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Pow-wow, mélodies régionales ou encore chants protéodiques : les baleines, ces incroyables "faiseuses de tubes"
©Capture d'écran

Bonnes feuilles

Les animaux sont beaucoup plus intelligents qu’on ne l’a jamais cru... Régulièrement, des découvertes se font jour qui nous éclairent sur leur sensibilité, leur capacité d’émotion, leur générosité, leur solidarité et, osons le dire, leur sagesse. Sept esprits brillants, aux parcours exceptionnels, nous emmènent dans cet univers fascinant de l’intelligence animale. Extrait de "L'animal est-il l'avenir de l'homme ?" de Yolaine de La Bigne, aux Editions Larousse (1/2).

Yolaine De la Bigne

Yolaine De la Bigne

Yolaine de La Bigne est auteur de plusieurs livres. Son Université d’été de l’animal, créée en août 2016, a pour vocation de réunir chaque année les meilleurs spécialistes de l’intelligence animale et de communiquer leurs découvertes au grand public.

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C’est d’autant plus passionnant que les baleines sont capables de communiquer jusqu’à de très grandes distances. Mon ami David Rothenberg a écrit un très bel ouvrage (qui n’a pas été traduit de l’anglais), Thousand Mile Song, dans lequel il parle des capacités de ces animaux à communiquer par le son sur une distance pouvant atteindre 1 000  milles nautiques. Elles peuvent encore communiquer sur des distances beaucoup plus grandes, et se transmettre en particulier des chants protéodiques de l’Australie jusqu’à Hawaï, ou au Gabon ou ailleurs, toujours pour éviter ce problème de consanguinité. Depuis des millions d’années, elles sont capables de faire cela. J’en parle avec beaucoup de délicatesse, car c’est à l’étude, mais on a trouvé aussi sur des biopsies de l’ADN de baleine australienne dans des baleines hawaïennes, neuf  mois après qu’elles se soient mises à chanter, et où le tube des baleines de l’année était un tube hawaïen. Savez-vous aussi que les baleines chantent des chants régionaux qui sont inspirés des hommes auprès desquels elles vivent depuis des milliers d’années ?

Eh oui chaque année, c’est le fameux « tube des baleines » (vous tapez sur Internet «  tube des baleines  » et vous verrez). Ce n’est pas une théorie. Les bioacousticiens marins le savent tous, c’est comme l’Eurovision (en mieux quand même, le niveau est plus élevé !) : pendant un an, toutes les baleines du monde vont chanter le tube hawaïen (puis le tube australien l’année suivante, puis le tube du parc national de Mayumba au Gabon l’année d’après, etc.). Mais on ne s’est jamais demandé pourquoi. Un jour, en discutant avec Heather Arding, une amie qui travaille pour le Smithsonian, on s’est rendu compte qu’elles chantaient ce chant juste avant la reproduction, le fameux pow-wow dont je vous ai parlé tout à l’heure. Le pow-wow ne dure que trois semaines par an, parce qu’il ne peut y avoir de reproduction hors cycle de migration, sinon les bébés naîtraient de manière aléatoire pendant les migrations, ce qui n’est pas possible, ils mourraient de froid, ou de chaud. À ce moment-là, une semaine avant le pow-wow des jeunes mâles et des jeunes femelles, les grands mâles vont chanter des chants qui vont agir sur les hormones des femelles.

Là, je vous parle d’hypothèses, on travaille dessus actuellement, et on commence à avoir des résultats assez bluffants sur les hormones des femelles et la libido des jeunes mâles. On s’est rendu compte que, pendant cette période, elles arrivaient à intégrer des chants venant d’une autre région du monde, et pas à un autre moment. Mais pourquoi ? Et là, Heather, qui est généticienne, me dit que, si cela se trouve, il y a des séquences protéodiques qui vont modifier l’ADN ? C’est la raison pour laquelle une biopsie a été faite l’année suivante, au cours de laquelle nous avons trouvé de l’ADN dans toutes les baleines du monde, celui qui correspondait au chant chanté un an auparavant. Mais comment transportent-elles l’ADN sur ces séquences protéodiques ? Ce sont les travaux actuels de Luc Montagnier sur la mémoire de l’eau. Et les baleines font cela depuis 15  millions d’années. Une fois la période terminée, elles s’arrêtent et se mettent à chanter du « bromure musical » pour «  stopper l’histoire  » (impressionnant !), pour faire passer le message « Si vous vouliez venir me voir, c’était avant… ».

Une section « chant de baleines » à l’école

J’ai eu la chance de voyager beaucoup toute ma vie. Je n’ai fait pratiquement que cela depuis 1980, pour suivre mes bestioles et leur casser les pieds autour de la planète. Un peu comme une espèce de David Vincent, il me faut arriver à convaincre un monde incrédule que les baleines chantent, et que cela sert à quelque chose ! Il y a des moments où je me réveille le matin et où je me dis que je ne vais jamais y arriver, mais je continue ! On a vu que les peuples premiers intégraient les chants de baleines, mais aujourd’hui, à part des dingues comme moi, personne ne joue de la musique de baleine. Et là, j’ai fait une rencontre extraordinaire avec Cyril Dobigeon, directeur, à Petit-Bourg en Guadeloupe, d’une école de musique qu’il a créée il y a dix-sept ans (400 élèves, 20 professeurs). C’est d’ailleurs là que travaille Clémentine Florion. Cette école privée vit grâce aux donations des parents et de fêtes organisées, car il y a très peu de subventions, mais l’école tient le coup. L’année dernière, on a créé, pour les petits, une section « chants de baleines ».

On apprend aux enfants à jouer ces mélodies de chants de baleines Ils sont déjà 25 gamins dans la classe, et c’est extraordinaire de les voir jouer de toutes sortes d’instruments, accompagnés du professeur spécifique, et chaque professeur d’un instrument accompagne un ou deux gamins. Et en leur apprenant cette musique, nous sommes en train de former un orchestre de petits humains de 10 à 15 ans chantant la musique des baleines en groupe. Bien évidemment, le but est de les emmener en mer sur un catamaran et de les faire jouer avec leurs baleines, parce que c’est quand même chez eux en Guadeloupe. La plupart d’entre eux n’ont jamais vu de baleines ; comme la plupart des insulaires, ils ont toujours une appréhension de la mer. Bref, c’est un truc qui nous tient à cœur avec Cyril, parce qu’il y a un lien très clair entre l’intelligence animale et l’intelligence humaine. Cette idée de voir des enfants jouer de la musique avec des baleines, il y a un vrai échange, mais encore une fois, les mécènes ne se bousculent pas pour nous aider dans cette aventure…

Extrait de L'animal est-il l'avenir de l'homme ? de Yolaine de La Bigne, aux Ediitons Larousse

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