois à venir, on peut s’attendre à de fortes vagues d'immigration vers les pays limitrophes car les réfugiés préfèreront être proches de l’Ukraine. Les pays européens devront prévoir de nouveaux plans économiques pour les accueillir.

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