"#NiPigeonsNiEspions" : le secteur français du Net part en guerre contre la loi renseignement <!-- --> | Atlantico.fr
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Le secteur français du Net poursuit sa campagne #NiPigeonsNiEspions contre la loi sur le renseignement avant le vote solennel de la loi le 9 juin.
Le secteur français du Net poursuit sa campagne #NiPigeonsNiEspions contre la loi sur le renseignement avant le vote solennel de la loi le 9 juin.
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Revue de blogs

Les entreprises françaises du Net se mobilisent contre la surveillance prévue dans la loi sur le renseignement, qu'elles jugent mauvaise pour leur croissance et leur réputation à l'étranger.

Claire Ulrich

Claire Ulrich

Claire Ulrich est journaliste et fan du Web depuis très longtemps, toujours émerveillée par ce jardin aux découvertes, et reste convaincue que le Web peut permettre quelque chose de pas si mal : que les humains communiquent directement entre eux et partagent la chose humaine pour s'apercevoir qu'ils ne sont pas si différents et qu'il y a donc un moyen de s'entendre.

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63 pour cent des Français se fichent peut-être d'être écoutés et surveillés en ligne, au nom de la lutte contre le terrorisme, mais une fraction des autres n'est absolument pas d'accord et a des arguments économiques : le secteur français du Net poursuit sa campagne #NiPigeonsNiEspionscontre la loi sur le renseignement avant le vote solennel de la loi le 9 juin.

"Le gouvernement Valls ne s'en cache pas, il va sacrifier nos libertés ; mais ce qu'il ne dit pas c'est qu'il va également tuer dans l'œuf les emplois et la croissance de notre économie numérique, au profit de nos voisins européens – comme la Suisse ou le Luxembourg – plus soucieux du respect de la vie privée. Comment demander à nos clients de nous confier leurs applications, leurs documents et leurs richesses numériques, si aucune confidentialité ne peut plus être garantie ? Nous ne pourrons pas développer nos start-ups en France si nos clients et nos investisseurs n'ont pas confiance. Nous ne pourrons pas faire prospérer un secteur d'activité dont les fers de lance auront été contraints à délocaliser pour continuer leur percée."

En tête de la croisade, OVH, le plus gros hébergeur français, très présent aussi à l'international. Son fondateur mène l'assaut. Octave Klaba demande : "Veut-on contraindre les hébergeurs à partir à l'étranger?" sur le blog de OVH. "Les hébergeurs français n’hébergent pas que des clients français : ils accueillent des clients étrangers qui viennent se faire héberger en France : l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Espagne, la Pologne, les États-Unis, le Brésil, etc. En tout 30 à 40 % du chiffre d’affaire de nos hébergeurs est réalisé par ce biais. Ces clients viennent parce qu’il n’y a pas de Patriot Act  (comme aux Etats Unis) en France, que la protection des données des entreprises et des personnes est considérée comme importante. Si cela n’est plus le cas demain en raison de ces fameuses « boîtes noires » (Ndlr: de surveillance des échanges en ligne, voir un pastiche ici), il leur faudra entre 10 minutes et quelques jours pour quitter leur hébergeur français. Pour nous le résultat est sans appel : nous devrons déménager nos infrastructures, nos investissements et nos salariés là où nos clients voudront travailler avec nous."

Après les paradis fiscaux, les paradis numériques?se demande Stéphane Soumier dans son analyse de cette possible fuite. Où pourront bien aller ces hébergeurs ou ces clients qui cherchent des terres moins surveillées pour leurs secrets d'entreprises, leurs brevets, leurs base de données clients, hébergées dans les data centers français ? En Allemagne, qui devient rapidement la patrie des réfugiés numériques, en particulier Berlin, parce que l'Allemagne est très regardante sur les questions de surveillance et de vie privée, par expérience historique.  Et...au Luxembourg. Comme les réfugiés fiscaux, tout simplement.

Sous Surveillance a mis en ligne un questions-réponses sur les principaux soucis que la loi pose à leurs yeux. Une parmi d'autres : "Google et Facebook prennent déjà toutes mes données. Pourquoi s'en inquiéter quand il s'agit du gouvernement ?". Réponse : "Un service comme Google, Facebook, etc., reste un service : si je ne veux pas l'utiliser, je ne l'utilise pas. J'ai le choix. Je n'ai pas le choix de ne pas être espionné par mon gouvernement. "

Photo Dennis Van Zuijlekom sur Flickr, licence CC

Les "blogueurs officiels" de Manuel Valls

Pendant ce temps, dans une ambiance décidément peu riante, le Premier ministre a proposé lors d'une intervention dans un séminaire la création de blogueurs officiels, un "bataillon de community managers" chargés d'analyser les discours radicaux, de contrer les complotistes en ligne, de lutter contre l'endoctrinement, de relayer le message officiel du gouvernement sur les réseaux sociaux. 

Guillaume Champeau sur Numerama souligne deux points noirs : ces armées de blogueurs officiels travailleraient au sein d'une fondation privée, qui n'aurait donc pas de comptes à rendre. Et l'idée de bloguer pour porter le message officiel du gouvernement heurte encore beaucoup un cerveau français. C'est ce que font la Chine et la Russie pour '"lutter contre les rumeurs" et "maintenir un Net propre et civil", en rémunérant un nouveau genre de fonctionnaires de la propagande. En Chine, le nombre de ces "blogueurs officiels" dépasserait déjà le nombre de soldats de l'Armée rouge, le pays ayant tout misé sur le contrôle du Net.

Le long fil de commentaires qui s'est ouvert sous le post reflète toutes nos hésitations et nos doutes d'internautes peut-être naïfs, mais peu habitués jusque-là à ces problèmes. Est-ce un moindre mal ? Avons-nous le choix face à des communicants djihadistes qui n'ont pas ces délicatesses ? Faut-il protester pour ne pas ouvrir une nouvelle boite de Pandore pour nos libertés individuelles ou admettre que nous vivons désormais dans un Net de propagandes et contre-propagandes et se résigner ?  

"le Premier ministre a annoncé un nouveau volet de la stratégie de contre-propagande de l'Etat, après la censure de sites sur simple ordre administratif (et sans aucune explication fournie à ceux qui en réclament) et la création du site Stop-Djihadisme, que Google est payé à mettre en avant. La France va mettre sur pieds une Fondation de droit privé qui aura pour charge d'alimenter un "bataillon de community managers de l'État" en outils de contre-propagande pour s'opposer non seulement au djihadisme, mais plus largement aux discours dits "complotistes" qui peuvent miner la crédibilité donnée aux informations officielles de l'Etat, et donc indirectement alimenter les adversaires de la France.

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