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RGPD : pourquoi il ne faut pas trop vite crier victoire après la condamnation de Google par la CNIL
©Reuters

Données personnelles

La CNIL a condamné Google à une amende de 50 millions d'euros pour non-respect de la RGPD.

Etienne  Drouard

Etienne Drouard

Etienne Drouard est avocat spécialisé en droit de l’informatique et des réseaux de communication électronique.

Ancien membre de la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés), ses activités portent sur l’ensemble des débats de régulation des réseaux et contenus numériques menés devant les institutions européennes, françaises et américaines.

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Atlantico : Six mois après son entrée en vigueur, où en est l'application du RGPD ?

Etienne Drouard : Les entreprises l'appliquent, même si 85 % d'entre-elles n'ont pas encore bouclé l'inventaire des données qu’elles traitent. Les entreprises ont énormément travaillé sur la pédagogie, la formation pour mieux se coordonner sur le sujet et ont rendu visible sur internet les politiques modifiées. Les services clients se sont adaptés face aux personnes qui souhaitent exercer leur droit, conformément au RGPD. 

Par ailleurs les régulateurs, eux aussi, courent derrière la montre. Chacun de leur côté, les entreprises et les régulateurs ont assisté à la négociation pendant 4 ans du texte et ils doivent désormais l’interpréter. On a le sentiment que ce texte est incomplet. Par exemple, il a fallu attendre jeudi 17 janvier, pour que les entreprises publient les lignes directrices afin de connaître le périmètre géographique d'application du RGPD. Est-ce qu'une entreprise extra-européenne va déclencher l'application du RGPD du seul fait qu'elle ait un sous-traitant européen ? Si vous êtes un sous-traitant européen, cela va nécessairement déclencher l'application du RGPD. 
On voit bien que les régulateurs travaillent, les entreprises aussi et que 6 mois plus tard, on est encore dans un processus d'interprétation et cela va encore durer.  

Des plaintes ont été déposées contre Google pour infraction au RGPD. Assiste-t-on déjà à des fraudes de certaines entreprises ?

Ce sont les régulateurs qui le diront, mais il faut être patient : ces enquêtes sont lourdes et prennent du temps. Par ailleurs, ces plaintes ont été déposées le jour de l'entrée en vigueur. Hors, déposer une plainte le jour de l'entrée en vigueur d'une loi pour dénoncer le fait qu'une entreprise n'est pas conforme à cette même loi, cela ne peut que faire référence à une situation qui datait de la veille, donc lorsque le texte n'était pas encore en vigueur. Dans l'application de la loi, si le dépôt de ces plaintes était intervenu un peu plus tard, il aurait pu se reposer sur une certaine réalité postérieure à l'entrée en vigueur. C'est tout ce que les régulateurs vont devoir démêler et ils devront le faire ensemble. Aujourd'hui ce qui me parait essentiel, ça n'est pas tant que l'on décide de cibler de grandes entreprises fraudeuses, mais plutôt que, si on les sanctionne, il faut que cela soit solide comme du béton. Sinon, c'est la protection des données personnelles qui sera fragilisée.

C'est pourquoi les régulateurs ne se précipitent pas. Ils doivent se mettre d'accord sur une même lecture des sujets. La promesse du RGPD, c'est l'harmonisation absolue de l'interprétation par les régulateurs et tout cela prend du temps, pendant lequel chacun fait ce qu'il peut pour avancer.

Nous sommes dans une phase de fourmillement sur le plan réglementaire qui laisse passer une instrumentalisation du RGPD dans les rapports de force économique. Lorsqu'on a peur du RGPD et qu'on se retrouve dans une position dominante, on demande une assurance-vie à son contractant en lui expliquant qu'en cas d'accord sur des données, il s'engage à respecter le RGPD ou alors sa responsabilité pourra être enclenchée. Aujourd'hui, c'est plutôt des rapports de force économique dans les rapports contractuels qui nous montrent que, pour être caricatural, certains géants américains font payer le RGPD à des sociétés européennes en leur demandant des garanties qui les obligent ou à mentir ou à mourir. Elles apportent des garanties qu'elles ne sont pas capables de tenir sous peine de ne pas signer de contrats pourtant vitaux pour elles. 

Le RGPD a été critiqué notamment parce qu'il serait désavantageux pour les entreprises européennes, comparées à certaines entreprises, notamment nord-américaines. Peut-on déjà constater ce désavantage, un écart qui se creuse ?

Oui. Certaines sociétés européennes perdent plus d'un million d'euros par semaine parce qu'elles ne peuvent plus pratiquer leur activité, par exemple de la publicité digitale, si elles ne signent pas un accord de responsabilité totale. Aujourd'hui 43 États non-européens ont adopté une discussion de textes sur la protection des données personnelles. On peut y voir une inspiration européenne envers le reste du monde. Ces textes sont destinés à être des remparts au RGPD. Par exemple, la Californie  a mis une au point une loi de protection des données. Ca n'est pas un état où il n'y a que de petites entreprises…  Le Japon, la Chine et la Russie ont fait de même. Cela leur permet d'affirmer que le RGPD s'arrête à leur frontière, puisqu'ils n'ont pas de niveau de protection nul. L'écart entre la loi locale et les endroits où le RGPD sera appliqué feront de ces pays des lieux où les sociétés seront plus compétitives.

Les entreprises européennes risquent donc d'être les principales impactées par ce nouveau règlement ?
Oui. Il ne s'agit pas de souhaiter un nivellement par le bas des règles de protection des données personnelles. Cependant, le premier exemple que l'on a des interprétations du RGPD européen sont tellement strictes – plus strictes même que le RGPD – que cela créé de l'insécurité et de la perte de valeur économique pour les entreprises européennes. C'est immédiat, mécanique. La manière dont le texte est interprété aujourd'hui n'est pas celle dans laquelle il a été adopté.

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