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Stanley Kubrick : 
l'intelligence qui rend fou
©

2011, l'Odyssée du space

Une exposition est consacrée au cinéaste anglais à la Cinémathèque de Paris, une occasion de revenir sur l'univers d'un visionnaire.

Philippe Franceschi

Philippe Franceschi

Philippe Franceschi est l’un des trois fondateurs de La Tête qui Manque, communauté de recherche et recherche de communauté, située à mi-chemin entre Southpark et la revue Documents.

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Déconnecter Hal. Ce refrain ne hante pas seulement le cosmonaute de 2001, L'Odyssée de l'Espace. Tous les personnages des films de Stanley Kubrick pourraient se l'approprier. Déconnecter Hal. Annuler le plan hasardeux de L'Ultime Razzia. Désamorcer la bombe du docteur Folamour. Ne pas prétendre « soigner » le criminel d'Orange Mécanique grâce au traitement Ludovico.

Chaque film de Kubrick explore le conflit qui oppose l'intelligence à ce qu'elle produit. Cette cruelle tendance qu'a la raison, au-delà d'une certaine limite, à se dévorer elle-même pour basculer dans la stupeur, le non-sens, la bêtise, la peur et les affres de l'égarement.

L'ambivalence de l'intelligence kubrickienne

Ce point de bascule, ce tumulte anime l’œuvre du cinéaste, où l'intelligence est toujours porteuse d'un pouvoir ambivalent. Poussée à bout, elle donne la logorrhée mentale qui empoisonne les méninges d'Humbert Humbert, dans Lolita. Ou bien la démence paranoïaque de Jack Nicholson dans Shining : l’image du fou satisfait de son œuvre, à savoir la répétition sur des centaines de page du même proverbe, « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras » (« all work and no play makes Jack a dull boy »), a la saveur de la confession d’un enfant du XXème siècle.

Ouvrez les journaux : l'esprit est un OVNI capable d'échapper à tout contrôle, un monolithe anthracite à usage indéterminé, qui flotte dans l’espace, et dont la folie destructrice n’a rien à envier à celle des passions. Rappelez-vous l’ouverture de 2001 : un singe hirsute et agressif lance un os qui se change en vaisseau spatial.

Se concentrer sur les images, pas sur les mots

Le tour de force (ou de forme) de Kubrick est d'avoir su fondre la violence de son propos dans des images de cinéma. C'est pour ça que Kubrick est plus célèbre qu'Adorno. Au lieu de vouloir traduire sa pensée en mots, en phrases ou en interminables dialogues, chacun de ses films depuis 2001 est avant tout une expérience visuelle et sonore, où la virtuosité technique et le brio de la mise en scène provoquent volontairement chez le spectateur un état proche de l’hypnose. Ecoutons le cinéaste :

« Un routier de l'Alabama, dont les vues dans tous les autres domaines seraient extrêmement limitées, peut écouter un disque des Beatles et l'apprécier au même niveau de perception qu'un jeune diplômé de Cambridge, parce que leurs émotions et leur subconscient sont beaucoup plus semblables que leur intellect. Leur réaction émotionnelle subconsciente les relie. Un film qui parvient à communiquer à ce niveau peut produire un impact plus profond, plus étendu dans sa gamme que n' importe quelle forme de communication verbale. Le problème du cinéma est là : depuis l'arrivée du parlant, l'industrie du film s'est montrée conservatrice et a misé sur le dialogue, les mots. La construction en trois actes est restée le modèle. Il est temps d'abandonner la vision conventionnelle du cinéma, le film comme prolongement de la pièce en trois actes. Trop de gens de plus de 30 ans se concentrent encore sur les mots plus que sur les images. »(Extrait d'un entretien publié dans The Film Director as Superstar, Joseph Gelmis, 1970).

Stanley Kubrick, un visionnaire

Ce qui distingue l’artiste, c’est d’être exceptionnellement sensible aux modèles de perception. Que quelque chose change dans notre façon d’interagir avec le monde, dans nos modes de vie et de pensée, et il en aura tout de suite l’intuition. Kubrick a senti le basculement qui a eu lieu au XXème siècle, au cours duquel nous sommes passés d’une société de l’écrit, logique et rationnelle, aux nébuleuses affectives, discontinues et symboliques, que façonnent les médias d’aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle vous pouvez être né en 1990, adorer Shining et chantonner la devise du Docteur Folamour : comment j’ai appris à ne plus m’en faire et à aimer la bombe.

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