Quel est le meilleur moment pour se faire vacciner contre la grippe ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Un patient reçoit une dose de vaccin contre la grippe
Un patient reçoit une dose de vaccin contre la grippe
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Grippe saisonnière

Les experts peinent à s’accorder sur la réponse

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

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Atlantico : Aux États-Unis, mais aussi en France, les autorités sanitaires préconisent de se faire vacciner une fois par an contre la grippe. Cette vaccination a généralement lieu en automne, pour préparer au mieux l’approche de l’hiver. Pourtant, les experts n'ont toujours pas trouvé de consensus sur le moment optimal pour se faire vacciner, ni même sur le nombre d'injections à faire. Comment expliquer cette situation ? 

Antoine Flahault : En France, comme dans la plupart des zones tempérées de l’hémisphère nord, la plupart des épidémies de grippe survient entre novembre et avril. Il n’y a qu’une vague épidémique par saison froide. La moitié des épidémies démarre avant Noël, l’autre moitié après, sans que la date de démarrage ne soit prévisible. Il convient donc de se faire vacciner avant que l’épidémie ne commence, c’est à dire avant le mois de novembre. Une seule injection sous-cutanée par un vaccin à virus inactivé (= tué par un procédé chimique) est généralement pratiquée.

Atlantico : Certains experts préconisent de se faire vacciner début septembre, d’autres recommandent une injection au mois de décembre. Quels sont les avantages et les inconvénients de se faire vacciner à ces différentes périodes de l’année ? 

Si l’immunité devait s’émousser avec le temps, alors attendre le plus tard possible dans la saison pourrait faire sens. Mais cet émoussement est loin d’être démontré. Certes les taux d’anticorps baissent rapidement trois mois après l’injection mais il n’y a pas de parallélisme entre le taux d’anticorps circulants et la protection conférée par le vaccin. Pour un autre vaccin, celui de la fièvre jaune, la protection par une seule injection dure toute la vie et bien peu des personnes vaccinées ont des anticorps décelables dans le sang après quelques années. Le risque que l’on prendrait en se vaccinant trop tard contre la grippe serait de ne pas être immunisé à temps, si l’épidémie devait survenir précocement (rappel : pour la moitié d’entre elles).

Il ne me semble pas que l’on préconise en France une vaccination « début septembre »car le vaccin n’arrive généralement en pharmacie qu’à la fin du mois de septembre. Cette année, la campagne de vaccination anti-grippale est couplée avec celle du rappel Covid, et démarrera le 18 octobre 2022. Se vacciner fin octobre me semble un bon compromis pour s’assurer d’une couverture optimale pour l’ensemble de la saison grippale à venir. 

Certains experts préconisent de se faire vacciner deux fois à quelques mois d’intervalle. Est-ce la meilleure solution pour lutter contre la grippe ?

Je n’ai pas vu de données scientifiques probantes venant étayer la pratique d’une double vaccination contre la grippe saisonnière. Une étude publiée par une bonne équipe de Hong Kong ne me semble pas transposable facilement à la France, car elle porte sur ce territoire chinois situé en zone sub-tropicale, dont l’épidémiologie est spécifique. Les autres expériences rapportées par des médecins (nord-américains) se basent uniquement sur des relevés de taux d’anticorps circulant peu convaincants car ce sont des marqueurs de substitution. Certes c’est un vaccin très bien toléré, mais il est plus raisonnable de suivre les recommandations de la HAS en la matière. Elles émanent d’une expertise collective indépendante des fabricants et se fondent sur les meilleures données scientifiques du moment.

Dans quelle mesure est-il important d’adapter la stratégie vaccinale en fonction de l’âge et du profil du patient ? 

La vaccination contre la grippe n’est pas « stérilisante ». On a appris ce que cela signifiait depuis la vaccination contre le Covid. Ainsi, avec un vaccin non stérilisant, pouvez être vaccinés et contracter quand même la grippe. Mais votre grippe alors ne sera pas trop sévère, et vous enverra moins souvent à l’hôpital. Vous risquerez moins d’en mourir si vous êtes protégés des formes graves de grippe par le rappel vaccinal anti-grippal annuel. Comme pour le Covid, les personnes à risque de formes graves ne sont pas réparties au hasard dans la population, ce sont plus souvent des personnes âgées (65 ans et plus), des personnes ayant des co-morbidités sous-jacentes, notamment des maladies chroniques cardio-respiratoires, une obésité ou des déficits immunitaires, ainsi que les femmes enceintes. Ces personnes doivent recevoir en priorité le vaccin, et également leurs aidants et les soignants. Si le vaccin est largement disponible, toute la population peut se voir proposer le vaccin, même les enfants. Il est d’ailleurs recommandé dès l’âge de six mois aux Etats-Unis, car il réduit la circulation du virus dans la communauté et prévient en partie l’absentéisme scolaire pour les plus de six ans. En dehors des personnes prioritaires chez qui il est gratuit, il est remboursé en France à 65%, sur prescription médicale.

À l'avenir, les améliorations apportées à la technologie du vaccin contre la grippe pourraient-elles contribuer à lever une partie cette ambiguïté ?

Le vaccin contre la grippe n’est pas très efficace à contrer les contaminations et les transmissions. Il ne devrait pas nous dispenser de porter le masque en période épidémique, ce qui se fait très habituellement dans de nombreux pays asiatiques mais pas tellement jusqu’à présent en Occident. Peut-être la pandémie de Covid-19 aura-t-elle changé cela ? C’est un peu tôt pour le dire. Les investissements qui pourraient être réalisés à l’avenir pour améliorer la qualité de l’air intérieur, la ventilation des lieux clos en particulier, pourraient avoir un impact important sur la réduction des contaminations par le virus de la grippe. De nouveaux vaccins plus performants pour réduire la transmission seraient évidemment bienvenus mais on les cherche encore.

Nota : je déclare n’avoir aucun conflit d’intérêt dans ce domaine.

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