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Tour Elithis Danube : construire des logements communs à énergie positive, c'est possible
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Strasbourg a fait un pari sur l'avenir en construisant une tour à énergie positive. Ces logements seront conçus pour permettre des meilleures économies d'énergie et éviter les gaspillages.

Myriam Maestroni

Myriam Maestroni

Myriam Maestroni est présidente d'Economie d'Energie et de la Fondation E5T. Elle a remporté le Women's Award de La Tribune dans la catégorie "Green Business". Elle a accompli toute sa carrière dans le secteur de l'énergie. Après huit années à la tête de Primagaz France, elle a crée Ede, la société Economie d'énergie. 

Elle est l'auteure de plusieurs ouvrages majeurs: Intelligence émotionnelle (2008, Maxima), Mutations énergétiques (Gallimard, 2008) ou Comprendre le nouveau monde de l'énergie (Maxima, 2013), Understanding the new energy World 2.0 (Dow éditions). 

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Atlantico : Une nouvelle tour d'habitation va voir le jour très prochainement à Strasbourg. Selon les concepteurs, il s'agit d'une tour à énergie positive. Elle serait dessinée pour favoriser les économies d'énergie et éviter toutes déperditions de chaleur. En quoi consiste ce concept qui se veut novateur ? Quels sont les matériaux utilisés et les techniques de construction utilisées ? En quoi ses infrastructures se veulent plus efficientes sur le plan énergétique ? Quelles économies pourront être réalisées ainsi par rapport a des constructions classiques ?

Myriam Maestroni En effet, après sa tour de bureaux à énergie positive, construite dans la ville de Dijon en 2008, le groupe Elithis, spécialiste de l’ingénierie et de la performance énergétique, continue sa percée sur le marché de la promotion immobilière innovante en réalisant la première tour de logements à énergie positive, au sein de l’éco-quartier Danube dans la ville de Strasbourg.

Cette tour de 17 étages, dont la livraison est prévue pour la fin d’année, est une première au monde, car elle a été « éco-conçue » pour produire plus d’énergie qu’elle n’en consommera pour alimenter les 63 logements qu’elle comprend et qui représentent une surface habitable d’environ 4.500 m2.

Cette performance sera possible grâce à la conjugaison et à la mise en œuvre de différentes technologies et savoir-faire innovants, tous caractéristiques des solutions émergentes poussées par la nouvelle dynamique de la transition éco-énergétique : architecture bioclimatique, énergies renouvelables, isolation de pointe, suivi de la performance énergétique sans oublier, bien sûr, la mobilisation des habitants clairement identifiés comme consomm’acteurs et, donc, parties prenantes d’une approche définie de façon holistique.

L’architecture bioclimatique est le premier élément à mettre en évidence. En effet, cette tour a été pensée dès l’origine du projet pour consommer le moins possible d’énergie. Ce pari a été relevé par un cabinet d’architectes, l’agence X-TU fortement engagée dans une démarche environnementale, et, qui a eu à cœur de croiser différentes techniques qui toutes contribuent à la performance éco-énergétique de ce bâtiment exigeant.

Ainsi, la forme particulière de la tour et son implantation ont déjà une influence significative sur sa performance. Effilée et lumineuse, orientée plein sud, la tour dispose d‘une façade très étroite au nord pour limiter l’effet du vent. Au sud, en revanche, elle est plus large pour profiter au maximum de l’énergie naturelle du soleil d’une part, avec des verres polarisants et des stores de protection prévus pour limiter la chaleur trop forte de l’été ou une trop forte exposition des appartements, qui bénéficient d’une double orientation, avec de grandes baies vitrées de 2,5 mètres sur 7, mais aussi pour permettre l’installation de capteurs solaires, d’autre part.

