Ron DeSantis versus Trump : voilà pourquoi le match tourne pour l’instant à l’avantage du second<!-- --> | Atlantico.fr
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Le sentiment dominant, notamment au sein de la base, est que le président Trump a droit à un deuxième mandat et qu'il a donc le droit de se présenter et de laisser les électeurs décider.
Le sentiment dominant, notamment au sein de la base, est que le président Trump a droit à un deuxième mandat et qu'il a donc le droit de se présenter et de laisser les électeurs décider.
©MARK WALLHEISER / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Course à l’investiture républicaine

Ron DeSantis voit entre autres la base du parti républicain soutenir ardemment Donald Trump.

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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Atlantico : Pourquoi Ron DeSantis a du mal à s'imposer, en particulier face à Donald Trump, dans cette tentative d'obtenir l'investiture républicaine pour la présidentielle ?

Gérald Olivier : La raison principale est que Donald Trump a une emprise considérable sur une grande partie de l'électorat républicain. 30% de cet électorat lui est totalement acquis et les sondages le créditent de 58% des intentions de vote dans la primaire républicaine... Cela laisse peu de place pour les autres candidats. De plus, ce soutien envers Trump ne repose pas seulement sur des arguments rationnels, mais aussi sur un véritable culte. Les partisans de Donald Trump sont attachés à lui de manière émotionnelle. Ils ne changeront pas de candidat du jour au lendemain simplement parce que quelqu'un d'autre se présente.

L’autre raison tient au fait que Ron De Santis se bat pour le même électorat que Trump et sur des thèmes comparables. Il se présente comme anti-woke, anti-système et anti-Washington. Comme Trump. Mais à la différence de Trump, De Santis a fait partie de Washington comme élu du Congrès pendant une dizaine d’années. De plus,  il ne possède ni la crédibilité, ni la renommée, ni le charisme de Donald Trump. Du coup il est difficile pour lui de se démarquer et de réussir à émerger.

Et est-ce que le fait que Ron DeSantis essaie d'adopter des accents de Trump dans sa rhétorique, notamment en termes de populisme, mais qu'il ait lui-même un passé plus lié à l'establishment, peut jouer contre lui ?

Le problème, si vous voulez, c'est que Ron DeSantis possède un excellent curriculum vitae pour prétendre à la présidence. Cependant, le terrain est déjà occupé. Les électeurs républicains auraient préféré qu'il ne se présente pas. Le sentiment dominant, notamment au sein de la base, est que le président Trump a droit à un deuxième mandat et qu'il a donc le droit de se présenter et de laisser les électeurs décider. Il a effectué un premier mandat et s'est présenté pour un deuxième, mais il a été battu dans les circonstances que nous connaissons. Cela ne lui enlève pas le droit de prétendre à un nouveau mandat en tant que président sortant. Les électeurs républicains auraient souhaité que Ron DeSantis attende jusqu'en 2028 pour se présenter, et bénéficie même du soutien de Donald Trump  devenant ainsi son héritier.  Il ne fait aucun doute que 2024 sera la dernière campagne de Trump, et tout le monde est très conscient de cela. Soit il perd, et cette fois-ci c'est fini en raison de son âge avancé et parce qu’il aura été battu deux fois de suite ;  soit il gagne  et dans ce cas passe la main au terme de son mandat. Quoi qu’il en soit en 2028 les Républicains seront inévitablement dans l'après-Trump, ce qui donnera à De Santis toute la légitimité nécessaire pour faire valoir ce qu'il a accompli et emporter la nomination du parti républicain.

Le problème est qu'il n'a pas voulu attendre, ce qui, à mon avis, est une erreur politique. C'est une erreur dont  les partisans de Trump  vont lui tenir rigueur,  car ils estiment que sa candidature affaiblit celle de Trump. Pour eux, plutôt que de voir les candidatures se multiplier – ce à quoi  on assiste avec l’entrée en lice récente de Tim Scott le sénateur de Caroline du Sud – le parti devrait se rassembler autour de Trump et travailler à contrer à l’avance les pièges et les magouilles des Démocrates. Ils devraient travailler à éviter qu’en 2024, se renouvelle la situation de 2020, avec une campagne définie par l’adversaire  et un contrôle du processus électoral dans quelques Etats clés par le camp adverse avec des conséquences désastreuses sur le résultat et la fiabilité du vote. En 2020 la campagne des Démocrates avaient été menées contre Trump, et non pas pour Biden, les Républicains devraient travailler dès à présent à s’assurer qu’en 2024 la campagne soit vraiment centrée sur le bilan catastrophique de Joe Biden, pas à nouveau sur la personnalité de Donald Trump .

Or c’est précisément ce que suscite une bataille interne au camp républicain. Pour les douze mois à venir on va voir les républicains se battre entre eux au lieu de se battre contre Joe Bioden. Cela signifie également qu'ils devront dépenser de l'argent, des arguments et semer le doute parmi certains électeurs, sans chercher à rassembler au-delà de leur base.

Bref, selon moi, la manœuvre de Ron DeSantis est une erreur politique et elle est vouée à l'échec. De plus, il n'a pas réussi à produire l'électrochoc nécessaire, étant donné qu'il est quand même 30 points derrière Trump. Son entrée en lice n’a suscité aucun enthousiasme. Il n’y a pas eu de bon dans les sondages. Sa campagne promet d'être laborieuse. Il reste à voir combien de temps il tiendra. Il n'est pas encore trop tard pour qu'il renonce avant le début des primaires, donc d’ici janvier 2024. Mais ce n’est pas dans son caractère.

