Le trafic de cactus vide les déserts de la planète <!-- --> | Atlantico.fr
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Une forêt de cactus dans la vallée de Tehuacan-Cuicatlan au Mexique en juin 2017.
Une forêt de cactus dans la vallée de Tehuacan-Cuicatlan au Mexique en juin 2017.
©Joel MERINO / AFP

Atlantico Green

Le marché noir des plantes épineuses rares se révèle particulièrement juteux pour des vendeurs sans scrupule.

Henri Kuentz

Henri Kuentz

Henri Kuentz est producteur de cactus et à la tête de la plus ancienne entreprise de production de cactus en France au coeur d’un établissement horticole basé à Fréjus. Pour retrouver le site de Ets. Kuentz, le Monde des Cactus, cliquez ICI.

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Atlantico : Qualifiée de plus importante saisie de cactus commercialisés illégalement en Italie à ce jour, « l'Opération Atacama » a permis aux autorités chiliennes et italiennes de lever le voile sur les réseaux criminels derrière le marché illicite de cactus, en particulier du genre Copiapoa. Selon des informations du New-York Times, ce raid impressionnant en Italie concernant des espèces chiliennes rares a mis en évidence l'ampleur croissante d'un marché noir des plantes épineuses. Plus de 1.000 de certains des cactus les plus rares du monde, évalués à plus de 1,2 million de dollars sur le marché noir, ont été saisis. L'opération - qui a eu lieu en février 2020, mais qui est rendue publique maintenant en raison du retour récent des cactus au Chili - était très probablement la plus grosse saisie internationale de cactus en près de trois décennies. Quelle est la réalité de ce phénomène des vols de cactus dans leur environnement naturel ? Quelle est son ampleur ?

Henri Kuentz : Les plantes en question sont des Copiapoas qui sont originaires du désert d’Atacama au Chili. Il s’agit d’un désert extrêmement aride. Les cactus là-bas poussent très lentement. Donc toutes les personnes qui désirent avoir un sujet un peu présentable sont prêtes à investir de grosses sommes d’argent pour obtenir des plantes en provenance du pays d’origine.

Tant que la demande était modérée et qu’elle venait simplement de quelques pays européens, c’était « supportable » par la nature.

Maintenant qu’il y a une demande beaucoup plus forte à cause des pays asiatiques notamment, la pression sur les populations naturelles devient insupportable. D’autant plus qu’il y a le changement climatique qui joue aussi sur les populations naturelles de cactus. Le climat étant de plus en plus aride, certaines populations sont menacées d’extinction. Elles n’ont plus assez d’humidité. On peut voir dans la nature de très vieux sujets qui sont complètement desséchés. Il y a quelques années, ce phénomène n’était pas encore constaté.

Au Chili, l’extraction minière pose un autre problème. Cela conduit à ce que beaucoup de quantités de poussières soient soulevées. Elles viennent se déposer sur les cactus en question, les Copiapoas. Ils ne peuvent plus s’alimenter par l’humidité. Ils sont surtout alimentés par le brouillard, par l’humidité qu’il dépose sur eux tous les matins. Cette couche de poussières qui vient se poser sur l’épiderme les empêche de s’hydrater. C’est aussi un nouveau phénomène qui n’est pas lié à la contrebande mais qui est lié à la surexploitation de la nature. Nous évoquons le cas des Copiapoas du Chili mais pour d’autres genres de cactus, des problèmes importants de contrebande sont constatés et à déplorer.      

Quelle forme peut prendre la contrebande de cactus ?

Autrefois, il y avait une plaque tournante du trafic den Europe centrale. Pour les Européens, cela concernait surtout la République Tchèque qui organisait le trafic. Des valises diplomatiques étaient souvent utilisées pour aller chercher des cactus au Mexique. En les faisant passer par la valise diplomatique, il était possible de les diffuser vers l’Allemagne et ensuite cela partait dans toute l’Europe.

Il faut savoir que les cactus sont des plantes qui sont protégées par la Convention de Washington. Normalement, il est interdit de les prélever dans la nature. Il y a des pays qui protègent leur flore comme le Mexique. Les autorités mexicaines ont totalement interdit tout prélèvement de cactus et même de graines depuis plus de vingt ans. Forcément, cela excite l’appétit de certaines personnes. Ils sont prêts à investir d’importantes sommes d’argent pour avoir un beau sujet. Comme les cactus poussent très doucement, même si on trouve la plante en culture, cela va donner de très petits sujets qui ne sont pas forcément très représentatifs de ce que recherchent les clients qui ont beaucoup d’argent.

Ce qui est nouveau en revanche concerne l’évolution du trafic. Le trafic s’est plutôt déplacé vers l’Asie. Les Chinois sont prêts à mettre très cher sur des beaux sujets de cactus, soit des variétés rares, soit des plantes très grosses. Ils sont prêts à payer des gens pour ramener des plantes prélevées dans la nature. C’est ce qu’on appelle carrément des « contrats ».        

Plus de 30 pour cent des quelques 1.500 espèces de cactus dans le monde sont menacées d'extinction. La collecte peu scrupuleuse est le principal moteur de ce déclin, affectant près de la moitié des espèces en péril. Pourtant, ce domaine du commerce illégal est généralement négligé. Cette situation pour les espèces menacées est-elle alarmante ou paradoxale ?

Il y a bien une contrebande qui menace certaines espèces mais il faut savoir que la destruction des habitats est aussi un phénomène très important dans le risque de disparitions des cactus. Dans certains pays, on n’hésite pas à raser des terrains naturels dans lesquels poussent des cactus pour construire des routes, des ponts, des barrages... Des populations entières de cactus disparaissent et ne sont pas sauvegardées. Elles pourraient être déplacées comme on le fait en France mais dans de nombreux pays, cela n’est pas respecté. Cela peut provoquer beaucoup plus la disparition des espèces que le trafic. Il y a souvent des saisies dans les aéroports qui font l’objet d’articles dans la presse ou de reportages à la télévision pour pointer du doigt les trafiquants ou les collectionneurs de cactus et pour cibler leur responsabilité dans la disparition des cactus mais cela n’est pas totalement vrai. Le trafic est déplorable mais la disparition des habitats, à cause de l’évolution des travaux à grande échelle, est un phénomène bien plus perturbant que le trafic jusqu’à présent.

Face au danger que peut représenter cette prédation et ces vols de cactus dans leurs espaces naturels, est-ce que les cactus pourront surmonter « naturellement » cette emprise de l’homme ou est-ce la menace est réelle ?

Le souci principal des populations de cactus concerne leur évolution. Ce sont des espèces qui poussent très lentement. Les dégâts sont donc toujours très longs à réparer. Si les prélèvements s’arrêtaient, la nature serait régénérée et reprendrait ses droits si on lui laissait le temps. La menace concerne donc le prélèvement des plantes mais aussi le prélèvement des graines.

Cette inquiétude sur les graines est assez forte en ce moment. De plus en plus de gens veulent des cactus, même de culture. Si l’on n’a pas assez de graines de culture, on va aussi les chercher dans les populations naturelles. Certaines populations de cactus sont donc maintenant directement menacées parce qu’il y a trop de prélèvements de graines. Elles n’arrivent donc plus à se reproduire naturellement.   

Henri Kuentz est producteur de cactus et à la tête de la plus ancienne entreprise de production de cactus en France au coeur d’un établissement horticole basé à Fréjus. Pour retrouver le site de Ets. Kuentz, le Monde des Cactus, cliquez ICI

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