Une attention spéciale a également été portée à l’ensemble des aspects pouvant directement ou indirectement avoir un impact sur la consommation d’énergie.  Ainsi, l’isolation sera de première qualité. Aucun détail ne semble avoir été négligé pour limiter les pertes de chaleur. Les volets roulants, par exemple, qui supposent des caissons d’enroulage, sont analysés comme un des points faibles des façades en la matière, et ont donc été remplacés par des plaques qui se glissent dans des interstices des murs.Le bâtiment comprendra plusieurs autres dispositifs pour optimiser les consommations énergétiques :  récupération des calories sur les eaux usées des salles de bain ou encore la mise en place d’une nouvelle technologie de distribution de chaleur individualisée au logement.

Il est important de préciser que l’isolation, le bardage et l’étanchéité sont de vraies clés du niveau de performance visée. Ils requièrent des matériaux et des compétences tout à fait particulières. Pour en donner un aperçu, il faut par exemple noter qu’une fois le 9ème étage atteint, il s’agira de poser par l’extérieur de l’isolation en laine de verre de 200 mm d’épaisseur en 2 couches croisées pour une résistance thermique élevé de l’ordre de R=5,7 m2K/W. Cette solution, retenue par la maîtrise d’ouvrage afin de supprimer les ponts thermiques et dépasser la performance BEPOS (Bâtiment à Energie Positive), sera exécutée par Soprema, une entreprise avec une longue pratique sur ces sujets. En parallèle, sera installée une ossature en aluminium sur un support béton. Ce sont plus de 600 cassettes métalliques (de type Alucobond) qui habilleront les façades sur une surface de 1800 m2, et ces dernières devront être posées selon un cahier des charges très contraignant pour respecter également la complexité du dessin architectural. En effet, la tour Elithis, va au-delà des aspects techniques et du confort des habitants, en prenant également en compte l’esthétique, avec des façades qui s’inspirent de l’univers des ports -en harmonie avec le port fluvial dans lequel se développe l’éco-quartier Danube-, restitué par des variations de teinte plus sombres au sol et plus claires vers le ciel, plus marquées au sud qu’au nord.

Les mesures prises pour rendre la tour sobre en besoins énergétiques se complètent, enfin, par des dispositions permettant de produire de l’électricité d’origine solaire et donc renouvelable. Pour ce faire, le bâtiment comptera sur près de 1.300m2 de panneaux photovoltaïques, installés sur le toit et insérés dans le revêtement métallique de l’immeuble. Ceci permettra d’ailleurs également d’alimenter un ascenseur panoramique qui mènera au sommet, à un espace commun, éclairé par une grande lucarne illuminée comme un phare à la nuit tombée.

Au final, la consommation d’énergie de la tour Elithisest estimée à un niveau autour de 88.5 kwh/m2, à mettre en perspective avec une production de 90,3 kWh/m²/an.

C’est cette différence positive entre énergie produite et énergie consommée qui fait de cette tour un exemple de bâtiment à énergie positive… avec pour effet induit de réduire les émissions de gaz à effet de serre et notamment du CO2, premier responsable du réchauffement climatique, puisqu’il est prévu que la tour rejette 6 fois moins de CO2 qu’un bâtiment de la même taille.

Last but not least…, il s’agira de mettre à contribution les futurs habitants de cette tour aux allures futuristes… ces derniers - tous locataires -puisque le projet prévoit que l’entreprise reste propriétaire des lieux- disposeront d’un tableau de bord permettant à chacun de voir sa consommation. L’un des objectifs d’Elithis est d’interagir avec les habitants pour mieux comprendre leurs habitudes… mais aussi pour les convaincre de consommer moins. A ce sujet, l’entreprise reconnait d’ores et déjà que « malgré toute la technologie, l’écologie n’est pas automatique », et qu’il s’agira « d’aiguiller les gens vers les meilleures façons de se comporter, car ce sera bien à eux de faire les derniers gestes ». Apparemment, il est prévu qu’un assistant domotique les aide au quotidien dans cette responsabilité. Leur facture d’énergie pourrait même devenir négative, et leur permettre ainsi de bénéficier de la différence qui leur serait reversé dans une « monnaie locale et citoyenne » appelé le « Stuck ».

