Pourquoi la sensibilisation au dépistage du cancer du sein par Angelina Jolie a ruiné les efforts de prévention des institutions de santé <!-- --> | Atlantico.fr
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L'actrice comptant parmi les plus belles femmes du monde faisait là preuve d'une véritable force de caractère, comme pour rappeler son humanité, derrière le strass et les paillettes d'Hollywood.
L'actrice comptant parmi les plus belles femmes du monde faisait là preuve d'une véritable force de caractère, comme pour rappeler son humanité, derrière le strass et les paillettes d'Hollywood.
©Reuters

Ça partait d'une bonne intention

En 2013, l'actrice américaine Angelina Jolie avait sensibilisé des milliers d'Américains et de personnes dans le monde au cancer du sein, en recourant elle-même à une double mastectomie préventive. Ce qu'elle ne savait pas, c'est que les conséquences n'allaient pas être aussi positives que cela. Au contraire.

La nouvelle avait fait l'effet d'une bombe. Le 14 mai 2013, le New York Times publiait une tribune de la célèbre Angelina Jolie, dans laquelle l'actrice déclarait être en possession d'un gène augmentant sensiblement le risque de cancer du sein, BRCA1. Elle y annonçait par la même occasion sa décision de faire l'objet à une double mastectomie préventive. Le courage d'Angelina Jolie avait ému l'Amérique et le monde entier, qui assistait là une l'une des rares occasions où une célébrité parlait publiquement de ses problèmes de santé, en l'occurrence un éminent risque de cancer. L'actrice comptant parmi les plus belles femmes du monde faisait là preuve d'une véritable force de caractère, comme pour rappeler son humanité, derrière le strass et les paillettes d'Hollywood.

Augmentation du nombre de dépistages

Un coup de communication inespéré pour les instituts de lutte contre le cancer du sein, qui profitaient là d'un formidable éclairage médiatique. Et dans les semaines qui suivirent, on constata une forte hausse de fréquentation des centres de dépistage. L'opération était réussie : Angelina Jolie avait réussi à sensibiliser la population au cancer du sein. Toutefois, il apparaît que cette première tribune, puis la deuxième, publiée en 2015, annonçant l'ablation de ses ovaires et trompes de Fallope, n'auraient finalement pas tant joué en faveur de la lutte anti-cancer, rapporte The Washington Post.

Pourtant, c'était bien là le but. En faisant cette annonce publiquement, Angelina Jolie en avait profité pour faire passer un message de prévention. "Il est aujourd'hui possible grâce à des analyses sanguines de savoir si vous êtes susceptibles de développer un cancer du sein ou des ovaires, et ainsi d'agir en conséquence", écrivait-elle. Quel meilleur message pouvait-elle envoyer ? Aucun. Sa tribune était en soi un excellent moyen à moindre coût de faire parler de la maladie et de son dépistage. Durant les trois semaines qui ont suivi son annonce, le nombre de tests génétiques préventifs a en effet augmenté de 64% par rapport aux trois semaines précédant la tribune, remarquaient des scientifiques de la Harvard Medical School dans une étude publiée dans le British Medical Journal. Au total, ce sont près de 4 500 dépistages supplémentaires qui ont été exécutés, dans le but de savoir si ces personnes possédaient ce fameux gène BRCA1.

À double tranchant

Mais tout cela a un coût : 13,5 millions de dollars (12,9 millions d'euros). Une grosse somme dépensée, que certains experts regrettent "l'effet Jolie" ; "Des personnes qui n'avaient pas besoin de se faire dépister sont tout de même allés faire le test. Il n'y a pas véritablement eu de campagne de prévention ciblée pour les personnes qui étaient réellement à risque et avait intérêt à se faire dépister", regrette dans les colonnes du Washington PostTimothy Caulfield, un professeur de droit à l'Université de l'Alberta (Edmonton, Canada) spécialisé dans les politiques de santé.

Mais quel mal y a-t-il à savoir si l'on a des risques de développer un cancer ? Eh bien, le coût pour commencer. Chaque dépistage coûte quelque 3 000 dollars. La multiplication de ces tests a pu amenuiser les ressources de santé allouées à la lutte contre maladie, au grand désarroi des personnes bel et bien souffrantes d'un cancer. Mais ce n'est pas là le point essentiel. Le véritable problème est que ce gène BRCA1 reste assez rare, et de nombreux autres facteurs sont susceptibles de conduire à un cancer. La plupart des malades du cancer du sein ou des ovaires ne disposent pas de cette particularité génétique. En réalisant que leur test était négatif, de nombreuses femmes se sont senties à l'abri du cancer – à tort. "Les effets négatifs de cette tribune est que les femmes qui sont allées se faire dépister et ont obtenu une réponse négative ont ressenti une fausse impression de sécurité. Ce qui est totalement erroné, puisque elles courent toujours le risque de faire partie des une personne sur huit qui développeront un cancer", explique Mark Boguski, un scientifique spécialisé dans les répercussions de telles annonces publiques de la part des célébrités.

Reste que l'intention était bonne de la part d'Angelina Jolie. Le 4 octobre 2016, l'acteur américain ben Stiller confiant également dans un article son combat contre le cancer de la prostate dont il est atteint.

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