Ukraine, l'accord ou la guerre : l’opération Hollande-Merkel peut-elle préserver la paix ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Une manifestation anti-Poutine, en Ukraine.
Une manifestation anti-Poutine, en Ukraine.
©REUTERS/Yves Herman

Sauveurs

Un texte pour un futur plan de paix sur l'Ukraine est en cours de préparation, suite aux négociations constructives entre Vladimir Poutine, François Hollande et Angela Merkel.

Cyrille Bret

Cyrille Bret

Cyrille Bret enseigne à Sciences Po Paris.

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Florent Parmentier

Florent Parmentier

Florent Parmentier est enseignant à Sciences Po et chercheur associé au Centre de géopolitique de HEC. Il a récemment publié La Moldavie à la croisée des mondes (avec Josette Durrieu) ainsi que Les chemins de l’Etat de droit, la voie étroite des pays entre Europe et Russie. Il est le créateur avec Cyrille Bret du blog Eurasia Prospective

Pour le suivre sur Twitter : @FlorentParmenti

 

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Atlantico : Le moteur franco-allemand peut-il réussir à casser la dynamique de la guerre en Ukraine ?

Florent Parmentier : Le premier point à souligner, c’est que le terme de guerre est enfin utilisé par le Président français pour la première fois : le fait de nommer les choses a des implications politiques directes. De ce fait, l’initiative franco-allemande s’inscrit en rupture avec les derniers mois, quand le terme pudique de "conflit" était employé, en espérant éviter une escalade du conflit.

Il y a un an, en février 2014, c’était le triangle de Weimar qui était convoqué pour effectuer une médiation entre Ianoukovitch et le mouvement Maidan. Aujourd’hui, la position polonaise rend impossible sa présence pour une médiation, étant trop engagée dans ce conflit aux côtés de Kiev. La France, elle, a indiscutablement un coup à jouer, pour plusieurs raisons : c'est un pays important militairement, central en Europe et qui a l'occasion de montrer sa contribution positive aux affaires européennes.

Le retour aux accords de Minsk ne peut pas faire rêver à une paix durable. Tout d’abord parce que cet accord n’a jamais été respecté depuis sa signature en septembre 2014 : l’accentuation du conflit en janvier n’est pas isolé dans ce sens. L’aéroport de Donetsk, si central dans l'imaginaire du conflit côté ukrainien, a été le lieu de violents combats jusqu'à sa chute... Ensuite parce que ces accords ne règlent pas toutes les difficultés en suspens.

La chance de la médiation est peut être d’arriver à un moment très particulier : le débat qui agite la communauté des think-tanks américains en ce moment concerne la livraison d’armes à l’Ukraine. Les positions sont partagées : certains pensent que l’on va ajouter « la guerre à la guerre », comme le disait François Mitterrand à propos de la guerre en Bosnie. D’autres avancent plutôt qu’il faut créer un rapport de force si l’on veut négocier un rapport de force avec les autorités russes. Le mélange de médiation et de contraintes est peut être intéressant.

Dans ces conditions, il faut souligner les efforts salutaires de l’initiative franco-allemande, mais constater que des incertitudes demeurent sur ce qu'il est possible d'obtenir comme garanties bilatérales.

Que penser de la déclaration du Président de la République : "Si nous ne parvenons pas à trouver un accord durable de paix, nous connaissons parfaitement le scénario: il a un nom, il s'appelle la guerre" ?

Cyril Bret : Il s’agit d’une déclaration tout à la fois tactique et prospective. Par cette formule, le Président français entend faire porter la pression sur la Russie.

Tactique : par cette formule, le Président français indique à mots voilés que, en cas d’échec de son initiative diplomatique, les autorités françaises réviseront leur qualification de la situation dans l’est de l’Ukraine. Jusqu’ici le conflit est décrit comme une guerre civile alimentée par des soutiens extérieurs. Même si cette qualification est en partie fictive, elle a permis de ne pas s’engager dans le processus de résolution des conflits armés prévus par les dispositifs multilatéraux et notamment les moyens militaires. Dès que la guerre sera constatée en Ukraine, ce seront des mesures exigées par la guerre qui seront envisageables.

Prospective : la guerre, déjà largement constatée (10 mois de conflit, 5000 victimes au moins et 500 000 déplacés et réfugiés) risque de se durcir. Si les alliés de l’Ukraine la considèrent officiellement comme agressée, ils risquent de prendre des mesures de nature à aggraver les hostilités : livraison d’équipements, fourniture de renseignement, formateurs, etc.

La demande de retour aux accords de Minsk, qui avaient été signés par toutes les parties mais qui n’ont pas été respectés la première fois, a-t-elle des chances d’aboutir ?

Cyril Bret : Le protocole de Minsk du 5 septembre 2014 est à la fois l’horizon indépassable de la cessation des hostilités et une tentative mort-née de faire cesser les hostilités.

C’est un horizon indépassable car les points 1, 2, 4, 10 sont les conditions d’un cessez-le-feu durable propre à favoriser les négociations : arrêt des combats, vérification par l’OSCE, retraits des groupes armés. Sans cette trêve la spirale des combats ne pourra pas être enrayée.

La différence avec septembre 2014 est que la Fédération de Russie est maintenant en position de force sur le terrain militaire (et est donc plus encline à engager les négociations une fois la victoire militaire en vue) et en position de faiblesse sur le plan économique et diplomatique (en raison de la combinaison des sanctions et de l’isolement). L’application d’un éventuel cessez-le-feu a de plus grande chance d’être solide qu’en septembre 2014.

Et derrière, les Américains se tiennent prêts...

Cyril Bret : Les autorités américaines s’interrogent désormais presque publiquement sur l’opportunité de livrer des armes à l’armée ukrainienne.

Cette démarche peut participer au jeu diplomatique. Elle procéderait d’une division du travail entre Américains agitant la force militaire et les Européens proposant une voie de sortie diplomatique.

Mais cette démarche peut également refléter une orientation américaine préoccupante : l’économie américaine ne paie pas les sanctions de la diplomatie américaine car seuls les Européens commercent intensément avec la Russie. Les Américains ont tous les bénéfices de la dureté sans aucun inconvénient.

Les déclarations américaines reflètent peut-être également la volonté non pas de trouver une issue avec la Russie – comme le souhaitent Français et Allemands – mais de l’acculer à la défaite et à l’humiliation. Là encore, les Etats-Unis en réalité désinvestis des questions européennes feraient supporter le fardeau de leur inflexibilité à des Européens contraints de voisiner avec une Russie agressive parce que rabaissée.

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