Bref, si les loyers de ces logements éco-positifs visent un niveau standard pour la zone (c’est-à-dire aux alentours de 10 à 16 Euros/m2),être un bon « éco-habitant »… et bénéficier de factures énergétiques réduites se mérite.

L’histoire ne précisant pas à ce stade si les mauvais élèves seront pénalisés au sein de leur éco-communauté et condamnés à payer en « stucks » leur excès ! A suivre…

Qu'est-ce qui peut être fait pour développer et démocratiser ce genre de nouvelles constructions ? A quelle échéance pourraient-elles voir le jour ?

Cette tour devient l’une des premières au monde, et se pose ainsi en exemple pour illustrer l’attention particulière désormais portée à la question de l’efficacité énergétique, clairement analysée comme un des principaux piliers de la transitionénergétique. Si ce projet fait encore figure d’exception, c’est que réaliser de telles constructions n’est pas une sinécure.

Il est important de préciser, avant toute autre chose, que la question économico-financière n’est pas forcément citée comme un élément bloquant. C’est si souvent le cas que cela mérite d’être signalé. Ainsi, bien que le projet ait été réalisé par un montage financier ayant  demandé l’appui de la Métropole pour bénéficier du label éco-cité et de financements publics d’une part, et d’investisseurs publics et privés aux côtés d’Elithis, dont notamment la Caisse des Dépôts et la Caisse régionale du Crédit Agricole d’autre part, la tour, à 1.300€ l m2, ne coûtera apparemment pas plus cher à construire qu’un bâtiment classique, même si au global, l’investissement prévu est de l’ordre de 21 millions d’euros.

Dans ces conditions, l’argent devient une condition nécessaire mais pas suffisante… si ce n’est pas une question d’argent… alors où est le problème ?

Si on regarde du côté de la législation, un autre facteur clé à prendre en compte pour promouvoir ce genre d’initiatives, on s’aperçoit que, depuis la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle Environnement, dite Grenelle 1, l’article 4 de la loi du 3 août 2009 fixe notamment des objectifs précis concernant l’édification de tout bâtiment à l’horizon 2020. « Toutes les constructions neuves faisant l’objet d’une demande de permis de construire déposée à compter de la fin 2012 présentent, sauf exception, une consommation d’énergie primaire inférieure à la quantité d’énergie renouvelable produite dans ces constructions, et notamment le bois énergie». Un engagement volontariste devant contribuer à permettre de diviser par 4 les émissions de CO2 sur la base des niveaux observées en 1990 -également appelé Facteur 4-, auquel la France s’est engagée, à l’horizon 2050.

Une déclinaison de la Directive Européenne 2010/31/UE du 19 mai 2010 sur la performance énergétique des bâtiments prévoit, dans son article 9, que : « Les États membres veillent à ce que, d’ici au 31 décembre 2020, tous les nouveaux bâtiments soient à consommation d’énergie quasi nulle ; et qu'après le 31 décembre 2018, les nouveaux bâtiments occupés et possédés par les autorités publiques soient à consommation d’énergie quasi nulle. »

Néanmoins, hormis ces incitations générales, il n’existe pas encore de définition réglementaire des Bepos, car le périmètre, les caractéristiques et les exigences attendues de ces bâtiments, restent encore à fixer. Un sujet auquel s’est d’ailleurs attaqué ADEME travaille en concertation avec les pouvoirs publics et des partenaires privés.

Ces travaux prennent notammenten compte les retours d’expérience sur les opérations qualifiées « à énergie positive » engagées en France ces dernières années, et soigneusement recensées par l’Ademe. Dans la perspective de ce que seront les Bepos à l’horizon 2020, d’autres consommations d’énergie pèsent sur le bilan, dont le poids devient de plus en plus prépondérant, pour des bâtiments davantage performants. À titre d’exemple, les consommations dues aux usages spécifiques de l’électricité non comptabilisés dans la réglementation thermique sont, en moyenne, du même ordre que les consommations conventionnelles d’un bâtiment conforme à la Réglementation Thermique 2012 (RT 2012), voire beaucoup plus en fonction du type et de l’usage du bâtiment.

