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Pourquoi la pédophilie est loin de n’être qu’une violence masculine
©JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP

Pour aider toutes les victimes

Dans un entretien donné au journal Le Monde, Denis Pelletier, historien, explique que la pédophilie est un problème masculin et qu'il est prépondérant dans l'Eglise, car elle s'est construite autour de la masculinité du pouvoir.

Philippe Genuit

Philippe Genuit

Philippe Genuit est psychologue clinicien au Centre Ressource pour les Intervenants auprès des Auteurs de Violences Sexuelles (Criavs) de Midi-Pyrénées à Toulouse.

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Parce qu'elle est plus visible, la pédophilie masculine retient exclusivement l'attention, est-ce parce qu'il existe un tabou autour de la pédophilie féminine ? D'où vient-il ?  Est-il prépondérant en France et pour quelles raisons essentielles ?

Philippe Genuit: La pédophilie masculine est prépondérante dans la judiciarisation des actes. Valentin Magnan, qui est un psychiatre français, dans son Traité des perversions, évoque trois cas de pédophilie féminine. Donc dire que la pédophilie est essentiellement masculine est un point de vue par rapport à la judiciarisation des faits. Sur la question de l'attirance érotique vers les enfants, ce n'est pas aussi évident. la pédophilie féminine existe autant, mais elle se voit moins, est moins judiciarisée et elle peut-être moins violente. Mais au cours des âges il suffit de lire l'Education du Roi Henri IV tel que pouvait le dire Philippe Ariès, pour s'apercevoir que l'éducation des petits garçons dans la petite noblesse commençait très tôt par les femmes. Cela dépendait des classes et des castes sociales. Donc au niveau quantitatif et du judiciaire, c'est la question masculine qui est en avant. Mais il faut revoir la copie sur la définition de la pédophilie en termes médicaux et sur le fait que les femmes sont tout autant présentes dans ces questions là. Est-ce que c'est moins traumatisant ? C'est une autre question. On entend aujourd'hui nombre de religieuses aujourd'hui évoquer le fait que dans l'église il n' y a pas que de l'homosexualité il a de l'hétérosexualité et je ne pense pas que ça soit une question essentiellement masculine. 

Au Royaume-Uni, les cas de pédophilie féminine sont nombreux et cela semble surprendre. Si l'on souhaite réellement aider les victimes d'actes pédophiles, ne doit-on pas considérer le problème dans son ensemble et briser ce tabou ? De quelle manière ? Les victimes de pédophilie féminine sont-elles victimes de représentations collectives qui induiraient une moins grande indignation de la part de l'opinion ? 

La question du tabou, ça serait l'interdit. Est-ce que c'est bien ou mal ? Je pense que ça pose des problèmes. Souvent on met sous le terme de tabou quelque chose qu'on méconnaît. C'est plus une méconnaissance qu'un tabou. Les tabous, on les met où l'on veut. Il y a quelque chose qu'on veut peut-être ne pas connaître, en cela il y a peut-être quelque chose du tabou. Ce n'est pas un interdit comme le totem-tabou de Freud. C'est davantage quelque chose de l'ordre d'une Tartufferie: cachez ce sein que je ne saurais voir. On ne veut pas le voir. Je connais des victimes hommes ou femmes qui ont été abusées par des femmes qui en sont moins traumatisées et d'autres qui le sont davantage, car c'était quelque chose qui était inavouable au sens où la parole ne pouvait pas être homologuée. En grec, homo logia, la même parole, traduit la notion d'aveu. C'est quelque chose qu'on ne pouvait pas dire. On ne se permet pas de le dire, inconsciemment ou consciemment car on considère que ce n'était pas entendable par les autres. Quelques fois des personnes me disent qu'elles s'aperçoivent maintenant qu'elles ont été abusées en considérant au moment que c'était normal. On est dans des codes où il y a encore peu de temps ce n'étaient pas des choses qui se révélaient. C'était inentendable. Aujourd'hui on commence à les entendre.

La pédophilie masculine et la pédophilie féminine constituent-elles un seul et même problème auquel il faut répondre strictement de la même manière ou bien existe-t-il des spécificités, des schémas différents, qui nécessitent de bien les distinguer ?

On pourrait penser en termes de genre masculin/féminin, mais regardez bien le masculin en occident, en orient et le féminin. Il faut penser ça de façon anthropologique. L'anthropologie suppose à la fois la communauté d'actes et des différences. Les singularités peuvent être de genre, de classe sociale, de mode d'éducation, de civilisation. Le genre est une singularité. Selon les sociétés, les modes de théorisation, on va découper, sectoriser, sectariser de façon différente. Je ne vais pas dire qu'on va traiter de la même façon un homme ou une femme pédophile, pas plus qu'on ne traitera une femme et un homme paranoïaques de la même façon. Si la personne vient de la paysannerie ou de la bourgeoisie, il va y avoir des différences. Il faut tenir compte des différents phénomènes de sectarisation de l'humain. D'autant qu'on continue à offrir des barbies roses aux filles et des camions bleus aux garçons. Il y aura toujours de la différenciation. La place de la femme peut varier selon les pays. C'est intéressant de percevoir le phénomène de la pédophilie en perspective dans le monde en général. Il faut voir la relativité clinique de la situation. Ce qui est intéressant c'est que certains pensent la pédophilie en fonction du genre alors qu'en étant clinicien on pense au mode de rencontre, de la même façon que l'on peut penser le mode de rencontre amoureux chez un adulte. Là on pense le mode de rencontre entre le pédophile et l'enfant. Ce sont des échos de vulnérabilité. Le prêtre pédophile, par exemple, ne va pas vers n'importe qui. Je ne veux pas dire que la victime participe de cela. Les vulnérabilités se rencontrent. Cela ne se passe pas de la même manière pour les hommes et pour les femmes. Je pense pas qu'il faille réduire la question à cela. Je vous parlais de la méconnaissance. Dans la mesure où ce n'est pas envisageable, même les victimes ne l'envisagent pas. Elles pensent avoir vécu autre chose que cela. Chez les Anglais ils parlent de Lover Teacher qui initient les enfants dans un mode de relation qui n'est pas considéré comme un abus. Ce n'est que plus tard que les enfants s'en rendent compte. 

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