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Violence des jeunes : l’effet contagion est scientifiquement prouvé
©PHILIPPE DESMAZES / AFP

Mimétisme

En étudiant des milliers d'adolescents américains, une étude américaine datant de 2016 apporte la preuve que la violence se propage comme une maladie.

Pierre-Marie Sève

Pierre-Marie Sève

Pierre-Marie Sève est délégué général de l'Institut pour la Justice. 

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Atlantico : Une étude américaine parue en 2016 analysait le phénomène de contagion de la violence chez les jeunes, notamment par les réseaux sociaux. En quoi cela consiste-t-il ? 

Pierre-Marie Sève : Cette étude a été publiée par deux professeurs d’Université américains. Elle était basée sur une théorie un peu plus ancienne issue des travaux d’un épidémiologiste, Gary Slutkin. 

Cet épidémiologiste avait étudié la contagion de la tuberculose à San Francisco ou du VIH en Ouganda. Revenu aux Etats-Unis, il avait vu des parallèles entre le modèle de contagion de ces maladies et le modèle de contagion de la violence parmi les adolescents américains dans les années 1990. Cette décennie noire était en effet particulièrement violente aux Etats-Unis.

Pour Gary Slutkin, les comportements violents se transmettent de personne à personne comme une maladie. Ces comportements infectent des quartiers puis des villes entières, voyez par exemple la ville de Chicago qui fait face à un très important regain de violences depuis une dizaine d’années.

Pour revenir à l’étude de 2016, c’est une très vaste étude étalée sur 25 ans. Le nombre d’adolescents parties à l’étude est impressionnant, presque 100 000. Chacun de ces adolescents a vu son entourage interrogé etc…

Le résultat confirme la théorie de Slutkin. En effet, cette étude a mesuré que les adolescents était 48% plus susceptibles d’être impliqués dans une bagarre, 140% plus susceptibles d’avoir menacé quelqu’un avec une arme et 183% plus susceptibles d’avoir blessé quelqu’un, lorsqu’ils connaissaient quelqu’un qui avait fait de même. 

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La violence est même liée jusqu’au 4ème degré de connaissance, autrement dit si un ami d’ami d’ami d’ami a commis des violences, vous avez plus de chances d’en commettre vous.

Cette étude prouve donc l’effet d’un mécanisme comportemental : le mimétisme de la violence.

Peut-on considérer que cette thèse est pertinente pour analyser les phénomènes de violence juvéniles médiatique qui se multiplient ces derniers temps ?

Il peut sembler assez évident que les sujets jeunes, et particulièrement les adolescents sont plus susceptibles d’imiter leurs camarades. 

Je pense effectivement que l’augmentation des moyens de communication est également une augmentation des moyens de comparaison. Sans réseau sociaux, on se compare à ses camarades de classes, voire les élèves d’autres établissements scolaires. Mais avec les réseaux sociaux, on se compare aux millions de comportements des millions d’adolescents à travers la France, et même à travers le monde. Bien entendu, sur ces millions de comportements, les extrêmes ont une prime de visibilité. Et bien entendu, ce sont ces comportements extrêmes que cherchent à imiter les autres utilisateurs des réseaux.

L’impact des réseaux sociaux, et donc du mimétisme comportemental exacerbé, est assez évident à l’heure de chercher les causes de la violence chez les jeunes. 

Les premiers réseaux à pointer du doigt sont Snapchat ou Twitter qui censurent très peu les vidéos violentes.

L’étude de 2016, elle, met en lumière la contagion « réelle », « physique » avec des gens que l’on connait. Aujourd’hui, on peut se demander si cette contagion ne se fait plus uniquement physiquement, mais désormais par voie numérique.

L’étude prouve que les adolescents imitent les comportements qu’ils voient. En l’occurrence, les adolescents voient désormais des comportements sur les réseaux sociaux. Ce constat est donc tout à fait pertinent, il suffit de l’étendre à tous les moyens actuels de lien social.

Comment pourrions-nous stopper cet effet boule de neige ?

Il est d’abord possible de s’attaquer à ces moyens de contagion de la violence. Il me semble ainsi qu’une certaine censure sur les réseaux sociaux peut avoir du sens. Alors qu’elle est inacceptable lorsqu’elle concerne des opinions politiques, elle est certainement souhaitable lorsqu’elle concerne des violences ou des insultes. Aujourd’hui, c’est plutôt l’inverse qui est fait : les opinions politiques sont tues et les violences ne sont pas inquiétées. A ce sujet, c’est assez emblématique de lire dans la presse récemment que le gouvernement russe a tout le mal du monde à faire supprimer par Twitter des vidéos pédopornographiques.

Il est ensuite possible de ralentir, voire de stopper, la violence chez les jeunes en remettant au goût du jour un concept honni par 40 ans d’angélisme judiciaire : la juste punition.

Depuis 40 ans, la pensée dominante propose de chercher à comprendre le jeune, de l’écouter, de lui donner une 4ème, puis une 5ème, puis une 6ème chance. C’est sans fin et aujourd’hui tout le monde constate la faillite de cette approche. 

Remettre à l’ordre du jour la punition permettra aux adolescents de méditer sur les conséquences de leurs actes et aux parents d’être responsabilisés quant au contrôle de leurs adolescents. 

C’est exactement ce que disent des professionnels du secteur, comme le Docteur Maurice Berger qui préconise ce qu’il appelle la « butée », soit la juste réponse judiciaire qui empêche avant tout l’adolescent de continuer ou de réitérer son acte violent.

Cette solution n’était, jusqu’à peu, que très impopulaire, et pourtant, c’est à ce prix que la spirale de la violence sera arrêtée.

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