Afin de disposer d’un état des lieux détaillé de ces types de bâtiment et mieux les caractériser, l’ADEME a engagé depuis 2010 un travail d’étude et d’analyse constituant une base de plus de 250 opérations dites « à énergie positive » sur le territoire français.

Il s’agit, pour la plupart, de Bepos de première génération. En général, leur consommation conventionnelle d’énergie primaire, calculée pour les usages pris en compte par la RT 2005, puis par la RT 2012, est égale ou inférieure à zéro, déduction faite de la production locale d’électricité, presque toujours d’origine photovoltaïque.

Accessible sur un site Internet dédié (www.observatoirebepos.fr), cette base recense l’ensemble des opérations qualifiées « à énergie positive » identifiées, soit 288projets Bepos autodéclarés à fin 2014. Elle en fournit une cartographie actualisée, avec des informations simples : localisation, secteur, année de livraison, public/privé, lauréat des appels à projets régionaux « bâtiments exemplaires » du Prebat, etc. Elle propose également une analyse approfondie sur un panel d’actions représentatif des différents usages et zones climatiques. Enfin, des fiches descriptives détaillées d’opérations (s’élevant à 69 à fin 2014) y sont publiées au fur et à mesure de leur réalisation.

Un recul sur quelques années est nécessaire pour pouvoir tirer des conclusions. De plus, les matériaux et technologies du futur sont en plein essor, et on sait qu’un certain nombre d’innovations viendront contribuer à améliorer la performance de l’architecture bioclimatique, qui d’ailleurs varie également en fonction des zones climatiques.

Dans quelles mesure est-ce que les tours dites bioclimatiques telle qu'elle existera à Strasbourg représente l'avenir du logement en France et ailleurs dans le monde ? 

Les contraintes d’implantation et de conception sont également tributaire des lieux. Il est évident que construire une tour neuve dans un éco-quartier qui voit le jour est plus aisé que de reconstruire à neuf un immeuble préexistant et historiquement coincé entre deux autres déjà construit depuis bien longtemps. De plus, le nombre de constructions neuves ramené au « stock » de logements existants et devant être rénovés est très faible. En France, pays urbanisé de longue date, on parle de 2 à 300.000 nouveaux logements construits par an, à mettre en perspective par rapport aux plus de 30 millions de logements, dont 1 sur 2 (soit 15 millions) en situation grave de sur-consommation d’énergie dans des proportions extrêmement significatives (6 à 9 fois supérieure à un bâtiment construit neuf dans le respect des réglementations minimums actuelles)

Il ne faut pas non plus oublier de distinguer la question des logements individuels (qui représente environ la moitié du parc de logements existants) de celle des logements collectifs. Ainsi, quiconque construit un logement individuel dans notre pays doit respecter des standards assez stricts de consommation d’énergie (<50kwh/m2/an).

La question de la rénovation énergétique du parc existant est encore une autre paire de manche, car au-delà de la volumétrie, les contraintes liées aux conditions de construction historique y compris en ce qui concerne les aspects esthétiques, requiert des savoir-faire qui sont encore à promouvoir dans notre pays pour parvenir à une généralisation de compétences liées à ces nouveaux métiers issus de la transition énergétique. C’est aussi vrai dans la construction de logements BEPOS.

De plus, nos consommations notamment électriques et hors chauffage -le poste le plus important de consommation depuis longtemps- tendent à augmenter, avec les nouvelles technologies et autres usages modernes. Cela nous pousse à repenser nos façons de vivre, mais ce n’est pas si naturel que cela, même si la pression s’accroit sur le sujet, notamment du fait des jeunes, mieux informés et souvent plus sensibles aux questions d’environnement.

Le chemin est long pour dépasser tous les obstacles, dont ceux cités précédemment à titre d’exemples, mais le temps se raccourcit car l’urgence climatique devient de plus en plus patente…. Elle manifeste au travers d’épisodes climatiques extrêmes dont chaque jour qui passe nous fournit de nouveaux exemples.

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