Tensions sur l’immigration: l’Europe en marche vers une flambée de violence ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Des membres du mouvement nationaliste d'extrême droite "1143", lors d'une manifestation contre l'immigration au Portugal, le 3 février 2024.
Des membres du mouvement nationaliste d'extrême droite "1143", lors d'une manifestation contre l'immigration au Portugal, le 3 février 2024.
©PATRICIA DE MELO MOREIRA / AFP

Climat délétère

Agressions au couteau en Allemagne, manifestations pro-palestiniennes émaillées de violence au Royaume-Uni, émeutes anti-immigration en Irlande ... L'Europe semble en proie à des tensions jusque-là inédites.

Rodrigo Ballester

Rodrigo Ballester

Rodrigo Ballester dirige le Centre d’Etudes Européennes du Mathias Corvinus Collegium (MCC) à Budapest. Ancien fonctionnaire européen issu du Collège d’Europe, il a notamment été membre de cabinet du Commissaire à l’Éducation et à la Culture de 2014 à 2019. Il a enseigné à Sciences-Po Paris (Campus de Dijon) de 2008 à 2022. Twitter : @rodballester 



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Karim Maloum

Karim Maloum

Karim Maloum est journaliste.

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Atlantico : Les incidents et les tensions liés à l’immigration se multiplient en Europe. Deux personnalités politiques ont été agressées en Allemagne dans des attaques au couteau à Mannheim dans un contexte lié à l’islamisme. Au Royaume-Uni, des manifestations étaient organisées contre le "londonistan" le week-end dernier. Les tensions sont toujours vives en Suède et des émeutes anti-immigration ont eu lieu en Irlande. Qu’est-ce que révèlent ces réalités à l’échelle européenne sur les tensions sur l’immigration ? L’Europe est-elle en marche vers une flambée de violence ? Quelle est l’ampleur des violences et des tensions sur l’immigration dans les pays européens ?

Rodrigo Ballester : Sans parler des Pays-Bas et son revirement électoral, la Belgique qui élira également ses députés nationaux et régionaux ce week-end et dont les sondages en Flandres prévoient un raz-de-marée souverainiste), l’Espagne et les tensions migratoires surtout en Catalogne, le Danemark et ses politiques de contrôle migratoire très strictes, l’Italie qui accumule les polémiques notamment au sujet de impact culturel de la migration dans les écoles, et j’en passe. La migration illégale est, de loin, le sujet le plus épineux et omniprésent de cette campagne électorale et la préoccupation principale dans tous les pays d’Europe occidentale. Ce rejet est encore plus présent dans les pays accueillant une immigration arabo-musulmane et a été en plus exacerbé par le conflit au Moyen Orient et les manifestations, parfois violentes, souvent agressives en faveur de la Palestine.  Toute l’Europe est concernée par ce phénomène à l’exception de l’Europe centrale et de l’Est.

Flambée de violence ? L’assassinat d’un policier à Mannheim et l’attaque contre un politicien de l’AFD ne sont heureusement pas encore monnaie courante. Mais ne nous voilons pas la face, la violence directement ou indirectement liée à une immigration massive et mal gérée est bien présente en Europe occidentale. Elle prend les traits du séparatisme, du communautarisme, de l’antisémitisme, du racisme (y compris contre les autochtones) et, dans le pire des cas, du terrorisme. Vous en savez quelque chose en France. Si en plus, cette situation à fleur de peau est niée par les élites politiques et judiciaires, si on rajoute une certaine gauche qui jette des litres d’huile sur le feu, la perception victimaires de certaines communautés, et l’hystérie des réseaux sociaux, et bien il n’a pas de quoi être optimiste. La violence est bien là. Va-t-elle augmenté ? Voilà la seule question.

Karim Maloum : La tension est vive en Europe. Cela ne concerne pas uniquement l’Allemagne, toute l'Europe est concernée, même la France. Cela fait une dizaine d'années qu’Angela Merkel a accepté d'accueillir plus d'un million de réfugiés venant de Syrie ou d'Afghanistan notamment. Il n’y a eu aucun contrôle. Tout le monde est entré au cœur de l’Union européenne. Parmi ces migrants, il y a des individus qui détestent l'Europe, qui détestent la démocratie, qui détestent l'Occident.

