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Talk to Books : le nouvel outil de Google qui permet d’interroger une base de 100 000 ouvrages. Petite révolution ou gadget... inquiétant ?
©Amelie QUERFURTH / AFP

Livre, qui est-tu ?

Google a récemment dévoilé une nouvelle application baptisée "Talk to Books". Grâce à cet outil, les internautes peuvent désormais converser avec les livres en interrogeant une base de données de 100.000 ouvrages.

Dominique Wolton

Dominique Wolton

Dominique Wolton a fondé en 2007 l’Institut des sciences de la communication du CNRS (ISCC). Il a également créé et dirige la Revue internationale Hermès depuis 1988 (CNRS Éditions). Elle a pour objectif d’étudier de manière interdisciplinaire la communication, dans ses rapports avec les individus, les techniques, les cultures, les sociétés. Il dirige aussi la collection de livres de poche Les Essentiels d’Hermès et la collection d’ouvrages CNRS Communication (CNRS Éditions).

Il est aussi l'auteur de nombreux ouvrages dont Avis à la pub (Cherche Midi, 2015), La communication, les hommes et la politique (CNRS Éditions, 2015), Demain la francophonie - Pour une autre mondialisation (Flammarion, 2006).

Il vient de publier Communiquer c'est vivre (Cherche Midi, 2016). 

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Pierre-Marie Coupry

Pierre-Marie Coupry

Pierre-Marie Coupry est un spécialiste du web et l'expérience utilisateur. 
 
Entrepreneur et consultant en communication digitale,  il conseille des  grands groupes et start-ups dans l'optimisation de leur présence en ligne.
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En tapant un mot, une expression ou une question, le moteur de recherche "Talk to Books" répond par des extraits appropriés, un peu comme une personne pourrait le faire lors d'une conversation. L'outil scanne une gigantesque bibliothèque en un temps record. Quels sont les avantages et les risques de cette nouvelle fonctionnalité de Google ? En quoi est-elle innovante?

Dominique Wolton : C'est toujours une question de fascination et de facilité. Nous sommes fascinés par la vitesse d'accès à l'information et à la connaissance.  De même, il est plus facile de taper une requête que de lire un livre. Mais il faut comprendre que la vitesse n'est pas le symbole du progrès. Le travail de la connaissance est complexe, il ne s'agit pas seulement de correspondances entre des mots ou des expressions. Souvent, avec internet, on pense que tout devient facile, mais ce n'est pas le cas. Le temps gagné pour accéder à l'information, n'a pas de rapport direct avec notre culture. C'est un peu comme avec les sites de rencontre en ligne, il est simple d'entamer une relation. Il est, en revanche, plus difficile de la faire durer.

Pierre-Marie Coupry : Talk to Book est avant tout un outil expérimental, qui a pour objectif de faire une démonstration, dans des  conditions réelles, des travaux  en recherche et développement de Google… C'est une innovation qui permet de comprendre la capacité de l'intelligence artificielle à répondre en langage courant à des questions posées sur le même registre.  Il est basé sur la technique du "Machine Learning", qui  prédit les réponses possibles et qu'il affine en temps réel. Ses "compétences" augmentent grâce à l'analyse permanente du comportement des utilisateurs aux réponses qu'il leur apporte. 
Il semble trop tôt pour utiliser cet outil dans un cadre professionnel, scolaire ou universitaire. L'intérêt réside pour l'instant dans la familiarisation avec l'évolution des interactions homme-machine Ce type de fonctionnalité est un moyen pour Google de chercher des usages plus naturels pour les utilisateurs. C'est déjà ce que la société a commencé à faire avec son assistant domestique Google Home

Un tel outil peut-il remplacer le fait de lire un livre ou de s'instruire sur un domaine ? Peut-il transformer notre rapport au savoir? 

Dominique Wolton : Je n'ai rien contre ce genre d'outils, mais cela n'a rien à voir avec de la connaissance humaine. C'est l'éternelle question de l'anthropomorphisation des machines. La technique utilisée par ce type de fonctionnalités n'est pas problématique en elle-même, c'est le discours tout autour qui peut s'avérer inquiétant. Il ne faut pas humaniser ces outils. Nous sommes des êtres bien plus compliqués, bien plus aléatoires que ne l'est l'intelligence artificielle. Faire un rapprochement entre les deux est dangereux.

Pierre-Marie Coupry : Le fait de découvrir autant d’ouvrages aussi rapidement ne donne pas pour autant envie de lire, pas plus en tout cas qu'un dictionnaire de citations ! Cet outil est à prendre comme un immense dictionnaire interactif. Selon le type de recherches et le besoin, il peut ouvrir de nouvelles perspectives d'apprentissage ou de découvertes littéraires à ses utilisateurs, comme il peut juste être utilisé pour trouver une réponse pratique à une question ou une citation appropriée à un devoir. Son pendant imprimé a permis à des millions de lycéens de citer Blaise Pascal, Platon ou Aristote sans qu'ils n'éprouvent l'envie de plonger dans leurs oeuvres…

Quelles sont les limites de cette fonctionnalité ?

Dominique Wolton : Ces applications butent toujours sur la diversité culturelle. Elles se présentent comme des accélérateurs de cette diversité, mais se restreignent en réalité à la même offre pour tout le monde. "Talk to Books" fonctionnera, par exemple, de la même manière en France qu'à Singapour.

Pierre-Marie Coupry :  En permettant à une personne de formuler une question et d'obtenir la réponse appropriée dans un format conversationnel, le rapport cognitif de l'interaction homme machine évolue radicalement. Si cette évolution est particulièrement intéressante d'un point de vue neuromarketing, elle comprend des risques. Par exemple, des appareils dépourvus d'écrans et de claviers, comme Google Home, pourront mener des conversions d'apparence naturelle en proposant uniquement la réponse la plus satisfaisante selon leurs algorithmes. Cela réduit de facto les opportunités pour l'humain de faire des choix faute d'alternatives. Sans systèmes de contrôle adéquats, cela ouvre la porte à toutes les manipulations.

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