Pourquoi les gens préfèrent encore des chocs électriques à rester seuls avec leurs pensées <!-- --> | Atlantico.fr
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Il est difficile de rester seul face à soi-même.
Il est difficile de rester seul face à soi-même.
©Reuters

Noeuds au cerveau

Selon une étude menée par l'Université de Virginie et publiée vendredi 4 juillet dans le magazine Science, rester seul avec soi-même face à ses pensées serait un exercice beaucoup plus difficile qu'il n'y paraîtrait.

Jean-Baptiste  Stuchlik

Jean-Baptiste Stuchlik

Jean-Baptiste Stuchlik est psychosociologue, il a dirigé le secteur Santé/Secteur Public de plusieurs cabinets de conseil internationaux. Il est le co-auteur de "Petit traité du bonheur 2.0: Comment prendre soin de soi et des autres grâce aux technologies numériques" avec Christophe Deshayes, chez Armand Colin, 2013.

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Atlantico : Selon une étude menée par l'Université de Virginie et publiée vendredi 4 juillet dans le magazine Science, rester seul avec soi-même face à ses pensées serait un exercice beaucoup plus difficile qu'il n'y paraîtrait. Certains candidats de l'étude ont même préféré subir des électrochocs plutôt que d'avoir à affronter leur moi intérieur. Sommes-nous devenus incapables de supporter nos propres pensées ? Comment l'expliquer ?

Jean-Baptiste Stuchlik : Cette étude ne fait que confirmer ce que déclarait Blaise Pascal dans ses Pensées "tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre". Remarquons que dans cette étude, les chocs électriques étaient sans douleur, ce qui relativise le sujet. On oublie souvent que mettre un individu à l’isolement, dans une pièce blanche, est une technique utilisée à maintes reprises de "torture propre", qui conduit à des comportements d’auto-mutilation, voire suicidaires. C’est aussi une technique malheureusement courante de harcèlement moral pour pousser les gens à démissionner.

Le professeur en charge de l'étude, Timothy Wilson, expose l'hypothèse suivante : les mammifères ne sont pas formés pour penser pendant de longues minutes, étant toujours à l'affût de son environnement afin de se protéger. En tant que mammifères, nous aurions conservé cet instinct de survie. Cette hypothèse est-elle plausible ? Comment expliquer à ce moment-là que nous soyons cependant capable de réfléchir pendant de longues minutes ? N'est-il pas possible de penser tout en observant les alentours pour sa survie ?

Si cette hypothèse était fondée, on aurait du mal à croire qu’un humain puisse passer de longs moments à ne rien faire devant un magnifique paysage, ou à bronzer tranquillement les yeux fermés sur une plage déserte ! Des explications évolutionnistes de ce type ont eu cours pendant des dizaines d’années avant d’être invalidées. Ce qui est vrai en revanche, c’est que l’être humain a besoin de stimuli, d’échanges. On observe par exemple que les personnes qui vivent seules ont en général un déclin cognitif plus rapide, et qu’au contraire, avoir eu une activité intellectuelle est un facteur de protection contre l’Alzheimer. C’est peut-être tout simplement parce que notre cerveau a besoin de s’entretenir qu’il fuit l’ennui !

Comment l'évolution de notre environnement (notamment l'exposition aux nouvelles technologies) peut-elle par ailleurs expliquer ce phénomène ?

Remarquons que l’espèce humaine a été de plus en plus exposée à des stimuli structurés : la parole, puis l’écriture, puis la radio, la télévision, enfin les nouvelles technologies. A chaque étape nous nous sommes adaptés à cet accroissement du niveau de sollicitation, car nous avons grandi avec. En revanche, des pratiques mentales comme la réflexion, la méditation, la prière peuvent aussi s’analyser comme des stratégies où l’on est seul face à soi-même.

Qu'est-ce qui pourrait nous permettre d'accepter davantage le fait d'être seul face à nous-même ? Faut-il des conditions particulières ?

Je partage cet avis selon lequel les technologies ont tendance à nous éloigner de nous-mêmes, dans le sens où elles ont été conçues, volontairement ou non, dans une logique d’extériorité et non d’intériorité. Mais une nouvelles génération de technologies est en train d’arriver, appelées "calmingtech", ou technologies apaisantes. Des chercheurs de l’Université de Standfordétudient des interfaces qui aident à se recentrer sur soi. Nous travaillons d’ailleurs actuellement avec Christophe Deshayes, co-auteur du "Petit Traité du Bonheur 2.0" sur un projet innovant en ce sens, soutenu par BPI France, et qui sera présenté à Las Vegas en janvier 2015 pour le Consumer Electronic Show.

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