Autre élément à prendre en considération, sa candidature peut susciter d’autres vocations. Si DeSantis estime que la nomination républicaine n’est pas acquise à Trump, d’autres pourraient faire le même raisonnement et être tentés d’entrer dans la course. On parle d’une candidature de l'ancien gouverneur du New Jersey, Chris Christie. Asa Hutchinson, le gouverneur de l’Arkansas a déclaré sa candidature, il pourrait être imité par Doug Burgum, le gouvernneur du Nord-Dakota,…La multiplication des candidatures divise le vote « non-trump », elle empêche l’émergence d’un vrai challenger tout en maintenant le doute et le bruit. De n’est pas ce dont les Républicains ont besoin à l’heure actuelle.

Dans quelle mesure l'attachement à Trump est-il viscéral, émotionnel, peut-être plus que rationnel pour les républicains ?

Dans une très large mesure ! A croire les sondages, au sein du parti républicain, entre 35 et 50% des sympathisants du parti ne voient pas d'autre candidat que Trump aujourd'hui, et ne veulent pas entendre parler de quiconque autre…. Cet attachement est très émotionnel pour eux. Il touche à l'irrationne. Trump est un candidat avec lequel ils s'identifient. Malgré son statut de star de la télévision et de milliardaire, Trump sait très bien communiquer avec les gens ordinaires, il a une véritable connexion avec eux, il les comprend parce que malgré sa fortune c’est un homme simple avec des aspirations ordinaires : il défend la liberté individuelle au service de la réussite nationale. Exactement ce que nombre d’Américains considèrent comme l’essence même de l’Amérique. Sa capacité à susciter l’adhésion est rare et exceptionnelle en politique. C'est un atout formidable. Plus certains attaquent Trump, plus sa base se resserre derrière lui, se solidifie derrière lui. Les démocrates espèrent affaiblir Trump avec une série d'affaires judiciares. Ils vont peut-être décourager certains indépendants de voter pour lui lors de l’élection générale en novembre 2024, mais ils ne vont pas décourager sa base républicaine de voter pour lui durant les primaires du parti.

La perversion du jeu des démocrates est qu’en fait ils souhaitent une candidature de Trump en 2024 parce qu’ils pensent pouvoir le vaincre à nouveau, comme en 2020. Ils l’attaquent aujourd’hui pour mieux le faire monter au sein de son camp, et pour finalement mieux le défaire lors du vote général de novembre 2024.

Cette tactique fonctionne à merveille. Au sein du parti républicain, il y a un électorat qui est plus motivé par un message anti-Washington, que par une programme économique constructif. Pour eux l’idée de d’assécher le marais (« Drain the Swamp » en anglais) est un programme de gouvernement/ Et personne mieux que Trump n’est capable de le faire.

Vous venez de dire qu'il y a une partie de l'électorat républicain qui est plus intéressée à déstabiliser Washington et l'establishment qu'à voir une politique particulière mise en œuvre. Pouvez-vous m'en dire un peu plus sur cette partie de l'électorat ?

Une fraction notable de l'électorat républicain se concentre sur cette question. Lorsqu'il s'est présenté en 2016, Trump avait un message contre l'immigration clandestine, mais aussi un message anti-"Deep State". Il voulait mettre à bas l’Etat profond. Il était là pour "assécher le marais", c’est-à-dire éliminer l’appareil eaucratique de Washington. Il n'a pas réussi à le faire complètement. Depuis lors, cet État profond, ce marais, n’a cessé d’étendre son emprise sur le gouvernement américain. Il contrôle une partie du Parti démocrate et une grande partie de l'administration.

Le récent rapport Durham a détaillé comment le FBI avait pu soutenir et encourager une enquête contre la campagne et l’administration Trump, de 2016 à 2019 inclus, tout en sachant qu’il n’existait aucune base factuelle justifiant une telle enquête. Mais il l’ont néanmoins menée, parce qu’elle affaiblissait leur adversaire. C’était un cas flagrant de politisation de l’administration. Un cas qui pour beaucoup d’Américains justifient que l’on revoie de fond en comble le fonctionnement de la capitale américaine…

Ainsi, il y a tout un électorat qui reste focalisé sur la politisation du gouvernement. Un mouvement suffisamment puissant pour que le Congrès ait lancé plusieurs commissions d’enquête sur le sujet. Ce groupe croit que Donald Trump est le seul homme capable de démanteler cet État profond. Il est le seul capable de nettoyer les écuries d’Augias… Voter pour un autre est une perte de temps…

Ron DeSantis est-il en définitive trop concret, trop sage, trop rationnel face à Trump ?

Il va falloir qu'il insiste beaucoup sur le message « Je peux gagner en novembre 2024, Trump ne le peut pas, c'est regrettable mais c’est ainsi donc faites de moi votre candidat… » Est-ce que cela suffira à  susciter une adhésion suffisante pour inverser la tendance ? Pas sûr ? Il a un retard d’une trentaine de points dans les sondages. Et la multiplication des candidatures va éparpiller les voix. La route sera très difficile pour lui.

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