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La proposition de loi du groupe LIOT sera examiné le 8 juin prochain à l'Assemblée nationale.
La proposition de loi du groupe LIOT sera examiné le 8 juin prochain à l'Assemblée nationale.
©Bertrand GUAY / AFP

CHRONIQUES PARLEMENTAIRES

Dans les débats parlementaires, le principal outil des parlementaires est leur droit d’amendement. Chaque député à le droit, protégé par la constitution, de proposer des lois ou des modifications d’un texte de loi. A défaut de faire adopter son amendement, il peut ainsi au moins provoquer un débat, et obliger le gouvernement et les autres groupes politiques à s’exprimer sur un sujet.

Samuel Le Goff

Samuel Le Goff

Ancien assistant de députés, ancien journaliste parlementaire et aujourd'hui consultant, Samuel Le Goff fréquente le palais Bourbon et ses environs depuis 20 ans.

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C’est cela que le groupe LIOT a souhaité faire, avec sa proposition de loi visant à abroger la réforme des retraites, inscrite à l’ordre du jour du 8 juin prochain. Profitant de sa journée réservée, il tente de rouvrir une cocotte-minute politique que le gouvernement cherche à tout prix à refermer.

Mais ce droit d’amendement n’est pas absolu. Il connaît quelques limites, et notamment celle de la recevabilité financière, posée par l’article 40 de la Constitution. Il dispose qu’une initiative parlementaire ne peut pas augmenter les dépenses publiques ou réduire les recettes. Une restriction redoutable dans les débats budgétaires, où les députés ne sont pas très emballés par la perspective d’assumer des baisses de dépenses ou des augmentations d'impôts. Pour le gouvernement, c’est un bouclier en acier trempé extrêmement performant. En effet, un amendement déclaré irrecevable disparaît complètement et n’est même pas évoqué pendant les débats. Pas de recevabilité, pas de débat !

Pour atténuer cette rigueur, des tolérances ont été mises en place, pour permettre les débats. Si la rigueur reste pleine et entière pour les augmentations de dépenses, la pratique parlementaire autorise des amendements qui diminuent les recettes, mais uniquement si une compensation est proposée. C’est la fameuse augmentation des taxes sur le tabac, qui heureusement pour les fumeurs, est purement fictive.

L’autre tolérance, celle qui ennuie bien le gouvernement en ce moment, concerne les propositions de loi. Il est de tradition de les soumettre à un contrôle de recevabilité très souple, car à peu près 95% des propositions de loi n'ont aucune chance d’être mises à l’ordre du jour. Cela permet donc à des députés, grâce à cet outil, de se faire plaisir et d’envoyer des messages. La proposition du groupe LIOT sur la réforme des retraites a bénéficié de cette mansuétude coutumière. 

Son texte est très court, et relève de l’ordre du symbolique, plus que de la mesure législative : “La loi n° 2023‑270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 est abrogée.”. Techniquement, on peut toujours trouver, dans la suppression des nombreuses dispositions de cette loi, une ou deux qui provoqueraient une augmentation des dépenses, et donc une irrecevabilité. Mais cela serait politiquement délicat, car c’est une réponse technique d’esquive, pas très glorieuse, à une défaite (symbolique) annoncée. 

De plus, la proposition ayant été reconnue recevable une fois, il apparaît compliqué, en cours de procédure, de changer de cap. Cela revient à reconnaître que le processus initial de contrôle n’est pas efficace, et risque de remettre en cause une souplesse qui relève plus de la tradition que du droit. Dans cette affaire, Yael Braun-Pivet n’a que des coups à prendre, d’où son faible enthousiasme à répondre à la demande du gouvernement, qui aimerait ne pas avoir à débattre d’un sujet sur lequel il voudrait tellement tourner la page.

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