Les services de renseignement considèrent que Daesh s’est reconstitué en Allemagne et en Europe. L’arrivée des migrants sans contrôle a des conséquences comme on l’a vu en Allemagne. Cela a conduit à la montée de l’extrême droite chez nos voisins allemands. Dans des pays de liberté, il est normal de dire ce que l’on pense d’une religion. Personne ne devrait subir de coups de couteau pour avoir critiqué une religion ou les islamistes.

Il y a des migrants qui sont des victimes et il y a des migrants qui profitent de la situation et qui cherchent à nuire aux pays d’accueil et qui n’aiment pas la démocratie.

La politique d’accueil en Allemagne a été une erreur politique et stratégique. De plus en plus de personnes mal intentionnées sèment la terreur en Europe. Cela a des conséquences négatives dans les différents pays européens. Une partie de la population exprime son mécontentement dans le cadre de manifestations anti-immigration comme en Angleterre ou en Irlande. Cela renforce le climat de tensions.

En parallèle des attaques perpétrées par des individus liés à l'islamisme, il y a effectivement au Royaume-Uni des manifestations contre l'islam. Des rassemblements contre le "Londonistan" ont eu lieu le week end dernier. Il y a aussi eu en Irlande des émeutes anti-immigration. Est-ce qu’il n'y a pas un spectre de tensions accrues liées à l’immigration au Royaume-Uni et en Irlande ?

Karim Maloum : Ces tensions sont quotidiennes aujourd’hui. Une partie des migrants veut imposer sa loi. Ils n'aiment pas nos femmes, ils n’aiment pas la manière que nous avons de manger, ils n’aiment pas comment nous nous habillons. L'islamisme fonctionne de cette manière. Il gagne mètre carré par mètre carré.

A travers l’Europe, ils avancent pas à pas, avec une grande vitesse et au nom de la démocratie, rien n’est vraiment fait pour les empêcher. Est-ce que la démocratie peut accepter ses ennemis ? Est-ce que la démocratie peut accepter les ennemis de la liberté ? Est-ce que la démocratie peut accepter des ennemis de la femme ? Est-ce que la démocratie peut accepter des gens pour qu’à chaque fois qu'il y a une critique contre la religion ou une pratique religieuse il y ait une agression ? Ce n'est pas ça la démocratie.

Notre logiciel doit être revu.

Au regard de ce panorama assez inquiétant en Europe, la situation est extrêmement tendue, notamment en Suède, en Allemagne ou au Royaume-Uni. Ces tensions en Europe liées à l’immigration sont-elles alimentées par les islamistes, par l'extrême gauche, l'extrême droite ? Cela ne contribue-t-il pas à un cocktail explosif ?

Karim Maloum : Les faits sont clairs. Il y a une lecture très facile de l'extrême gauche qui adopte une lecture racialisante qui transforme les étrangers, les migrants, les minorités, les musulmans en victimes. De plus en plus de personnes issues de l’immigration, les enfants d’immigrés, se sentent stigmatisées.

Il y a une jonction en Europe entre le discours de l'extrême gauche et des islamistes. Il y a un terrain d'entente pour se mettre d'accord et s'opposer à nos démocraties. Pour le cas de la France, LFI a notamment récupéré la cause palestinienne. Ils ne cherchent pas à défendre les Palestiniens ou les Israéliens comme tous les démocrates. Ils instrumentalisent la cause palestinienne pour développer un discours anti-israélien, un discours anti-juif s'adressant à des minorités, à des musulmans pour gagner des voix. Ils prennent les musulmans pour des êtres primaires. La France insoumise, à la manière de la stratégie de l'extrême gauche en Europe, cherche à s’appuyer sur les minorités.

Il y a donc une jonction entre l'extrême gauche, l'extrême droite et l'islamisme en Europe. Cela constitue un cocktail explosif.

L'extrême gauche a transformé la lutte des classes en un conflit religieux. Cette situation est très dangereuse.

En cas de critique contre l'islam, toute l'extrême gauche et tous les islamistes se mobilisent et émettent des accusations d'islamophobe, de racisme et cela conduit à mettre des cibles sur le dos. Le combat politique est transformé en conflit religieux.

