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Tour d’Europe des campagnes pour les Européennes : direction la Grèce
©Reuters

Et chez vous, comment ça va ?

Quatrième étape de notre tour d'Europe des campagnes pour les élections européennes : la Grèce, où le paysage politique a été fortement bouleversé ces dernières années et où les conséquences de la crise de la dette publique se font encore durement sentir.

Michel Vakaloulis

Michel Vakaloulis

Michel Vakaloulis est chercheur en sociologie politique. Il est également maître de conférences en science politique à l’Université de Paris VIII. Il a publié en 2013 aux éditions de l’Atelier Précarisés, pas démotivés ! Les jeunes, le travail, l’engagement

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Atlantico : A l’approche des élections européennes, quel est le contexte social en Grèce ?

Michel Vakaloulis : Les élections européennes du 25 mai prochain coïncident en Grèce avec le deuxième tour des élections communales et régionales. Le pays est confronté à un effondrement économique unique en Europe occidentale dans l’histoire de l’après-guerre qui a conduit à une vaste crise sociale et humanitaire. Depuis 2009, le PIB a chuté d’un quart, le chômage a explosé pour atteindre 27,5% (58,5% chez les jeunes de 18-25 ans), la dette publique est devenue insoutenable (plus de 175% du PIB), malgré les coupes drastiques des dépenses publiques et la hausse considérable des taxes. Plus d’un tiers de la population a basculé en dessous du seuil de pauvreté. Les mots qui expriment davantage les sentiments des Grecs face au désastre des « plans de sauvetage » sont la colère, la déception, voire la peur de l’avenir.

Quels sont les principaux motifs qui occupent la campagne électorale en Grèce ?

S’ils sont des Européens convaincus, la majorité des Grecs ont fait un travail de deuil sur une certaine conception de la construction européenne. La stratégie de choc appliquée sous l’impulsion de la troïka a transformé le pays en immense laboratoire des politiques d’austérité qui redistribuent les richesses et les pouvoirs. Décidément, les Grecs assimilent l’Europe à un système hiérarchique avec des dominants et des dominés. Ce système tend à subvertir au lieu de consolider le processus démocratique. En même temps, ils ressentent que le pouvoir de l’Europe n’est pas à Bruxelles mais à Berlin. Angela Merkel coagule toutes les frustrations et les révoltes parce qu’elle incarne la cure d’austérité infligée sans ménagement au pays. Dans ces conditions, il est difficile de prévoir le degré de la mobilisation électorale qui s’élevait à 52,5% en 2009. Pourtant, tout indique que les élections européennes prennent en Grèce la couleur d’une confrontation majeure sur des enjeux nationaux qui oppose les forces gouvernementales à la coalition de la gauche radicale (SYRIZA).

Précisément, quelles sont les forces en présence ?

Le gouvernement d’Antonis Samaras est soutenu par une coalition entre la Nouvelle démocratie (droite) et le PASOK (socialistes) qui dispose d’une courte majorité au parlement (153 députés sur 300). Mais après deux ans d’application brutale des politiques du Mémorandum qui détruisent les possibilités même d’un développement futur, il est fragilisé par le mécontentement populaire et les dissensions internes. L’étiolement de l’influence du PASOK fait peser une lourde hypothèque sur la stabilité du gouvernement. Du coup, la droite s’efforce de dé-nationaliser la signification des élections européennes. En revanche, l’opposition de gauche, SYRIZA (27% aux élections législatives de 2012), conteste le dilemme « austérité ou faillite » en arguant qu’il s’agit en réalité d’une addition régressive : austérité et faillite.

Quelle est la stratégie de SYRIZA ?

SYRIZA met en avant le caractère plébiscitaire des élections européennes pour délégitimer la politique gouvernementale et provoquer des élections législatives anticipées. Il considère que la crise grecque n’est pas une exception mais partie prenante d’une crise plus globale. Cette crise finit par subvertir la vision d’une Europe porteuse de progrès et de justice. Elle décompose la solidarité et malmène toute idée de coopération équitable et mutuellement profitable entre ses peuples. Parti antisystémique, SYRIZA n’est pourtant pas un parti anti-européen. Toute sa stratégie connote le retour de la question politique en Europe contre la confiscation de la démocratie par les élites dirigeantes. La désignation d’Alexis Tsipras, jeune président de SYRIZA, comme candidat du Parti de la Gauche Européenne à la présidence de la Commission européenne s’inscrit dans cette perspective.

A quels résultats peut-on s'attendre ?

Actuellement, la plupart des sondages placent SYRIZA devant la droite d’Antonis Samaras. Face au spectre du vote-sanction, la droite s’efforce de surfer sur le retour de la croissance qui reste un souhait salutaire plutôt qu’une réalité. Mais elle a du mal à convaincre et à mobiliser. Le PASOK est crédité à 5-6% contre 13% en 2012 et 44% en 2009. Malgré l’arrestation de son chef historique, accusé de « diriger une organisation criminelle » et les poursuites de plusieurs de ses députés pour violences physiques et meurtre, le parti néonazi Aube Dorée résiste sur le plan électoral et pourrait même améliorer son score (6,9% en 2012). Mais la grande inconnue reste l’ampleur d’une éventuelle victoire de SYRIZA. Tout se passe comme si la société grecque se préparait, lentement mais certainement, à un changement de prédominance politique dans les mois à venir. En définitive, le paysage politique reste extrêmement incertain et des retournements ou des détours ne sont pas à exclure.

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