Albert Camus : l'homme qui aimait les gens <!-- --> | Atlantico.fr
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Albert Camus était supporter du Racing Club de Paris.
Albert Camus était supporter du Racing Club de Paris.
©Flickr

Atlantico Lettres

Toutes les semaines, le journal Service Littéraire vous éclaire sur l'actualité romanesque. Aujourd'hui, retour sur Albert Camus, né il y a cent ans.

Bernard Morlino

Bernard Morlino

Écrivain et journaliste. Dernier ouvrage paru : “Éloge du dégoût” au Rocher. Il écrit pour Servicelitteraire.fr.

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Un siècle. 100 ans que Camus est né et pourtant il est si présent. Les livres d’Albert Camus (1913-1960) en poches ont toujours beaucoup de succès. Ces ventes ne doivent rien à une quelconque présence de disciples. La postérité a parfois bon goût. Issu d’une famille pauvre, Camus a été exclu par la caste des bourgeois parisiens qui n’aiment pas les autodidactes. L’intelligentsia le regardait de travers, surtout Sartre, parce qu’il aimait le football. Tout ce qui est populaire écœure les gens qui choisissent la gauche pour se donner bonne conscience. Camus allait à Colombes voir les matchs du Racing Club de Paris de ses copains Pieds-noirs qui portaient le même maillot que le Racing Universitaire d’Alger, son club fétiche. N’est-ce pas touchant de voir un adulte de la trempe de Camus supporter une équipe parce qu’elle porte le bleu ciel du maillot de son enfance ? Camus n’a jamais été perverti par le monde des adultes. Il a conservé sa grâce malgré les coups durs. Au fond de lui, il savait qu’il était un appelé, un authentique écrivain. Il était né pour faire de la littérature comme d’autres naissent Chinois, rouquins, grands ou petits. 

« Pourquoi Camus ? » permet à différents auteurs d’éclairer toutes les facettes de l’écrivain : l’Algérien, le citoyen, le romancier, le politique, l’humaniste, le Méditerranéen et le journaliste libre. Pierre-Louis Rey évoque Camus footballeur. La tuberculose l’obligea à stopper net le football. N’empêche, il restera toujours un amateur éclairé. Pierre Grouix, lui, met sur le même pied d’égalité Albert Camus et Marcel Cerdan. Ces deux textes sont des merveilles et je ne vois pas pourquoi Camus et le football ne serait pas moins respectable que Sartre et le communisme. A ce propos, Camus a refusé de cacher les crimes politiques à l’inverse des menteurs professionnels. Dans « Mon Cher Albert», nous retrouvons une longue séquence footballistique du Camus des années 1923-1931 grâce à un vibrant hommage inédit de son ami de jeunesse, Abel-Paul Pitous (1913-2005).

Parmi tous les livres de Camus qui paraissent pour le centenaire de sa naissance, il y a les échanges de courrier avec trois de ses amis. Dans le volume qui contient la correspondance Albert Camus-Roger Martin du Gard, le Prix Nobel 1957 de Littérature précise que l’écrivain doit être au service de ceux qui subissent l’Histoire, à l’écart de ceux qui la font. La fraternité est omniprésente dans le recueil des lettres Camus-Guilloux : « A toi, Louis, pour célébrer notre commun malheur de ne pas savoir haïr et pour témoigner de notre consolation : l’amitié. Affectueusement. » Signé Albert.  A Francis Ponge, Camus confia «sa confiance en l’homme» (20-9-1943). Quand on lui demanda se s’expliquer sur la fin de ses liens avec Sartre, Camus rétorqua : «Pour se fâcher, il faut d’abord avoir été ami… » Les éditions Gallimard republient les « Carnets » en Folio avec les journaux de voyages et ses éditoriaux de Combat. Parmi les beaux-livres, il faut lire le « Monde en partage », de Catherine Camus qui a hérité de l’humilité paternelle.

Camus ne s’est jamais plaint d’être pauvre parce que tout simplement le soleil et la mer sont gratuits. Il évoque sa « castillanerie », code de l’amour et de l’honneur aristocratiques au sens moral qui place la fidélité à ses engagements et à sa famille. Ce trait de caractère plus fier qu’orgueilleux est hérité de ses origines castillanes. Dans les éditions courantes, aucune note ne nous explique ce qu’il faut entendre dans «castillanerie ». Dans la réédition de « L’envers et l’endroit », oui. Camus n’a jamais envié quelque chose qu’il n’avait pas et que d’autres avaient : « l’envie, véritable cancer des sociétés et des doctrines ». L’auteur de «L’Etranger»  affirme que tout ce qu’il sait, il le doit à sa famille composée d’illettrés. Nul besoin d’être cultivé pour avoir du cœur et de l’intelligence. En revanche, combien de savants fous et de prétentieux trop suffisants pour nous toucher. Camus a écrit sur l’absurde et sur la révolte. La mort sur la route l’a empêché d’écrire sur l’amour, le troisième volet de son œuvre. Quand on l’a mis en terre, il a été porté par les footballeurs de Lourmarin. Des amateurs solidaires.   

A lire : Mon cher Albert, d’Abel-Paul Pitous, Gallimard, 80 p., 20 € ; Correspondance (1945-1959), Albert Camus-Louis Guilloux, Édition d'Agnès Spiquel-Courdille, Gallimard, 250 p., 18,50 € ; L’envers et l’endroit, d’Albert Camus. Dossier préparé par Geneviève Winter. Lecture d’image par Bertrand Leclair Folio plus/ Classiques, Gallimard, 162 p., 4, 20 ; Pourquoi Camus ?Collectif, sous la direction d’Eduardo Castillo. Philippe Rey, 332 p., 19 € ; L’Herne-Camus, ouvrage collectif, Les Cahiers de l’Herne, 376p., 39E. Tous les autres livres cités dans l’article sont édités aux éditions Gallimard, En folio et collection Blanche.

Source : Service Littéraire, le journal des écrivains fait par des écrivains. Le mensuel fondé par François Cérésa décortique sans langue de bois l'actualité romanesque avec de prestigieux collaborateurs comme Jean Tulard, Christian Millau, Philippe Bilger, Eric Neuhoff, Frédéric Vitoux, Serge Lentz, François Bott, Bernard Morlino, Annick Geille, Emmanuelle de Boysson, Alain Malraux, Philippe Lacoche, Arnaud Le Guern, Stéphanie des Horts, etc. Pour vous abonner,cliquez sur ce lien.

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