Rentrée des shlass à Trappes : la piste cyclable ne saurait être écartée<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Société
Rentrée des shlass à Trappes : la piste cyclable ne saurait être écartée
©Thomas SAMSON / AFP

Acrobaties sémantiques

Le poignardeur des Yvelines était notoirement incapable de grimper sur un vélo ou sur un trapèze, ce qui confirme l’hypothèse du déséquilibre — de loin la plus préoccupante.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

Voir la bio »

Il faut certainement pas mal d’aplomb pour affirmer qu’un fiché S qui poignarde des gens en criant Allahu Akbar dans les rues de Trappes avant de voir son coup de sang revendiqué par Daesh est un « terroriste ». Selon toutes probabilités, c’était surtout juste un type qui manquait un peu d’assiette...

Trop souvent, et sans doute par pure flemmardise intellectuelle, on se contente de recenser une série de vagues points communs entre égorgeurs de passants et autres écraseurs d’admirateurs de feux d’artifice pour élaborer une théorie générale sur leurs motivations ou leur profil. Ainsi, que le tueur du jour ait prêté allégeance à l’État islamique, regardé quelques tutoriaux de fabrication de bombes artisanales sur YouTube, promis la destruction des juifs et des croisés sur Facebook ou voyagé en Syrie et, paf, le voici bombardé « djihadiste » !

Mais apprécier les vidéos de bricolage ou aimer passer ses vacances au soleil est-il en soi répréhensible ? Et ce type de corrélations à l’emporte-pièce ne permettrait-il pas de mettre la moitié de la population française en prison ? N’avez-vous jamais, vous même, fait appel à Internet pour refaire un joint de salle-de-bain ou louer un studio pieds dans l’eau au Cap d’Agde ?

La qualification terroriste d’un assassinat est pourtant devenue le moyen pratique, pour nos gouvernants, de rassurer les foules à bon compte. D’abord, le terrorisme, la police lutte contre ; il y a même des services spécialisés pour ça. Et les terroristes, on sait les repérer ; il y a des fichiers S pour ça. Tout est sous contrôle, quoi… Dormez braves gens !

Les déséquilibrés, en revanche, et en dépit de leur implication manifeste dans des dizaines de meurtres de masse ces dernières années, restent totalement libres de leurs mouvements et sont laissés sans surveillance spécifique. Les faits sont pourtant têtus : le tueur de Trappes, selon de nombreux témoignages de proches, était incapable de tenir sur un vélo. Le meurtrier de Nice, faut-il le rappeler, ne savait manifestement pas conduire un camion. Les frères Kouachi ou Mohamed Merah, c’est désormais prouvé, n’étaient jamais parvenus à faire du roller et Ben Laden lui-même avait été filmé tombant d’une trottinette à l’âge de huit ans (devenu phobique, c’est à cette époque qu’il s’était mis à porter un turban de protection en toutes circonstances). Quant aux aviateurs du 11-Septembre, leur spectaculaire manque d’adresse est carrément devenu légendaire dans les écoles de pilotage…

"Et quid des simples maladroits ou les trébucheurs occasionnels de trottoirs susceptibles de se radicaliser ?"

« Nous savons depuis longtemps où se situe le problème, nous a d’ailleurs confié un proche du ministère de la Défense préférant conserver l’anonymat. Mais nos moyens humains ne nous permettent tout simplement pas de gérer une population de suspects aussi massive. Un temps, la création d’un fichier D pour « déséquilibré » avait été envisagée mais mettre trois agents en rotation et suivre l’ensemble des plus de douze ans ne sachant pas faire de vélo, pour ne rien dire des recalés au concours d’entrée de l’école Annie Fratellini section trapèze, c’est tout simplement impossible. Et quiddes simples maladroits ou des trébucheurs occasionnels de trottoirs susceptibles de se radicaliser ? Le projet à dû être abandonné ».

Il serait d’ailleurs démagogique de se servir de ce constat pour jeter la pierre aux autorités. D’une part, la lapidation est actuellement sous moratoire et, d’autre part, le recrutement massif d’agents spécialisés dans la surveillance de millions de mal balancés impliquerait de pouvoir contrôler préalablement leurs propres capacités de coordination. Savent-ils jongler ? Et si oui, avec combien de balles ? Savent-ils faire du scooter en roue arrière ? Peuvent-ils remplacer une carte micro-SIM de téléphone sans la faire tomber dans leur café ou mettre des lentilles de contact sans se fourrer le doigt dans l’oeil ?

Comme souvent, une partie de la réponse se trouve évidemment dans la prévention. Des centres de formation ont d’ailleurs été mis en place un peu partout en France pour réconcilier des adultes dotés de deux pieds gauche avec le vélo avec d’excellents résultats (statistiquement, aucun des stagiaires de ces structures n’a encore été impliqué dans un attentat). Mais où s’arrête la simple balourdise innocente et où commence le déséquilibre fondamental ? Et qu’est-ce qui empêche un non-cycliste repenti de retomber dans sa psychose depuis un câble de funambule et de massacrer tout son quartier ?

A l’inverse du terrorisme isalmiste proprement-dit, phénomène passager auquel des réponses de bon sens peuvent être apportées, comme le retrait des forces françaises confrontées aux djihadistes au Mali ou l’autorisation du port de la burqa dans la fonction publique, le passage à l’acte des déséquilibrés est malheureusement une situation dont nous devons accepter la permanence. La construction de davantage de pistes cyclables, la réduction de la TVA sur les stabilisateurs de vélos de débutants, l’organisation de cours de passage de fil de pêche 0,05 mm dans le chas d’une aiguille dans les écoles, etc. sont vraisemblablement des dispositifs à encourager. Mais dans cette guerre asymétrique contre les déséquilibrés, une démocratie est forcément déstabilisée.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !