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Le terrorisme islamiste : guerre psychologique et propagande par l’action
©Reuters

Géopolitico-Scanner

Alexandre Dell Valle, dans son dernier ouvrage, "La Stratégie de l'intimidation" (L'Artilleur, 2018) décrypte les ressorts du terrorisme comme guerre mentale et propagande par l'action violente.

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle est un géopolitologue et essayiste franco-italien. Ancien éditorialiste (France SoirIl Liberal, etc.), il intervient dans des institutions patronales et européennes, et est chercheur associé au Cpfa (Center of Foreign and Political Affairs). Il a publié plusieurs essais en France et en Italie sur la faiblesse des démocraties, les guerres balkaniques, l'islamisme, la Turquie, la persécution des chrétiens, la Syrie et le terrorisme. 

Son dernier ouvrage, coécrit avec Jacques Soppelsa, Vers un choc global ? La mondialisation dangereuse, est paru en 2023 aux Editions de l'Artilleur. 

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Si le terrorisme, au sens guerrier ou psychologique, est si efficace en termes de propagande, c’est qu’il est hélas profondément enraciné dans la psychologie humaine, même si cela peut paraître contre-intuitif. En effet, l’histoire montre que les minorités organisées et violentes ont toujours su influencer, intimider et dominer des majorités pacifiques et non organisées.

C’est aussi l’idée centrale de l’œuvre du politologue italien Gaetano Mosca spécialiste de la « théorie des élites ». Hegel et Joseph de Maistre ont également très bien montré la puissance de la violence comme moteur quasi mystique de l’histoire. De nombreuses victoires ont d’ailleurs été remportées grâce à des moyens de terreur visant à sidérer l’ennemi horrifié par les rumeurs d’actes atroces et par les menaces apocalyptiques.

C’est d’ailleurs la France de Robespierre et de Marat qui a inventé le régime de la Terreur, laquelle a délégitimé et détruit la monarchie française qui ne s’en remit jamais. Et les totalitaires rouges et bruns l’ont utilisée jusqu’à leur paroxysme comme système de gouvernement et de persuasion. L’utilisation des attaques suicides, répandue à partir des années 1990 et qui complète la tradition islamiste sunnite, laquelle valorise grandement le jihad offensif et défensif ainsi que la guerre sacrée ("jihad fi sabil allah", "Harb", et "Qital" mentionnés dans le Coran, les ahadith et la Sira), vise à rendre presque impossible la neutralisation du guerrier «islamikaze» qui «aime la mort plus que la vie» et qui la perd pour faire parler de sa religion à travers la médiatisation de son acte atroce sciemment mis en scène. Le message des jihadistes "héroïques", amoureux de la mort et à la recherche du combat total, qui revêt une force psychologique incroyable, est souvent sous-estimé dans nos pays pacifiés et "esclaves de la vie", dixit les jihadistes. Il revient en effet à faire comprendre à nos esprits rationnels qu’à armes égales, celui qui aime faire la guerre sans armures et qui court allègrement vers l’au-delà pour tuer son ennemi est vainqueur... On retrouve là la fameuse allégorie hégélienne du maître et de l’esclave qui donne à la fin l’avantage à celui qui ne craint pas la mort. Parfaitement compris par les publics pacifiques intimidés et abasourdis par ce goût du sacrifice, ce message de la terreur scénarisée subjugue, décontenance et effraie à la fois. Le pouvoir de fascination de cette forme de guerre très archaïque et très moderne à la fois, vient du fait qu’elle réhabilite le guerrier héroïque-martyr sans peur. Celui qui ose combattre corps à corps face à des guerriers occidentaux qui protègent au maximum leurs vies par peur de la perdre et bombardent "lâchement", des populations civiles qui abritent les jihadistes.

L’acte terroriste, qui glorifie le courage des moudjahidines et prétend perpétuer les combats de Mahomet lui-même, vise à produire l’effroi au sein du camp ennemi et à fasciner des âmes rebelles, sachant que la violence sidère ou fascine. Les mutilations insoutenables de corps et de chairs décapités, éventrés, explosés (y compris ceux des terroristes eux-mêmes), par des bombes ou par des armes tranchantes archaïques, intimident et tétanisent plus que toute autre image. Celles-ci sont bien plus difficiles à soutenir pour l’imagination des Occidentaux que les violences virtuelles quotidiennes d’Hollywood et les guerres "propres" qu’ils livrent en dehors de leur sol dans des contrées lointaines. De ce fait, le terrorisme réintroduit à la fois la tragédie de la guerre dans des pays qui ne la croyaient plus possible chez eux, puis la figure archaïque du guerrier barbare.

Le jihadisme réintroduit l’humain dans l’action guerrière là où la technologie militaire moderne l’avait totalement évacué, comme la mort d’ailleurs.

La guerre psychologique du jihadisme cherche à démoraliser puis à soumettre l’adversaire par la "promesse du pire" (intimidation). Cette promesse effrayante vise à tuer dans l’œuf toute volonté de résistance ou de contre-agression, phénomène qui fonctionne bien dans les démocraties occidentales culpabilisées où la réponse à chaque attentat réside dans des cérémonies pacifistes, allumages de bougies psalmodiées de professions de foi « anti-islamophobes» et appels à la tolérance. De ce point de vue, les terroristes jihadistes savent exploiter la couverture médiatique en continu dans le but d’obtenir des effets psychologiques efficaces pour leur propagande.

L’universitaire américain spécialiste de la violence politique, Walter Laqueur, a expliqué que "l’acte terroriste en lui-même n’est presque rien, alors que la publicité est tout. Mais les médias constamment en recherche de diversité et de nouveaux angles, font de capricieux alliés. Les terroristes seront toujours inventifs". Selon Laqueur et tous ceux qui ont compris la nature idéologique du terrorisme, il est clair que la recherche de la médiatisation massive de l’acte violent obéit à une stratégie rationnelle et calculée. Celle-ci ne vise ni plus ni moins que le conditionnement spirituel et idéologique des cibles. Les chercheurs spécialisés dans la violence politique ont également montré que la contagion-publicité obtenue par les terroristes à travers leur acte barbare est mécaniquement relayée par d’autres groupes (potentiellement) terroristes en vertu d’un phénomène macabre mais bien humain et universel qui est celui de l’imitation ou du mimétisme (effet Werther2). Les attentats allument la mèche, mais ce sont les médias avides de sensation qui font exploser la bombe, de sorte que "le véritable champ de bataille du terrorisme se situe dans les colonnes des journaux et sur les écrans de télévision". Par la grâce du baptême médiatique, "l’acte terroriste revêt les aspects d’un drame ou d’une représentation théâtrale" tragique. Walter Laqueur appelle ce phénomène de réverbération et d’amplification par les médias "l’effet-écho".

Il précise que "le succès d’une opération terroriste dépend presque entièrement de l’importance de la publicité qu’elle obtient". Cette idée est corroborée par Bruce Hoffman, qui affirme que : "tous les groupes terroristes partagent [...] cette particularité : aucun ne commet d’action au hasard ni sans raison. Chacun souhaite qu’un maximum de publicité soit accordé à la moindre de ses actions, etutilise l’intimidation et la contrainte pour atteindre ses objectifs".

Du point de vue de la psychologie sociale, l’objectif du terrorisme en tant qu’arme est d’amener l’adversaire-mécréant ou apostat à penser qu’il est en position de faiblesse radicale et qu’il a par conséquent intérêt à se soumettre de façon anticipatoire afin d’être épargné dans le futur (en cessant de blasphémer, de réclamer l’intégration des musulmans, de critiquer l’islam; en acceptant une partition communautaire sur les bases de l’application de la charià, et en combattant toujours plus «l’islamophobie» à mesure que le jihadisme frappe, etc.).

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