Russie ou Europe : qui perd le plus aux sanctions ? Les économistes commencent à avoir des réponses<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président américain Joe Biden et le président russe Vladimir Poutine lors d'une rencontre diplomatique à Genève, le 16 juin 2021.
Le président américain Joe Biden et le président russe Vladimir Poutine lors d'une rencontre diplomatique à Genève, le 16 juin 2021.
©©DENIS BALIBOUSE / POOL / AFP

Éléments de réponse

C'est ce qui ressort d'une étude menée par François Langot, professeur d'économie à l'Université du Mans, Franck Malherbet, professeur d'économie à l'ENSAE Paris, Riccardo Norbiato, doctorant à l'Ecole Polytechnique et Fabien Tripier, professeur d'économie à l'Université Paris Dauphine

François Langot

François Langot

François Langot est professeur d'économie à l'université du Mans, chercheur au CEPREMAP, professeur à l'École d'économie de Paris, membre senior de l'Institut universitaire de France et chercheur à l'IZA.

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Atlantico : Vous venez de publier une étude sur le coût économique des restrictions commerciales pour la Russie et étudiez à quel point l’unité pesait dans cette bataille. Aujourd’hui quel est le coût des sanctions ?

Francois Langot : Le coût des sanctions à l’encontre de la Russie serait très important si elles sont élargies au pétrole et au gaz : les pertes de revenu pour un russe s’élèveraient à 2,3%. Pour l’Europe, les pertes s’élèveraient à 0,7% des dépenses nationales. Pour les autres régions du monde, la dépendance à la Russie étant beaucoup moins forte, un embargo ne coûterait pratiquement rien aux États-Unis ou à la Chine, même si cette politique n’est pas envisageable pour ce pays. L’arrêt de l’importation de gaz et de pétrole russe n’est pas un problème pour les USA car ils sont un pays producteur. 

Certains pays gagneraient même à mettre en place un embargo. Les Canadiens par exemple en bénéficieraient car les États-Unis leur demanderaient plus d’électricité pour alimenter la cote est. Les Américains pourraient alors vendre aux Européens plus de gaz liquide. Lorsque l’on met en place un embargo, tout le monde n’est pas perdant. Si l’on isole la Russie, d’autres vont vendre à sa place. Le marché est mondial.

L’unité des pays dans les sanctions permettrait-il de diminuer leur coût ?

Si les sanctions sont coordonnées, cela coûtera toujours aux Européens 0,7% de dépenses nationales. Si les autres pays sanctionnent la Russie, cela limite pour elle les possibilités de vendre ailleurs ce qu’elle ne pourrait plus vendre en Europe. Donc, si on se coordonne tous pour limiter nos achats à la Russie, cela sera beaucoup plus efficace. La Russie gagne de l’argent car elle vend tous les jours des millions d’euros d’énergie aux Européens. Si l’on limite ses exportations, le financement de ses dépense de guerre sera beaucoup plus difficile. Il faut donc sanctionner de manière globale. 

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Un jour de guerre russe est compensé par un jour de consommation de gaz et de pétrole acheté par l’Europe. Chaque jour l’Europe paie donc ce que la Russie est en train de faire militairement à l’Ukraine. Pour arrêter Poutine, il faudrait faire plus et stopper le financement de ses dépenses militaires.

Que représente le coût de ces sanctions pour les citoyens ?

Pour l’instant, les USA exercent des sanctions sur l’énergie et les transactions financières. Les Européens ont mis en place des sanctions sur les transactions financières et le charbon, ce qui était facile à faire. Si l’on envisage à prendre des sanctions qui vont nous coûter plus, on doit alors se demander si les Français sont prêts à perdre du pouvoir d’achat pour arrêter une guerre. Ces pertes seraient de 250 euros par an, ce qui semble être un sacrifice à la hauteur des vies sauvées.

Quel serait donc le secteur le plus concerné ? L’énergie ? 

L’énergie est le secteur qui permet à la Russie de se maintenir à flot financièrement. Il faut donc agir sur ce secteur car la moitié des exportations russes d’énergie est achetée par l’Europe (8,5% du PIB russe). La Russie ne pourrait pas vivre longtemps sans ces recettes venant d’Europe.

Aujourd’hui nous n’avons pas été uni et capable de nous aligner sur le niveau d’engagement des Britanniques. Les Européens sont les derniers à sanctionner alors qu’ils sont ceux qui financent, indirectement, le plus la dépense de guerre russe. Quelle asymétrie énorme ! Ceux qui aident indirectement le plus la Russie, c’est-à-dire ceux qui la sanctionnent le moins, sont aussi ceux qui se présentent comme les plus ardents défenseurs de la solidarité sur la scène internationale. Le motif avancé pour ne pas sanctionner la Russie serait qu’elles coûteraient plus aux populations des pays européens qu’à la Russie. Des personnalités politiques allemandes et françaises ont avancé cet argument qui est faux : les pertes de pouvoir d’achat d’un russe seraient 4 fois plus élevées que celles d’un Européen. Diffuser ces fausses informations dans l’opinion fait peur et justifie l’inaction. En fait, l’action est de demander une contribution de « seulement » 250 euros par an pour arrêter une guerre… ce qui semble acceptable pour la solidarité européenne. 

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