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"Titanic, la folle traversée" : rire de la catastrophe
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De : Axel DRHEY Musique : Jo Zeugma Mise en scène : Axel DRHEY Avec : Mathieu Alexandre, Roland Bruit, Florence Coste, Camille Demoures, Axel Drhey, Julien Jacob, Jonathan Jolin, Yannick Laubin, Vianney Ledieu, Bertrand Saunier, Paola Secret et Jo Zeugma. Et en alternance : Geoffrey Callènes, Nikola Carton, Christophe Char

Anne-Claude  Ambroise-Rendu pour Culture-Tops

Anne-Claude Ambroise-Rendu pour Culture-Tops

Anne-Claude Ambroise-Rendu est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

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THÈME

En entrant dans le théâtre de la Renaissance, dont le hall est encombré par un amoncellement de bagages, de bouées et décoré d’affiches de la compagnie, le spectateur embarque littéralement dans le paquebot de luxe de la White Star Line. Il est accueilli aimablement par le commandant Smith et le personnel de bord, qui lui souhaitent une bonne traversée.

Dans la salle toujours allumée il croise les passagers sur le point de monter dans le navire : Lise, sa mère et son riche fiancé, l’héritier indigne parce que parfaitement benêt d’un actionnaire important de la compagnie, le commandant évidemment. Installé sur la scène, le spectacle se déploie autour d’Arsène, quartier-maître de cérémonie, qui accueille également un prêtre en plein doute, une demi-mondaine prête à tout, James qui attrape le bateau au vol et rêve de faire fortune en Amérique. Le navire quitte le port et la scène s’emplit de musique et de mouvements tandis que la salle est secouée par le rire, sous la houlette d’un commandant en perpétuel décalage avec les exigences de sa fonction.

On connait la suite inspirée du film aux onze oscars de James Cameron : la rencontre amoureuse entre deux jeunes gens séparés par une hiérarchie sociale que l’organisation spatiale du bateau ne permet pas d’oublier, l’ivresse d’un commandant soucieux de battre tous les records de vitesse, la rencontre avec l’iceberg, le lamentable naufrage de ce bateau réputé insubmersible et les 1500 morts qui n’ont pu trouver de place dans les canots de sauvetage en nombre insuffisant.

POINTS FORTS

Le parti pris d’en rire est évidemment une trouvaille qui ne dissimule rien de cette tragédie absurde mais lui offre, via la satire sociale, une perspective critique. Les parodies de quelques scènes cultes du film de James Cameron viennent d’ailleurs appuyer la critique, faisant des intentions suicidaires de la pauvre jeune fille riche une occasion de s’amuser.

L’investissement de la salle - qui tient autant aux déambulations des comédiens entre les rangs et dans les allées – qu’aux usages variés des loges de côté et des baignoires (de la salle des machines, aux hauteurs de l’orchestre accompagnant le dîner des premières classes), donne tout son relief et sa saveur à ce voyage théâtral. Le risque était de faire du cinéma filmé, ce que ce spectacle évite avec grâce, en occupant toutes les dimensions d’un espace partagé avec le public.

Le naufrage, ce morceau de bravoure à la fois risqué et attendu, est astucieusement symbolisé par une chorégraphie frontale dans un clair-obscur très esthétique et cinématographique.

Et les musiciens demeurent sur la scène tandis que la salle se vide, comme ils ont continué de jouer sur le navire en perdition.

QUELQUES RÉSERVES

Elles tiennent surtout à la manière dont s’amorce le récit : un peu longue, lente et comme embourbée. La première pièce musicale n’est pas très réussie. Le navire a du mal à quitter le port puis, gagnant la haute mer, trouve son rythme tandis que le commandant ordonne de forcer l’allure, en dépit de toutes les précautions.

ENCORE UN MOT...

Titanic est donc une comédie musicale légère et pétillante, mais aussi une critique sociale. Si la comédie submerge et engloutit le drame, le burlesque l’esprit de sérieux, la musique les conversations, c’est pour mieux mettre en relief ce qui sépare les uns des autres : les riches des pauvres, la première classe où l’on écoute des valses viennoises, de la troisième, où l’on danse des gigues irlandaises. 

Les personnages (exceptée les amoureux, l’amour est une chose sérieuse) sont comme frappés d’une sorte de loufoquerie à la fois hilarante et tragique, la palme allant ici au commandant (dont la ressemblance avec Edward John Smith le capitaine du Titanic est frappante), érotomane bon enfant et totalement inconscient. On rit donc beaucoup plus qu’on ne pleure sans que le sort des basses classes, bouclées dans le pont inférieur, soit passé sous silence.

UNE PHRASE

Le commandant Smith : « Il faut que ça carbure, alors dites aux esclaves là-bas en bas de ramer à toute allure. »

Arsène (le quartier-maître) : « En cas de naufrage, des portes d'armoires normandes seront disséminées çà et là. Normalement, on tient à deux dessus. »

Arsène [au commandant Smith] : « Vous serez dans les temps. »

Le commandant Smith : « Ah, bon ? Je croyais qu’on naviguerait en haute-mer... » 

L'AUTEUR

Après avoir mis en scène Ruy Blas ou La Folie des Moutons Noirs, qui remporta un succès au festival d’Avignon en 2014 et 2015, Axel Drhey donne ici sa troisième création avec la compagnie des moutons noirs.

Créée au centre culturel La Lanterne à Rambouillet (78) en septembre 2020 et interrompue par le Covid, Titanic la folle traversée a repris la haute mer en ce mois de juin, et sera présentée dans le Off à Avignon du 7 au 31 juillet.

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