Je ne pense pas que les Français ou les Européens vont l'accepter. Il y a une tolérance, mais elle a une certaine limite.

Au regard des tensions venues des rangs des islamistes, de l’extrême gauche ou de l’extrême droite, quelles pourraient être les conséquences d’un tel climat de violences et de tensions ? Quels sont les risques concrets de « guerre civile » ou de violences physiques ? Face à ce contexte, quel pourrait être l’impact électoral et le risque politique en Europe ?

Karim Maloum : Une autocritique est nécessaire. Les démocrates, les républicains ont failli. Les démocrates ont abandonné le combat des idées. Ils ont laissé des idées simplistes, les idées défendues par les islamistes ou par l'extrême gauche prendre le dessus.

En 1989, avec la chute du mur de Berlin, la fin des idéologies a été actée. La démocratie libérale a triomphé. Le libéralisme est partout et donc il n'y a pas de débat idéologique. Les islamistes en ont profité. Il a fallu attendre presque vingt ans pour avoir un véritable débat en Europe sur l'islamisme. Les islamistes ont gagné énormément de terrain.

Les Européens sont fatigués de cette tension. Ce n'est pas pour rien que dans les sondages en France, le Rassemblement National et Reconquête fassent  40 % dans les sondages. Les Français et une partie des européens sont fatigués de voir cette immigration incontrôlée détruire nos valeurs et d’assister au développement de l’islamisme.

Qu'est ce qui empêche le gouvernement français, le président de la République de prendre à bras le corps le sujet ? C'est une question de cohésion nationale. Ça, c'est le rôle du président de la République. Il ne peut pas laisser faire ce qu’il se passe à l'Assemblée nationale avec les députés de La France insoumise qui instrumentalisent la cause palestinienne. Il ne peut pas laisser les Frères musulmans faire la loi. Il ne peut pas laisser les gens se faire poignarder et insulter. Il y a une faillite intellectuelle, démocratique et morale. Les Français et les Européens ont décidé de se prendre en charge et commencent à se prendre avec de mauvaises méthodes mais c'est aux démocrates d'intervenir.

Des dérapages, effectivement comme en Allemagne ou au Royaume-Uni, peuvent avoir lieu. Des citoyens vont décider de faire leur propre sécurité, de se défendre eux-mêmes. Il y a un danger à ce stade.

Rodrigo Ballester : Guerre civile, l’expression est trop lourde. Mais comment ignorer la mise en garde Gérard Collomb après son séjour Place Beauveau ?  Comment ignorer la réalité d’une France et de nombreux pays d’Europe occidentale ou des communautés vivent les uns en face des autres ? Alors, une guerre civile au sens littéral avec des camps s’affrontant sur un champ de bataille, non. Mais des séparations territoriales dans un même pays, dans des quartiers,  villes voire des régions et même au niveau politique avec l’apparition de partis confessionnels, cela existe déjà et bien aveugle est celui qui ose encore le nier, mais ils sont malheureusement très nombreux.

L’impact électoral est clair : une percée des partis contraires à l’immigration illégale et prêts à prendre le taureau par les cornes avec un discours et des programmes clairs. Mais cela changera-t-il pour autant la situation sur le court et moyen terme ? J’en doute, car d’une part cette percée ne sera pas un tsunami qui renverserait l’équilibre actuel au sein du Parlement Européen . Deuxièmement, détricoter la toile d’araignée juridique et administrative qui empêche de changer de cap prendra du temps si elle a lieu. Et finalement, n’oublions pas qu’une partie non négligeable des électeurs européens reste favorable à la migration. C’est une donc une question extrêmement clivante qui risque de muter en schisme social, le sujet qui cristalisera un antagonisme au sein même de nombreux pays européens. LE tout, dans un climat couvé de violence.

Le risque principal pour l’UE, c’est tout simplement de ne pas survivre à cette situation ou d’y perdre trop de plumes. La gestion migratoire est majoritairement une compétence européenne et force est de constater qu’une grande partie des électeurs européens considèrent que l’UE a échoué dans ce domaine. Pourra-t-elle redresser la barre ? L’UE sera jugée sur ce bilan et si d’ici cinq ans la situation reste la même, alors le résultat des elections européennes pourrait bien, cette fois-ci, opérer un grand basculement.

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